Le conseil Constitutionnel a estimé « contraire à la Constitution » une grande partie de la « loi relative à la protection de l’identité », et notamment la création du « fichier des honnêtes gens » :
Ci-dessous un communiqué de la LDH suivi d’une analyse de Pierre Piazza, Maître de Conférences en Science politique à l’Université de Cergy-Pontoise.
Communiqué LDH
Paris, le 26 mars 2012
Le fichier des « gens honnêtes » censuré par le Conseil constitutionnel
La Ligue des droits de l’Homme se réjouit de la décision du 22 mars du Conseil constitutionnel de censurer les principales dispositions de la loi qui devait permettre de ficher l’ensemble de la population française.
Cette loi autorisant la création d’une carte nationale d’identité électronique munie de deux puces, l’une administrative, l’autre commerciale, s’accompagnait d’un méga fichier centralisé dans lequel aurait été enregistré l’ensemble de ces données.
Le Conseil constitutionnel a estimé que l’ampleur du fichier et des données collectées ainsi que leur emploi possible dans le cadre de recherche policière ou administrative étaient disproportionnées au regard des finalités avancées par le législateur et contraires au respect à la vie privée.
Enfin, le Conseil constitutionnel censure l’article concernant une seconde puce en raison du risque de transformation de la carte d’identité en outil de transaction commerciale.
La LDH considère que le Conseil constitutionnel a fait œuvre utile en refusant un super fichier de « gens honnêtes » qui aurait eu pour effet de répondre à une volonté d’identification et d’un contrôle social généralisés.
Fin de partie pour le fichier biométrique des « gens honnêtes »
par Pierre Piazza, Blog de Laurent Mucchielli, le 23 mars 2012
Nous avions été parmi les premiers, peu nombreux il est vrai (le journaliste Jean-Marc Manach, la CNIL, la LDH) à avoir tenté d’alerter nos concitoyens, en particulier via les blogs de Laurent Mucchielli, sur les nombreux problèmes et dangers soulevés par la proposition de loi « relative à la protection de l’identité ».
Définitivement adoptée par le Parlement le 6 mars 2012 (vote en dernière lecture par l’Assemblée nationale : pour, 285 voix ; contre, 173 voix), ce texte avait finalement institué une carte nationale d’identité biométrique équipée d’une puce dite « régalienne » contenant de nombreuses données personnelles relatives à son possesseur (dont deux de ses empreintes digitales) ainsi qu’un fichier dans lequel seraient enregistrées ces mêmes données (appelé « TES » - « Titres électroniques sécurisés » - et rebaptisé « fichier des gens honnêtes » par le sénateur UMP François Pillet). De plus, ce texte autorisait, sous certaines conditions, l’utilisation des empreintes digitales de chaque demandeur de ce titre inédit à des fins de police judiciaire.
Rapidement saisi par plus de 200 parlementaires socialistes, communistes et écologistes, le Conseil constitutionnel vient de rendre une décision (22 mars 2012) dont on ne peut que se réjouir puisqu’elle censure les principales dispositions de cette loi qui avaient suscité les plus vives inquiétudes en matière de fichage et de traçabilité des personnes.
En effet, rappelant que la nature singulière et l’ampleur des données biométriques collectées ainsi que les larges usages dont celles-ci peuvent faire l’objet à des fins de recherche policière (tant en matière judiciaire qu’administrative) apparaissent non seulement disproportionnés au regard des finalités officiellement avancées pour en justifier l’absolue nécessité (sécurisation des procédures de délivrance des documents titres et lutte contre la fraude documentaire) mais aussi attentatoires au respect de la vie privée (article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789), cette institution invalide l’article 5 de la loi ayant créé un fichier biométrique centralisé de la population et son article 10 qui déterminait les modalités d’exploitation des données personnelles enregistrées dans ce même fichier par les services de police et de gendarmerie nationales.
Le Conseil constitutionnel censure aussi l’article 3 de la loi relatif à la seconde puce facultative contenue dans la carte nationale d’identité biométrique en vue de permettre une identification de son porteur dans le cadre des réseaux de communications électroniques. À ses yeux, le « législateur a méconnu l’étendue de sa compétence » en raison du caractère très vague de la formulation de cet article qui ne précise pas notamment la nature des données pouvant être mobilisées à cette fin, les modalités de leur protection et la manière dont il sera possible de s’en servir pour authentifier certains individus qui, comme les mineurs, sont susceptibles de recourir à cette fonction spécifique.
Pierre PIAZZA