le collectif Non à Edvige refuse la nouvelle version du décret et demande à rencontrer la Cnil


article de la rubrique Big Brother > Edvige et Cristina
date de publication : mardi 7 octobre 2008
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Dans son dernier communiqué, daté du 7 octobre, le collectif maintient son refus et annonce qu’il rencontrera la Cnil.


Communiqué du Collectif « Non à EDVIGE »

7 octobre 2008

Ni 1.0., ni 2.0. : le 16 octobre, nous dirons tous « Non à EDVIGE »

À Paris comme dans toutes les régions de France, citoyens et élus diront « Non à EDVIGE » au cours de rassemblements organisés par le Collectif national et par un nombre croissant de Collectifs locaux.

Le Collectif a pu avoir connaissance de l’ensemble des documents transmis à la CNIL pour avis par le gouvernement. Un projet de texte portant retrait du décret EDVIGE en fait bien partie, malgré les petites cachotteries mesquines du ministère de l’Intérieur qui n’avait transmis sciemment qu’une partie des documents aux organisations syndicales membres du Collectif.

Cette nouvelle version est le résultat de la première vague d’une formidable mobilisation citoyenne. Cette mobilisation va se poursuivre et se manifester avec force le 16 octobre pour dire « Non à EDVIGE », parce que la version 2.0 n’est pas plus acceptable que la version 1.0.

Plusieurs aspects importants et tout aussi dangereux demeurent dans la version 2.0.

Deux finalités très différentes sont toujours amalgamées : enquêtes administratives et suspicion de risques pour la sécurité publique. Par ailleurs rien n’indique que le fichage départemental des « personnalités » sera dénué de tout danger puisqu’aucun texte n’est encore paru à ce sujet.

Les enfants sont toujours fichés, dès 13 ans, avec un « droit à l’oubli » en trompe l’oeil. La Défenseure des enfants souligne d’ailleurs dans son avis sur le projet EDVIGE 2.0 que, « tant par le contenu des informations qui seront conservées, que par la durée de conservation des données et leur droit de vérification ainsi que d’éventuelle rectification par le mineur ou ses parents ou représentants légaux », ce texte lui parait « encore en contradiction avec les exigences de la Convention internationale des droits de l’enfant notamment en ce qui touche la protection de leur vie privée et le droit d’accès et d’opposition aux données les concernant ».

Les enfants comme les adultes sont toujours fichés sur de simples suspicions, sans avoir commis aucune infraction, et sans même que ces suspicions reposent sur « le recours ou le soutien actif apporté à la violence » qu’ils manifesteraient, comme le spécifiait la formulation du décret de 1991.

Des données extrêmement sensibles sont toujours collectées et traitées : origines « raciales » ou ethniques, opinions philosophiques, politiques ou religieuses et appartenance syndicale. Le scandale des services de renseignement cherchant à savoir si « des gens de confession autre que chrétienne » font partie du personnel d’une collectivité locale, récemment dévoilé par la Région Rhône-Alpes, vient confirmer s’il en était besoin que les inquiétudes exprimées par les signataires de l’Appel « Pour obtenir l’abandon d’EDVIGE » sont loin de relever du fantasme.

La ministre de l’Intérieur s’en défend maladroitement, invoquant une « initiative individuelle ». Mais de telles initiatives sont toujours à craindre, avec l’étendue des personnels pouvant consulter le fichier, couplée à la « culture du chiffre » d’une logique techno-policière qui ne reconnaît plus aucun garde-fou.

Des représentants du Collectif « Non à EDVIGE » seront reçus par le président de la CNIL le 8 octobre prochain et lui exposeront leurs arguments sur tous ces points avant que la Commission rende son avis au gouvernement sur le projet EDVIGE 2.0.

Le Collectif national tiendra une conférence de presse le 14 octobre pour annoncer les manifestations du 16 octobre, journée nationale de l’expression du « Non à EDVIGE ».

Au-delà du 16 octobre, la mobilisation se poursuivra pour élargir la réflexion des citoyens à la question du fichage des personnes sous toutes ses formes et de l’atteinte aux libertés individuelles, éternelles sacrifiées sur l’autel de la sécurité.

Le collectif a écrit le 2 octobre au président de la Cnil :

le 2 octobre 2008

Monsieur le Président,

Le Collectif « Non à EDVIGE » a pris connaissance et débattu du projet de décret portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « exploitation documentaire et
valorisation de l’information relative à la sécurité publique ».

Tout en prenant acte de certaines améliorations par rapport au décret n°2008-632 du 27 juin 2008, fruits de la très importante mobilisation citoyenne que ce texte a suscitée, le Collectif demeure extrêmement
préoccupé par la nouvelle rédaction qui vous est à présent soumise pour avis par le gouvernement. Le communiqué de presse, publié par le Collectif à la suite de sa réunion du 25 septembre dernier et joint à
cette lettre, résume nos principales inquiétudes.

