En bas du Faron, la plaque commémorative d’un libérateur de Toulon, Raoul Salan, a été comme maquillée — voyez cette page. Le texte qui y figure est celui que l’extrême droite avait écrit ... il y a quinze ans
La plaque clandestine, photographiée hier matin. Un angle écorné est visible : du plastique a été collé par-dessus le marbre. Une découverte faite par plusieurs membres de la Ligue des Droits de l’Homme. (Photo Matthieu Cotterill)
En passant comme ça, on n’y voit que du feu. Les fausses marbrures, les lettres d’or gravées dans la pierre... Et pourtant, la plaque accrochée tout en haut du boulevard Sainte-Anne, à Toulon a été recouverte, clandestinement. Rien d’une blague potache, puisque la couverture en plastique, solidement vissée sur le marbre, est la copie conforme de la plaque apposée ici en 2001. Elle avait été voulue par la municipalité d’alors, d’extrême droite.
C’est justement ce texte que le maire de Toulon Hubert Falco avait retiré en juin 2005, avec l’approbation unanime du conseil municipal - sauf une abstention. Dix ans plus tard, certains veulent manifestement rallumer la controverse.
Ce que les deux textes ont en commun est de rendre hommage à
Raoul Salan, l’un des libérateurs de Toulon, en 1944.
Mais là où l’extrême droite honore le général Salan, qui fut un général putschiste et chef de l’OAS [1], la municipalité toulonnaise ne garde que le colonel, au moment de la libération de la ville.
« Détournement »
La Ligue des droits de l’Homme avait longuement milité pour ce changement de nom. Et aujourd’hui, découvrant la plaque maquillée, le militant Gérard Estragon s’indigne. « C’est un véritable détournement de la plaque de 2005. Salan était un général factieux, c’est le chef de l’OAS qui a porté atteinte à la République. C’est le fait de gens qui veulent faire plier la vérité historique ».
Raoul Salan a pris part au putsch des généraux à Alger, en avril 1961.
Il a été condamné à la détention perpétuelle en 1962, puis amnistié en 1968.
Ayant appris l’apparition de cette fausse plaque, l’historien Jean-Marie Guillon
[2] souligne que -« les batailles des noms sont très importantes. Ce sont des symboles. Un nom de rue, c’est un nom qu’on célèbre, c’est un Panthéon. »-
« Geste honorable »
Au Font national, par contre, on ne se prive pas de soutenir, ouvertement. « On m’en a averti et c’est très bien, assure Amaury Navarranne, conseiller municipal frontiste. Rien ne justifiait d’avoir débaptisé ce carrefour. C’était un affront ».
Soulignant que le général putschiste avait été officiellement réhabilité, après sa grâce, il « salue le geste honorable de gens qui en ont pris l’initiative ».
En mai 2014, le sujet avait ressurgi lorsque les élus FN de Toulon avaient refusé de donner le nom de Nelson Mandela au nouveau parvis situé devant la gare. « Si vous prenez tout le passé de Mandela, y compris son passé terroriste, vous devez rebaptiser le carrefour du général Salan. » En vain.
Plaque restaurée
Hasard (ou pas ?), la commémoration de la libération de Toulon a lieu demain. Certains, comme les élus FN, seront au rendez-vous. L’association Adimad, qui se présente comme « la vitrine du juste combat de l’Algérie française » organise une cérémonie au carrefour Salan.
Mais les participants devront se recueillir devant le colonel et non le général. Informé par Var-matin,
le maire a donné des instructions immédiates, hier après-midi, pour que la plaque retrouve son état légitime.
Sur le fond, Hubert Falco fait savoir qu’il « ne rentrera pas dans une polémique — qui a été réglée dix ans en arrière ». Par ailleurs, il « prépare la rentrée des petits Toulonnais et Toulonnaises », ce qui lui
« paraît plus important ».
Trois heures plus tard, la plaque authentique avait été remise au jour et nettoyée.
Le travail de mémoire, lui, sera plus long à accorder.
Complément
Dans un article posté le dimanche 30 août 2015 à 20h02 qui fait le point sur cette affaire, intitulé « Recouvrement clandestin de la plaque du carrefour Salan à Toulon : l’œuvre de l’extrême droite ? », le site internet de Var-Matin rappelle que :
En mai 2014, le sujet avait resurgi lorsque les élus FN de Toulon avaient refusé de donner le nom de Nelson Mandela au nouveau parvis situé devant la gare."Si vous prenez tout le passé de Mandela, y compris son passé terroriste, vous devez rebaptiser le carrefour du général Salan". En vain.
Le communiqué du 30 août 2015 de la section LDH de Toulon : http://ldh-toulon.net/IMG/pdf/comun... (58 ko, au format PDF).