le bizutage : une “tradition” dégradante


article un communiqué commun signé par la LDH  de la rubrique discriminations > bizutage
date de publication : lundi 5 novembre 2012
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Le bizutage est un délit puni par la loi : « le fait pour une personne d’amener autrui, contre son gré ou non, à subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire et socio-éducatif est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 Euros d’amende » (article 225-16-1 du code pénal) – que la victime soit consentante ou non.

Souvent présenté abusivement comme une « tradition », il continue à faire des victimes, notamment dans les écoles militaires. Dans l’actualité récente, le décès par noyade de Jallal Hami, élève-officier de Saint-Cyr, est dénoncé par une association de défense des militaires comme le résultat d’un « bizutage déguisé », alors que la hiérarchie militaire parle d’une « formation aux traditions »... Lire : Qui sont les assassins de Jallal ? de François Bon.


Communiqué de presse sur le bizutage

Le 5 novembre 2012

Les affaires de bizutages en filière Staps de Poitiers, à Dauphine l’année dernière et la mort récente d’un élève de Saint-Cyr nous indignent profondément. Ces pratiques rétrogrades mettent en danger la santé et la vie des étudiant-e-s. Les bizutages vont à l’encontre des valeurs républicaines par leur caractère humiliant et sexiste. Les bizutages diminueraient fortement si les autorités administratives utilisaient les moyens dont elles disposent. Force est de constater que les institutions, dans leur immense majorité, refusent d’appliquer le droit relatif au bizutage, et par là contribuent à sa pérennisation. La situation juridique dans l’armée est encore pis que dans l’éducation puisqu’il n’y existe aucun texte spécifique contre le bizutage.

Les signataires de ce communiqué rappellent que la loi a instauré un délit de bizutage même si les bizuté-e-s se déclarent consentant-e-s, et que la circulaire de septembre 1997 contre le bizutage (partie III) fait obligation à l’administration de sanctionner sans délai, qu’ils se soient déroulés à l’intérieur ou à l’extérieur d’un établissement, par un conseil de discipline de tels actes sans attendre une décision de justice. Ils rappellent également que, si un établissement ne convoque pas un conseil de discipline lors d’un bizutage, il appartient au recteur ou au ministre de l’Education ou de l’Enseignement supérieur de le provoquer.

Signataires :


- Association Contre le Bizutage (ACB),
- Collectif National pour les Droits des Femmes
- Comité Féministe Contre le Viol (CFCV)
- Fédération Indépendante et Démocratique Lycéenne (FIDL)
- Ligue des droits de l’Homme (LDH)
- Osez le féminisme
- SOS-bizutage
- Union Nationale des Etudiants de France (Unef)
- Union Nationale des Etudiants de France de Poitiers
- Union Nationale Lycéenne (UNL)

Soupçons de bizutage : l’université de Poitiers saisit la justice

[Le Monde.fr avec AFP, le 1er novembre 2012]


L’université de Poitiers a saisi jeudi le procureur de la République après avoir été alertée par une association de soupçons de bizutage entre étudiants en sport à la rentrée d’octobre, a-t-on appris de sources concordantes.

Une lettre de l’Association contre le bizutage (ACB) au rectorat avait attiré l’attention sur un "bizutage particulièrement humiliant, avec des étudiants menacés en amphis, nus et salis, la tête dans un bac à contenu immonde" qui serait survenu le 4 octobre, dans un courrier contenant un lien vers une vidéo disponible sur YouTube, qui a depuis été retirée.

Les débordements se seraient produits lors d’une "journée d’intégration" d’étudiants de première année de licence Staps (sciences et techniques des activités physiques et sportives), et malgré "les recommandations explicites de l’équipe de direction" qui avait validé un programme pour une "journée conviviale", a indiqué le président de l’université, Yves Jean. M. Jean a indiqué à un correspondant de l’AFP avoir "fait le point avec les étudiants de première et de deuxième année" à la suite du courrier et de la vidéo, et saisi le procureur de la République.

"ÉVENTUELLES POURSUITES"

Le président a également écrit à la ministre de l’enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, qu’il a informée de la saisine du procureur, "pour [que le procureur de la République] diligente une enquête et décide de l’opportunité d’éventuelles poursuites". La ministre avait alerté cet été les recteurs et établissements d’enseignement supérieur pour leur demander d’être très vigilants sur les bizutages, qui depuis une loi de 1998 sont punis par la loi.