De surcroît, les débats au sein du Collectif national de même que dans le cadre des activités des Collectifs locaux de plus en plus nombreux à se constituer, ou encore tout simplement à travers les innombrables
prises de positions reçues de citoyens ou d’organisations, montrent la prise de conscience, dans une large partie de la société, de l’ampleur du phénomène de fichage public, au-delà du seul fichier EDVIGE.

Les inquiétudes, jusqu’ici éparses, conjoncturelles, ou limitées au cercle restreint d’associations spécialisées, augmentent et se généralisent. Elles concernent également les autres fichiers de police, mais aussi les fichiers d’élèves, d’étrangers, les fichiers sociaux ou fiscaux ; les bases de données de documents d’identité et de voyage ; la surveillance des communications ; la collecte et le traitement banalisés de données sensibles, auxquelles viennent depuis peu s’ajouter les données génétiques et d’autres catégories de données biométriques ; les restrictions apportées à l’exercice effectif des droits d’information,
d’opposition, d’accès et de rectification, ainsi que du droit à l’oubli forgé par la doctrine ; la volonté patente d’inclusion des mineurs dès le plus jeune âge dans ces bases de données ; les échanges et transferts
de ces informations entre administrations, entre secteur public et privé, et même avec des pays étrangers, au sein de l’Union européenne et parfois au-delà vers des pays tiers, en l’absence de véritable cadre
communautaire de protection des données en matière de coopération policière ou sans que soient totalement effectives les garanties apportées par la Directive européenne de 1995.

En 1974, le scandale public suscité par le projet SAFARI a porté ses fruits avec l’adoption de la loi Informatique et Libertés et la création de la CNIL en 1978. Trente années plus tard, la révision de cette loi
en 2004 a certes apporté des garanties nouvelles et un renforcement des pouvoirs de la CNIL vis-à-vis du secteur privé, notamment marchand, mais a dans le même temps amoindri ces pouvoirs vis-à-vis de l’État.

Le Collectif considère qu’il est devenu nécessaire, comme l’impose le nouveau scandale public auquel donne lieu EDVIGE, de renforcer les garanties de la loi Informatique et Libertés et les pouvoirs de l’autorité indépendante de protection des données en matière de fichiers mis en oeuvre par l’État et les collectivités territoriales.
Nous demeurons très attentifs au rôle crucial de la CNIL en vue du nécessaire renforcement des garanties effectives en faveur de la protection des données, afin que les mesures en matière de sécurité demeurent compatibles avec les libertés et droits fondamentaux, dans le respect de l’État de droit.

Pour toutes ces raisons, l’avis que rendra votre Commission sur le projet de décret qui lui est actuellement soumis revêt une importance particulière pour les membres du Collectif « Non à EDVIGE ».
C’est pourquoi nous souhaiterions vous rencontrer, afin que des représentants du Collectif, et notamment des organisations signataires du recours contre le décret n°2008-632, puissent développer les
préoccupations exprimées dans ce courrier. Nous vous adressons cette demande collective sans préjudice de démarches similaires que certains membres du Collectif entreprendraient à titre plus spécifique.

P.-S.

En Rhône-Alpes, les RG enquête sur la religion des fonctionnaires

Le 16 septembre dernier la direction des ressources humaines du conseil régional Rhône-Alpes reçoit un mail provenant de la sous-direction de l’information générale (les anciens renseignements généraux) : « Auriez-vous l’amabilité de m’indiquer si parmi votre personnel, vous avez des agents de confession autre que chrétienne. Dans l’affirmative, pouvez-vous me dire si certains d’entre eux ont demandé des aménagements d’horaires ou de service pour pratiquer leur religion. Cette étude est faite à la demande des maires de France. »
Pas question de répondre, décide alors le président de la région, Jean-Jack Queyranne, qui rend l’affaire publique quelques jours plus tard. Aussitôt, l’Association des maires dément avoir demandé une telle étude. Le ministère de l’intérieur, lui, ouvre alors une enquête.

Le mail avait été envoyé par un policier de la sous-direction de l’information générale (SDIG) qui compte à Lyon 19 fonctionnaires. « Le SDIG est chargé d’informer les autorités de l’Etat sur les domaines économiques, sociaux, dans ce cadre il procède à des études » s’est limité à dire le patron de la police lyonnaise, Jacques Signourel, directeur départemental de la sécurité publique (DDSP) du Rhône, dont dépend le SDIG depuis la refonte des services de renseignements, cet été.

Mardi 7 octobre, la LDH, la Licra, SOS Racisme et l’UEJF ont tenu une conférence de presse à Lyon pour faire le point sur cette affaire. Ils ont mis en évidence le « lien entre cet agissement et un certain climat qui règne à la préfecture » où « sous prétexte d’une enquête sur le terrorisme, on en vient à ficher les fonctionnaires musulmans ». (Voir le dossier de Lyon-capitale).


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