« Les combattants sont tenus de respecter, en toutes circonstances, les règles du droit des conflits. C’est un principe qui remonte aux conventions internationales de Genève ou de La Haye. Encore faudrait-il connaître ces règles. » C’est par ces mots que Jacques Isnard commençait un article [1] consacré à la publication du “Manuel de droit des conflits armés”.
Ce manuel sert à instruire les membres des armées françaises déployées hors des frontières. Il se présente sous la forme d’un répertoire d’une centaine de pages, consultable au moyen d’un index alphabétique.
A la lecture de ce répertoire, il apparaît que trois principes fondamentaux inspirent le droit des conflits armés.
- Une logique d’humanité, d’abord. On ne peut pas user de n’importe quel moyen, ni de n’importe quelle méthode de guerre. Ainsi de la torture, des traitements qualifiés de « cruels », d’ « inhumains » ou de « dégradants » par les conventions internationales. « Toute bataille gagnée au mépris de la dignité humaine, est-il notamment expliqué, est, en effet, tôt au tard, une bataille perdue. »
- Un principe de discrimination ensuite. C’est une autre version d’un principe connu, aujourd’hui, sous le vocable de « principe de précaution ». Il faut tout faire pour que les belligérants distinguent les cibles militaires des objectifs civils (populations et biens) « qui ne doivent faire l’objet d’aucune attaque volontaire ».
- Le principe de proportionnalité enfin. Il doit exister une « adéquation » entre les moyens utilisés et l’effet militaire recherché. Il n’est pas exclu que « des dommages collatéraux » - dont la population serait victime - se produisent dans le feu de l’action, mais « à condition que les dommages collatéraux ne soient pas excessifs par rapport à l’avantage militaire concret et direct attendu ».
Vous trouverez ci-dessous quelques rubriques extraites de ce manuel : crime de guerre, crime contre l’humanité, crime de génocide, torture, responsabilité, responsabilité pénale, ainsi qu’un article consacré à la Cour pénale internationale repris de la précédente édition du manuel.
Vous pouvez également lire des parties de ce manuel sur le site du ministère de la défense : le préambule, puis l’introduction.
Vous pouvez même
télécharger le manuel
(382 Ko, au format PDF).
La déportation, la réduction en esclavage ou la pratique massive et systématique d’exécutions sommaires, d’enlèvements de personnes suivis de leur disparition, de la torture ou d’actes inhumains, inspirés par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux et organisés en exécution d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de population civile sont punis de la réclusion criminelle à perpétuité.
[Article 212-1 du code pénal.]
D’autre part, l’article 75 du protocole I du 8 juin 1977, additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949, précise que sont et demeureront prohibés en tout temps et en tout lieu les actes suivants, qu’ils soient commis par des agents civils ou militaires :
- Les atteintes portées à la vie, à la santé et au bien-être physique ou mental des personnes, notamment : le meurtre ; la torture sous toutes ses formes, qu’elle soit physique ou mentale ; les peines corporelles et les mutilations.
- Les atteintes à la dignité de la personne, notamment les travaux humiliants et dégradants, la prostitution forcée et toute forme d’attentat à la pudeur.
- La prise d’otages.
- Les peines collectives.
- La menace de commettre l’un quelconque des actes précités.
Enfin, l’article 8 du statut de la Cour pénale internationale définit comme crime de guerre « les infractions graves aux conventions de Genève du 12 août 1949, lorsqu’elles visent des personnes ou des biens protégés par les dispositions des conventions de Genève » et « les violations graves des lois et coutumes de la guerre, dans un conflit armé international ou non international. »
L’article 29 du statut de la Cour pénale internationale (CPI) dispose que les crimes relevant de la compétence de la cour ne se prescrivent pas.
Exemples : Les atteintes à l’intégrité physique ou à la santé causées intentionnellement, les destructions et appropriations de biens non justifiées par des nécessités militaires et exécutées à grande échelle de façon illicite et arbitraire, l’esclavage, l’exécution de prisonniers de guerre, de blessés ou naufragés, l’homicide intentionnel, le pillage, les prises d’otages, la torture, les traitements inhumains et dégradants, les transferts illégaux de population, le viol et les violations des garanties judiciaires fondamentales...
La déportation, la réduction en esclavage ou la pratique massive et systématique d’exécutions sommaires, d’enlèvements de personnes suivis de leur disparition, de la torture ou d’actes inhumains, inspirés par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux et organisés en exécution d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de population civile sont punis de la réclusion criminelle à perpétuité.
[Article 212-1 du code pénal.]
L’article 7 § 1 du statut de la Cour pénale internationale définit comme crime contre l’humanité, « l’un quelconque des actes ci-après, lorsqu’il est perpétré dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique dirigée contre une population civile et en connaissance de l’attaque :
- le meurtre ;
- l’extermination ;
- la réduction en esclavage ;
- la déportation ou le transfert forcé des populations ;
- l’emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international ;
- la torture ;
- le viol, l’esclavage sexuel, la prostitution, la grossesse forcée, la stérilisation forcée et les autres formes de violences sexuelles de gravité comparable ;
- la persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable inspirée par des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux, sexiste ou sur d’autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en corrélation avec tous les actes visés par le présent paragraphe ou tous les crimes relevant de la compétence de la cour ;
- les disparitions forcées ;
- le crime d’apartheid ;
- d’autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé mentale.
