la section de Toulon de la LDH et les homélies du vicaire général du Var


article de la rubrique extrême droite > l’extrême droite catho
date de publication : dimanche 29 avril 2012
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L’homélie prononcée le 26 mars 2012 par Monseigneur Jean-Yves Molinas, vicaire général du Var, à Notre-Dame de Paris, en souvenir des victimes de la fusillade de la rue d’Isly continue à susciter des protestations [1]. Après les réactions publiées sur ce site, et notamment le désaveu du secrétaire particulier du cardinal André Vingt-Trois, l’édition varoise du quotidien La Marseillaise aborde le sujet dans son édition du 29 avril 2012.

A la suite de cet article, nous publions une mise au point de la section toulonnaise de la LDH au sujet de déclarations de Monseigneur Molinas la mettant en cause au cours d’une homélie prononcée le 5 juillet 2010 dans l’église Sainte-Anne de Six-Fours (Var).


À la Une de La Marseillaise (éd. du Var), le 29 avril 2012

Volée de bois vert après l’intervention du Vicaire général de Toulon à Paris le 26 mars 2012

La LDH et « l’homélie inacceptable »

par Claude Gauthier, La Marseillaise (édition du Var) le 29 avril 2012

Que ne peut-on faire dire parfois à l’Evangile, sous une croix...


Il y a plus d’un mois, le 26 mars, Mgr Molinas, vicaire général de Toulon, a prononcé une homélie commémorative en Notre-Dame de Paris.
Précisément celle du 26 mars, date funeste au calendrier de la Guerre d’Algérie.

Ce même jour de l’année 1962, des manifestants dits Pieds-noirs, en tout cas natifs d’Algérie et d’origine européenne, manifestaient rue d’Isly à Alger leur volonté du maintien du statu quo ou pour faire simple de l’Algérie française.
Alger était en siège. Six appelés du contingent venaient d’être assassinés par l’OAS. Les militaires français ont mitraillé la foule non armée pour ce qui restera, dans beaucoup d’écrits, le massacre de la rue d’Isly
46 morts, 150 blessés en quelques minutes. C’est le bilan officiel, jamais revu depuis, certainement plus lourd d’après les historiens.

Souffrance pour tous

Evidemment un souvenir de souffrance pour tous les Pieds-noirs, surtout quand ils sont Algérois.
Certains d’entre eux, pas tous et loin de là, commémorent le 26 mars. Parmi eux, une minorité de nostalgiques déclarés de l’Algérie française.

Est-ce particulièrement à ces derniers que le vicaire général de Toulon s’est adressé à Notre-Dame ?

En tout cas son homélie du 26 mars dernier a fait du bruit, comme le souligne ces temps-ci la Ligue des droits de l’Homme (LDH) de Toulon.
Pour comprendre, citons quelques passages de la fameuse homélie : « Pour nous, Pieds-noirs [Jean-Yves Môlinas est né à Alger en 1947, ndlr], au plus fort de la tourmente, dans le combat ô combien inégal qui nous laissait seuls face à tous, on aurait pu croire que même Dieu s’était détourné de nous [...] Dieu notre salut ne nous a pas abandonné, et c’est en Lui, en Lui seul, que nous voulons enraciner notre espérance. Mais encore faut-il accepter de suivre le Christ dans chacun de des pas qu’il a posé durant sa vie terrestre. Alors aujourd’hui, en priant pour les victime du 26 mars 1962 et pour toutes les victimes de la Guerre d’Algérie, méditons sur cette présence du Christ tout au long de l’histoire du petit peuple Pied-noir. »

C’est dit et cessons de nous accrocher au missel : la suite est de la même veine. Un amalgame délibérément coriace de Christ et de Pieds-noirs, Evangile pris en mode d’emploi d’une nouvelle donne liturgique. En résumé : « Notre parcours, notre destin, notre essence, sont celles de Dieu. » Fallait l’oser.
Il l’a.

Puisque Monseigneur est de Toulon, c’est la LDH de Toulon qui a récolté les retours sur homélie.

Mathiot, simple Pied-noir

Nous avons gardé pour ces colonnes la réaction de Michel Mathiot, que personne ne connaît parce que simple Pied-noir : « Ce discours colonialiste anachronique sur "le pays à construire ; la "terre à conquérir", les "îlots d’humanité sur une terre hostile ; les ’petits villages qui vont donner leur vie à des contrées sauvages", la naissance "d’une nouvelle race", le sacrifice "dans la sueur, le sang et les larmes" relève d’une vision partiale de l’Histoire. Du sang
et des larmes il y en eut chez tous les Français, les Français d’origine européenne comme les Français musulmans qui intériorisent, en plus grand nombre, des souffrances physiques et morales jamais apaisées.
Là réside une des clés de cette décolonisation ratée. Il serait temps, cinquante ans après, que nous Pieds-noirs, acceptions de regarder notre histoire en face. Une reconnaissance des souffrances de l’autre contribuerait à une réconciliation sincère entre les deux rives de la Méditerranée.
 »

Même le Cardinal André Vingt-trois « regrette » depuis avoir « accepté » Mgr Molinas comme prédicateur ce jour-là. Nous ajouterons : cette année là, à l’aube d’un printemps électoral.

