Il y a un an, le maire de Fontcombault, petite commune de l’Indre, avait déclaré qu’il était « hors de question de marier des pédés ! Je ne le ferai pas » [1]. Depuis lors, le Conseil constitutionnel a jugé que les maires et leurs adjoints, en tant qu’officiers d’état civil, ne peuvent pas bénéficier d’une "clause de conscience" et doivent donc célébrer les mariages, y compris de couples de personnes de même sexe [2].
Le maire en question, invoquant le respect de « la loi naturelle », a fait voter par son conseil municipal une délibération par laquelle il menace de « démissionner » s’il devait être « contraint » d’unir un couple de même sexe. Faut-il y voir la conséquence du fait qu’environ un tiers du corps électoral de cette commune est constitué des membres d’une communauté religieuse ?
La section de Châteauroux et de l’Indre de la LDH a publié un communiqué de protestation par lequel elle interroge les autorités préfectorales sur la légalité d’une telle délibération.
Communiqué LDH
Le mariage pour tous, même pour les officiers de l’état civil
La Ligue des droits de l’Homme a pris acte de la décision du 18 octobre 2013 du Conseil constitutionnel, qui a condamné la posture de certains maires qui entendaient refuser d’appliquer la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, au motif qu’elle blesserait leurs convictions personnelles.
Le Conseil constitutionnel leur a rappelé les devoirs de leur charge, garants du bon fonctionnement et de la neutralité du service public de l’état civil. Les officiers de l’état civil ne sauraient donc se soustraire à l’accomplissement de leurs obligations, au risque de se rendre coupables de discriminations.
De plus, cet arrêt du Conseil constitutionnel est conforme à celui de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) du 15 janvier 2013, qui a considéré qu’un agent de l’état civil ne peut pas refuser de participer à la célébration d’un mariage entre deux personnes de même sexe, rappelant l’impossibilité de commettre une discrimination au regard de ses convictions personnelles. La CEDH rappelle ainsi que la liberté religieuse d’un agent public peut être limitée par les droits des usagers et, en l’occurrence, par le droit fondamental à ne pas être discriminé.
La LDH sera vigilante à ce que les hommes et les femmes qui souhaitent contracter un mariage puissent le faire sans entrave. La LDH appelle les élus de la République à respecter l’égalité de traitement de tous devant la loi.
Paris, le 25 octobre 2013
L’édile de cette commune de l’Indre menace de « démissionner » s’il devait être « contraint » d’unir un couple de même sexe, invoquant le respect de « la loi naturelle ».
Il ne voulait pas « marier les pédés », il persévère. Jacques Tissier, maire divers-droite de Fontgombault (Indre), menace, avec certains de ses adjoints et conseillers municipaux, de « démissionner » s’il devait être « contraint » d’unir un couple homosexuel. L’information, dévoilée par la Nouvelle République, a fait réagir dans ce petit village de 275 âmes, situé entre Poitiers et Châteauroux.
Notamment quand les habitants ont reçu dans leurs boîtes aux lettres le compte-rendu de la dernière réunion du conseil municipal du 24 octobre. Au paragraphe VII, le conseil de Fontgombault se retranche derrière « une loi naturelle, supérieure aux lois humaines ». Il estime que les couples gay sont « radicalement incapables de procréer un être humain » et « de l’éduquer à titre de parents ». « Et ce quelle que soit leur dignité d’être humain qu’il y a lieu de reconnaître par ailleurs », précise-t-il, bon prince.
Jacques Tissier, qui a refusé de s’exprimer auprès de nos confrères [3], est un habitué des dérapages homophobes. Il y a un an, il lâchait : « Hors de question de marier des pédés ! Je ne le ferai pas. » L’homme ne cache pas sa foi catholique : la délibération du 24 octobre fait ainsi état des « origines du monde » ou encore de « raisons de conscience et de religion ».
LA CLAUSE DE CONSCIENCE REFUSÉE
Tissier est régulièrement cité sur le site catholique traditionaliste « Salon beige », notamment le 24 juin, dans un texte comparant la loi Taubira à un « suicide social ». Sa prose est aussi appréciée des médias royalistes, tel Vexilla Galliae : « Il vaut mieux obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes, quand les hommes se font les ennemis de Dieu », y écrivait le maire de Fontgombault.
