le cercle de silence du 25 mars 2016


article de la rubrique démocratie > les cercles de silence
date de publication : vendredi 25 mars 2016
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Nous appelons celles et ceux qui ne se reconnaissent pas dans les discours actuels, à reprendre « courage », à sortir du « silence » et du retrait dans lequel ils sont isolés, en rejoignant notre mouvement de protestation, dont le cercle de silence n’est qu’une des modalités parmi d’autres.

Mise à jour (à 23h)
Ce cercle de silence a été un succès : merci aux Toulonnais qui ont entendu notre notre appel et nous ont apporté leur soutien ! Nous avons été jusqu’à 80 personnes dans le cercle [1].

Le texte repris ci-dessous a été lu en fin de rassemblement.


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Photo : Reverdito

Une fois par mois depuis 8 ans, des citoyens de la région toulonnaise se réunissent pour former un cercle de silence dans le but de protester contre la politique systématique d’enfermement des sans-papiers dans les centres de rétention.

Plus d’une centaine d’autres cercles existent en France.

A travers cette action non-violente, nous militons en faveur d’une politique d’immigration et d’accueil basée sur le respect absolu de la dignité humaine et du droit international.

Nous combattons par notre action les discours de haine, de rejet et d’intolérance défendus par l’extrême droite. Mais pas seulement : depuis plus de 20 ans, les gouvernements successifs n’ont eu de cesse, par renoncement ou par lâcheté, de banaliser et légitimer dans l’espace public ce discours extrémiste de la haine.

Au point d’aboutir aujourd’hui au renoncement de toutes les valeurs humanistes qui fondent l’Union européenne depuis son origine. Le 18 mars, un accord entre l’Europe et la Turquie a été signé qui prévoit de renvoyer massivement les réfugiés (y compris ceux qui ont déposé leur demande d’asile) déjà présents sur les îles grecques, vers la Turquie. Pris sur la base d’un réfugié syrien admis pour un expulsé, cet accord, comme l’ont rappelé la plupart des observateurs et nombre de diplomates européens, n’est rien moins qu’une destruction du droit d’asile. Au prétexte de lutter contre les passeurs et les trafiquants, cette décision prise en notre nom, juridiquement délictueuse, d’expulser massivement les réfugiés syriens en Turquie revient pour l’Europe à vendre son âme. En échange d’un résultat incertain qui ne fera qu’augmenter la montée des extrêmes.

Ce message aura certes de quoi réjouir les extrémistes de tout bord qui, en Europe, ont actuellement le vent en poupe. Envoyé par les européens à ces populations qui fuient la guerre, la misère, la mort, l’absence d’avenir pour leurs enfants, ce message est surtout désastreux. Qui parmi les 500 millions de citoyens qui vivent sur ce riche continent, en paix depuis 70 ans, se souvient encore que c’est en Europe, dans l’immédiat après-guerre, que s’est forgé le droit d’asile moderne ?

Ce renoncement qui alimente la peur de l’étranger, qui s’accompagne d’une volonté de fermeture de toutes les frontières, n’est-il pas une forme de victoire accordée à ceux qui n’ont d’autre vision de la vie que celle fondée sur le rejet de l’autre ?

Certains pourraient reprocher à notre action de protestation silencieuse d’être un simple aveu d’impuissance face au pouvoir de la bêtise qui fait tant de bruit pour se faire entendre. A nous de dire et de proposer ensemble une autre définition du courage, dont la vertu ne peut consister à crier plus fort que le chien enragé pour tenter de le faire taire. Ce courage dont justement les gouvernants européens manquent cruellement aujourd’hui. C’est pour dénoncer la lâcheté de nos gouvernants que nous exprimons chaque mois notre indignation silencieuse. Aussi pour dénoncer l’incroyable lâcheté d’un parti politique qui, sous les oripeaux de la vertu patriotique ( et donc du courage ) ne cesse de stigmatiser les plus faibles, de s’attaquer précisément aux sans-voix, à celles et ceux qui, parce que sans défense, sont jetés à la vindicte populaire.

Nous tous réunis ici, nous appelons celles et ceux qui ne se reconnaissent pas dans les discours actuels, à reprendre justement « courage », à sortir du « silence » et du retrait dans lequel ils sont isolés, en rejoignant notre mouvement de protestation, dont le cercle de silence n’est qu’une des modalités parmi d’autres. Car perdre courage, c’est se perdre soi-même, perdre sa capacité d’agir sur soi et sur le monde.

Le philosophe Jankelevitch a dit à propos du courage qu’il n’était presque pas une vertu, mais la condition de toutes les autres : « Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage »aimait-il à dire.

Le courage est la vertu du commencement.

Nous aussi nous pouvons commencer. Mais par où ou par quoi pouvons-nous le faire ?

Surtout pas en tombant dans le piège des extrémistes du FN ou d’ailleurs en nous mettant face à eux dans une position de symétrie, en leur offrant la chance d’être reconnus comme des interlocuteurs légitimes.

Ce par quoi nous pouvons commencer, c’est de parler autour de nous, aller vers ses voisins, faire tomber les barrières, les murs de séparation, rester présents sur le terrain où nous pouvons agir et défendre les plus faibles qui sont jetés en pâture et choisis comme bouc-émissaires des errances d’un système mondial dont ils sont les premières victimes.

Pour cela il faudra peut-être nous inspirer de ce même courage que celui dont font preuve ces femmes, ces hommes ou ces enfants pour quitter leur pays détruit par la guerre ou la misère en laissant derrière eux ce qu’ils ont de plus cher.

Toulon, cercle de silence du 25 mars 2016

Notes

[1On peut estimer entre 100 et 150 le nombre de pesonnes qui ont participé à un moment ou à un autre à ce cercle.


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