L’article 29 du statut de la Cour pénale internationale (CPI) dispose que les crimes relevant de la compétence de la cour ne se prescrivent pas. Par ailleurs, l’article unique de la loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964 précise que « les crimes contre l’humanité, tels qu’ils sont définis par la résolution des Nations unies du 13 février 1946, prenant acte de la définition des crimes contre l’humanité telle qu’elle figure dans la charte du tribunal international du 8 août 1945, sont imprescriptibles par leur nature. »
Le génocide, qu’il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime du droit des gens.
[Art. 1 de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948]
Le génocide s’entend de l’un des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, en tout ou partie un groupe national, ethnique, racial ou religieux :
- meurtre de membres du groupe ;
- teinte grave à l’intégrité physique ou mentale des membres du groupe ;
- soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
- mesures visant à interdire les naissances au sein du groupe ;
- transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.
[Article 2 de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948.)
Le crime de génocide, commis en temps de paix comme en temps de guerre, est déclaré imprescriptible par la convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité de 1968.
Sont et demeureront prohibés en tout temps et en tout lieu les actes suivants, qu’ils soient commis par des agents civils ou militaires : les atteintes portées à la vie, à la santé et au bien-être physique ou mental des personnes, notamment le meurtre, la torture sous toutes ses formes, qu’elle soit physique ou mentale ...
[Art. 75 du protocole I du 8 juin 1977, additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949.]
Interdite en droit des conflits armés et en particulier par la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée par l’Assemblée des Nations unies le 10 décembre 1984, la torture est définie comme tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës (physiques ou mentales) sont intentionnellement infligées à une personne aux fins d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme quelconque de discrimination quelle qu’elle soit. La torture commise lors d’un conflit armé est un crime de guerre.
Les militaires doivent obéissance aux ordres de leurs supérieurs et sont responsables des missions qui leur sont confiées. Toutefois il ne peut leur être ordonné et ils ne peuvent accomplir des actes qui sont contraires aux lois, aux coutumes de la guerre et aux conventions internationales ou qui constituent des crimes ou des délits notamment contre la sûreté et l’intégrité de l’État. La responsabilité des subordonnés ne dégage les supérieurs d’aucune de leurs responsabilités.
[ Article 15 du statut général des militaires.]
Un chef militaire ou une personne faisant fonction de chef militaire est pénalement responsable des crimes relevant de la compétence de la cour, commis par des forces placées sous son commandement et son contrôle effectifs, ou sous son autorité et son contrôle effectifs, selon le cas, lorsqu’il ou elle n’a pas exercé le contrôle qu’il convenait sur ces forces...
[Article 28 du statut de la Cour pénale internationale.]
C’est l’obligation de répondre de ses actes en subissant, le cas échéant, une sanction pénale dans les conditions et selon les formes prescrites par la loi. Chaque individu est responsable des infractions au droit des conflits armés dont il s’est rendu coupable, quelles que soient les circonstances, et même s’il a agi en exécution d’un ordre émanant d’un supérieur. Selon les circonstances, cette responsabilité peut être engagée devant les tribunaux nationaux ou internationaux existants. Les commandants sont responsables aussi bien des actes qu’ils commettent et des ordres qu’ils donnent, que des infractions qu’ils laissent accomplir par leurs subordonnés, sciemment, par manque de contrôle ou pour n’avoir pas pris les mesures nécessaires pour s’y opposer.
Il est créé une Cour pénale internationale en tant qu’institution permanente, qui peut exercer sa compétence à l’égard des personnes pour les crimes les plus graves ayant une portée internationale, au sens du présent statut. Elle est complémentaire des juridictions pénales nationales.
[Article 1 du statut de la Cour pénale internationale.]
La compétence de la Cour est limitée aux crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale. En vertu du présent statut, la Cour a compétence à l’égard des crimes suivants :
- Le crime de génocide.
- Les crimes contre l’humanité.
- Les crimes de guerre.
- Le crime d’agression.
[Article 5-1 du statut de la Cour pénale internationale.]
À la suite des événements qui se sont déroulés en ex-Yougoslavie et au Rwanda, la communauté internationale a été convaincue de la nécessité de renforcer la répression nationale par une répression pénale internationale en instituant deux tribunaux ad hoc pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda (TPIY et TPIR) et en créant récemment une Cour pénale internationale.
La CPI est entrée en vigueur, le 1er juillet 2002, après que son statut ait été adopté, à Rome, le 17 juin 1998. À la différence de la Cour Internationale de Justice, qui règle les litiges entre les États, la Cour pénale internationale est compétente pour juger les personnes physiques auteurs présumés de crimes particulièrement graves : génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et agression. La Cour exerce sa compétence dès que l’État de la nationalité du ou des auteurs présumés, ou que l’État sur le territoire duquel le crime a eu lieu, est partie à la Convention ou donne son consentement express. Cette cour est complémentaire des juridictions nationales. La Cour ne doit intervenir que si les juridictions nationales sont incapables ou se refusent à traduire les responsables en justice. Elle pourra être saisie par les États parties, par le Conseil de sécurité ou, d’office, sur autorisation préalable de la chambre préliminaire de la CPI. À la différence des tribunaux pénaux internationaux dont les compétences sont limitées dans le temps et dans l’espace, la CPI peut exercer ses fonctions et ses pouvoirs sur le territoire de tout État partie et, par une convention à cet effet, sur le territoire de tout autre État. La France a ratifié ce statut le 9 juin 2000.
[1] Le Monde du 5 janvier 2001.