Selon un état des lieux en septembre du Comité national contre le bizutage, le phénomène tend à régresser au niveau national, résultat de campagnes de sensiblisation et d’une responsabilisation des établissements. Le président de l’université de Poitiers a précisé que des sanctions disciplinaires n’étaient pas envisagées à ce stade, l’enquête devant en premier lieu déterminer s’il y avait bizutage caractérisé.

Communiqué de l’Adefdromil [1]

Décès d’un Saint-Cyrien, les langues se délient

Paris, le 31 octobre 2012

A la suite du décès de l’élève officier d’active Jallal HAMI dans la nuit du 29 au 30 octobre 2012, l’Adefdromil a dénoncé une séance de bizutage qui a mal tourné.

Selon un témoignage digne de foi, il s’avère que le franchissement de l’étang a eu lieu après une séance d’apprentissage de traditions Saint-Cyriennes : « chants, vocabulaires etc. »

A l’issue de cette séance, deux groupes de 25 élèves officiers ont été conduits au bord de l’étang sous la responsabilité des anciens de deuxième année et sans qu’on leur demande s’ils étaient volontaires.

Selon le témoignage reçu, le franchissement devait se faire à l’aide d’une bouée, par groupe de 4 ou 5 officiers. A l’initiative d’un élève officier de deuxième année, chaque groupe de 25 a dû sauter dans l’étang dans lequel les élèves n’avaient pas pied.

Le premier groupe a réussi tant bien que mal le franchissement.
Au passage du deuxième groupe, les projecteurs qui éclairaient l’étang ont été coupés.
C’est dans ces conditions que Jallal HAMI aurait coulé et se serait noyé.

Jacques BESSY, Président de l’Adefdromil


L’élève officier de 24 ans décédé participait à un rituel d’intégration qui aurait dérapé

par Véronique Soulé, Libération le 1er novembre 2012


Trois jours après la noyade d’un élève officier à Saint-Cyr, l’hypothèse d’un accident lors d’un entraînement commence à tanguer sérieusement. Alors que le procureur annonce l’ouverture d’une enquête pour homicide involontaire, des témoignages rappellent le rituel d’intégration, appelé « bahutage », durant lequel les élèves de seconde année font faire le soir aux nouveaux venus des exercices souvent épuisants, sans encadrement et donc risqués.

Rangers. Le sous-lieutenant Jallal Hami, 24 ans, est décédé dans la nuit de lundi à mardi lors de la traversée d’un étang de cinquante mètres sur le site de l’école de Coëtquidan (Morbihan). Diplômé de Sciences-Po Paris où il était entré par le biais des Conventions éducation prioritaire, il avait intégré directement la prestigieuse école. Selon le procureur de la République de Vannes, Thierry Phelippeau, Jallal Hami participait à une soirée « de transmission des valeurs et des traditions de l’école » organisée par les deuxième année. Les nouveaux - des première année et une quinzaine, comme lui, admis sur diplôme - devaient traverser, de nuit, avec leurs rangers et leur casque un étang de deux mètres de profondeur. « Un phénomène de panique lié à une forme d’embouteillage », selon le procureur, se serait produit, certains ayant du mal à sortir de l’eau, durant lequel Jallal Hami aurait péri noyé.

Le procureur, comme la famille de la victime, ont mis en cause l’absence de sécurité. « Il n’y avait aucun cadre de l’école sur la zone », a souligné Thierry Phelippeau. « Notre intime conviction est qu’il y a eu un manquement aux règles de sécurité et de prudence », a indiqué l’avocate de la famille, originaire de Saint-Ouen (Seine-saint-Denis). Les camarades du jeune homme auraient mis une heure avant de s’apercevoir de sa disparition.

Pression. Selon les témoignages diffusés sur Internet, il s’agirait d’un rituel d’intronisation que les cadres laissent faire malgré les risques, « un exercice intermédiaire entre l’entraînement encadré et le bizutage humiliant et violent ». Pour le « bahutage », les élèves doivent être volontaires. Mais la pression est forte, notamment sur les admis sur titre qui n’ont pas suivi le cursus. Presque tous les soirs jusqu’à la cérémonie de remise des casoars (coiffure des Saint-Cyriens) en novembre, les nouveaux sont soumis à des courses nocturnes, baignades glaciales… Cette nuit-là, le petit jeu aurait mortellement dérapé.

Notes

[1L’ADEFDROMIL – Association de défense des droits des militaires – présente sur son site un dossier sur le bizutage dans les armées : http://adefdromil.org/22611.


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