d’après Qu’est-ce qu’un Français ? de Patrick Weil, Grasset 2002
1803 : promulgation du Code Civil
La femme mariée devient une dépendance de son mari sur le plan du droit civil. Lors de la discussion du titre « Du Mariage » en Conseil d’Etat, Bonaparte affirme : « La femme est la propriété du mari, elle appartient à celui-ci comme l’arbre à fruit appartient au jardinier. » C’est que « la nature a fait de nos femmes nos esclaves ! Le mari a le droit de dire à sa femme : Madame, vous ne sortirez pas. Madame, vous n’irez pas à la comédie. Madame, vous ne verrez pas telle ou telle personne ! C’est-à-dire : Madame, vous m’appartenez corps et âme. »
Jusqu’en 1927, si l’homme et la femme qui se marient ont des nationalités différentes, la femme prend celle du mari et perd la sienne. Une Française qui épouse un étranger devient étrangère. Elle ne peut recouvrer sa qualité de Française que lorsque, devenue veuve, elle réside en France ou qu’elle vient y fixer avec l’autorisation du gouvernement. Seul l’homme transmet la nationalité à ses enfants : est français l’enfant né d’un père français.
Plus de 100 000 Françaises devenues étrangères
Avec le développement de l’immigration, les mariages mixtes se sont multipliés et de nombreuses femmes nées françaises sont devenues étrangères alors qu’elles résident toujours en France ; c’est le cas de 17 000 Françaises pour la seule année 1919. Lors du recensement de mars 1926, parmi les femmes comptées comme étrangères, il y en avait sans doute près de 150 000 qui étaient nées françaises.
En épousant un étranger, la femme française change de nationalité souvent sans le vouloir, parfois même sans le savoir : l’officier d’état civil donne lecture des pièces relatives à l’état des futurs époux, il leur demande s’il a été fait un contrat de mariage, puis recueille leur déclaration d’engagement réciproque. Et c’est tout ! Le mariage prononcé, la femme a changé de nationalité. Devenue étrangère, elle doit immédiatement se faire enregistrer selon les prescriptions du décret du 2 octobre 1888 et de la loi du 8 août 1893, elle doit se procurer la carte d’identité d’étranger conformément au décret du 2 avril 1917.
Les lois de 1927 et de 1973
Dès la fin de la guerre 14-18, les mouvements féministes se mobilisent ; la modification de la loi est une priorité.
Par la loi de 1927, il est décidé que la femme française conserve sa nationalité française quand elle épouse un étranger, mais qu’elle peut prendre la nationalité de son mari ; un texte assure le même statut à la femme étrangère.
L’égalité complète du statut de la femme et de l’homme n’a été obtenue qu’en 1973 dans le domaine de la nationalité. Dorénavant, le mariage entre deux personnes de nationalités différentes n’a plus d’effet automatique sur la nationalité de l’un ou de l’autre : chacun peut conserver sa nationalité d’origine. De plus le conjoint de Français - femme ou homme - peut, après le mariage, réclamer la nationalité française et l’obtenir par une simple déclaration, qu’il réside en France ou à l’étranger. Enfin, si les époux conservent des nationalités différentes, chacun d’entre eux transmet la sienne à leurs enfants.