Par ailleurs, Jacques Tissier est porte-parole du Collectif des maires pour le droit familial, qui propose aux officiers d’état-civil de signer une déclaration d’opposition à la loi Taubira, voire de leur fournir une assistance juridique. Une stratégie qui a peu de chances d’aboutir. Le 18 octobre, le Conseil constitutionnel a refusé de reconnaître une « clause de conscience » aux élus anti-mariage gay. A Arcangues, commune des Pyrénées-Atlantiques dont le maire Jean-Michel Colo refusait de célébrer une union homosexuelle, le mariage avait finalement été célébré par un adjoint, fin juin.
A Fontgombault, le profil particulier du maire s’explique aussi par celui de ses électeurs. Si le village vote assez nettement à droite (40% pour Sarkozy au premier tour de la présidentielle 2012 et 17,17% pour Marine Le Pen), il comporte un nombre important de fans de Christine Boutin, sortie très en tête au premier tour de la présidentielle 2002 avec 29,9%. La présence d’une abbaye dans la commune, fournissant un contingent important de moines électeurs, a également son importance. Deux de ces ecclésiastiques siègent d’ailleurs au conseil municipal. Selon nos informations, il s’agit de Bernard Trémolet de Villers et Raphaël Blouere. Enfin, l’abbaye de Fontgombault avait hébergé et caché l’ancien chef de la milice lyonnaise collaborationniste Paul Touvier lors de sa fuite dans les années 70. [4]
Communiqué de la LDH de Châteauroux - Indre
Le conseil municipal de Fontgombault est-il dans la République ?
Le paragraphe 8 du compte rendu mensuel de la dernière réunion du Conseil municipal de Fontgombault, validé par 7 voix sur 10, est proprement accablant : « Considérant qu’il existe une loi naturelle, supérieure aux lois humaines d’après laquelle depuis les origines du monde aucune union n’a été célébrée officiellement entre deux personnes du même sexe au titre d’un "mariage"… »
La laïcité est pour le moins mise à rude épreuve, et l’on sait ici que ce n’est pas la première fois. C’est aussi un discours homophobe à peine masqué (« quelle que soit leur dignité d’être humain qu’il y a eu lieu de reconnaître par ailleurs [sic] »). Ce sont des élus de la République qui tiennent de tels propos, prétendant en faire une loi générale au mépris de la conscience de leurs concitoyens quels qu’ils soient. Ce discours d’arrière-garde, fondé sur des présupposés discutables, qui n’appartiennent qu’à la conviction de ces élus, est aussi un vecteur de haine.
Ces élus ont-ils oublié la loi fondamentale, alors qu’ils portent les couleurs de la République ? « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances » (article 1 de la Constitution).
Ont-ils oublié qu’un conseil municipal, parce qu’il est élu du peuple, se doit d’appliquer toutes les lois de la République sans exception ? Ont-ils oublié que le Conseil constitutionnel a écarté, le 18 octobre dernier, la clause de conscience des maires ? Savent-ils que le seul mariage légal est l’union civile ? Savent-ils que l’homophobie n’est pas une opinion mais un délit puni par la loi.La LDH se tient aux côtés des citoyens de Fontgombault outragés par ces propos. Elle interroge les autorités préfectorales sur la légalité de la délibération en question. Elle appelle les citoyennes et citoyens à se mobiliser pour faire échec aux campagnes de haine et d’exclusion.
Le 8 novembre 2013
Ch. Véron, Présidente de la section LDH
[1] Référence : http://www.lanouvellerepublique.fr/Indre/Actualite/24-Heures/n/Contenus/Articles/2012/09/21/Mariage-homosexuel-divorce-entre-les-maires-de-l-Indre
[2] Le communiqué du Conseil constitutionnel du 18 octobre 2013 : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2013/2013-353-qpc/communique-de-presse.138339.html
[3] La mairie de Fontgombault n’a pas donné suite aux appels de Libération.
[4] [Note de LDH-Toulon] – L’abbaye bénédictine Notre-Dame où vivent près de soixante-dix moines, soit plus d’un tiers des votants aux dernières municipales, se trouve sur la commune de Fontgombault.
D’autre part, le nom de Fontgombault est parfois associé à celui de Paul Touvier. L’ancien milicien lyonnais, persécuteur de Juifs et de résistants, aurait pu y trouver brièvement refuge au fil d’une cavale de plus de vingt ans. Touvier est arrêté en 1989 puis jugé et condamné au printemps 1994 à la perpétuité en dépit des arguments de son défenseur, Me Trémolet de Villers. (Référence : http://www.lanouvellerepublique.fr/Toute-zone/Actualite/Politique/n/Contenus/Articles/2013/11/08/Fontgombault-l-empreinte-des-moines-1679532).