Et maintenant la crainte d’un retour le 5 juillet

Après le drame de la rue d’Isly à Alger, en mars, survint celui d’Oran, le 5 juillet 1962. Quelques heures avant la proclamation de l’indépendance de l’Algérie (signée deux jours plus tôt), sans heurts partout ailleurs, à Oran l’événement a tourné à la tuerie. Soldats et civils algériens se sont attaqués aux civils européens Les bilans sont toujours controversés mais dans tous les cas effroyables. Après l’intervention de Mgr Molinas, la LDH dans son ensemble hexagonal craint cet été une rechute dialectique tout aussi spectaculaire et décalée que celle du printemps.

Bon nombre de citoyens la rejoignent dans l’inquiétude, compte tenu des réalités politiques et de ses dérapages extrémistes prévisibles. Toutefois, Il semble que l’Église de France, prise de cours le 26 mars, a cette fois décidé de faire attention aux commémorations incontrôlées.

Claude Gauthier


Une mise au point de la section de Toulon de la LDH

“Reconnaître la souffrance de toutes les victimes”

Dans une homélie prononcée le 5 juillet 2010 en l’église Sainte Anne de Six-Fours (Var), lors d’une messe pour les disparus d’Oran, le père Molinas a notamment déclaré :

« Aujourd’hui, nous voudrions vivre avec la paix au cœur et honorer nos morts comme ils le méritent. [...] Mais cela aussi nous est refusé par certains groupes comme par exemple la Ligue des Droits de l’Homme, qui s’acharne à vouloir faire interdire toutes célébrations publiques du Souvenir de ces événements, sous prétexte qu’elles seraient la manifestation sournoise de groupes fascistes renaissants, ou qu’y participeraient d’anciens défenseurs de l’Algérie Française. Jusqu’à quand devrons nous expier le crime d’avoir voulu rester français sur une terre qui était française ? En fait, il s’agit de manœuvre destinée à couvrir la trahison de ceux qui, durant la guerre d’Algérie, avaient pris le parti des ennemis de la France. [2] »

La section de Toulon de la Ligue des droits de l’Homme apporte le démenti le plus formel aux déclarations précédentes de Jean-Yves Molinas : elle n’a jamais demandé l’interdiction d’une quelconque célébration du “souvenir”.

En revanche, elle a souvent protesté contre les hommages rendus aux criminels de l’OAS, les jugeant totalement illégitimes.
D’ailleurs, certaines cérémonies présentées comme des hommages rendus à certaines victimes de la guerre d’Algérie furent en réalité des tentatives de réhabilitation de l’OAS.
Il faut redire ici à Mgr Molinas qu’il est mal informé : nous n’avons jamais demandé l’interdiction du moindre hommage aux véritables victimes de cette guerre.

La section de Toulon de la LDH a très souvent manifesté sa compassion et rendu hommage à l’ensemble de toutes les victimes algériennes ou françaises, de la guerre d’Algérie. Elle l’a redit le 26 mars 2012 : « nous respectons la douleur des familles et nous rendons hommage à toutes les victimes de la guerre d’Algérie. »

Nous avions écrit en juillet 2006 à la présidente de l’Association des Familles des victimes du 26 Mars 1962, que « la volonté de conserver la mémoire de toutes les victimes est parfaitement légitime », mais qu’il n’est « pas acceptable que des associations [...] utilisent la mémoire et le chagrin pour tenter de réhabiliter une organisation [l’OAS] qui a voulu renverser la République. »

Rappelons l’appel “France - Algérie : dépasser le contentieux historique” que la section de Toulon de la LDH continue à porter : « nous voulons que la souffrance de toutes les victimes soit reconnue, et qu’on se tourne enfin vers l’avenir », ce qui ne peut être accompli « par des entreprises mémorielles unilatérales privilégiant une catégorie de victimes ».

Toulon, le 29 avril 2012

Julien Carboni
président de la section de Toulon de la LDH


Notes

[1Le texte de l’homélie prononcée le 26 mars 2012 par Mgr Molinas, à Notre-Dame de Paris : http://www.ldh-toulon.net/IMG/pdf/h....

[2Le texte de l’homélie prononcée le 5 juillet 2010 par Mgr Molinas en l’église Sainte-Anne de Six-Fours : http://www.paroisse-sainte-anne.com....


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