la LDH ne se résout pas à ce que l’Alsace et la Moselle restent orphelines de la laïcité


article de la rubrique laïcité > le droit local en Alsace-Moselle
date de publication : mercredi 18 avril 2007
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Vous trouverez ci-dessous la résolution sur le statut d’Alsace-Moselle, adoptée lors du 84e congrès de la LDH, le 1er avril 2007 à Saint Denis, suivie de quelques compléments d’information.

[Première mise en ligne le 15 avril, mise à jour le 18 avril]

Résolution adoptée le 1er avril 2007 lors du 84e congrès de la LDH [1]

Les Alsaciens et les Mosellans attendent toujours l’application des principes et des règles de la laïcité républicaine dans leurs trois départements.

2003 : le rapport Stasi sur la laïcité faisait de timides propositions, pour engager un
processus de laïcisation de l’enseignement dans nos écoles publiques ; nous attendons
toujours leur mise en oeuvre.

2005 fut l’année de la commémoration du centenaire de la loi de séparation des églises et de l’Etat : 89 ans après leur retour à la France, et ces départements d’Alsace Moselle attendent toujours son application.

2006 : le Président de la République, lors de son passage à Metz, recevait les déclarations des organisations laïques pour qu’il mette en conformité le discours avec les pratiques. Ses réponses sont toujours attendues.

La LDH ne se résout pas à ce que l’Alsace et la Moselle restent orphelines de la laïcité

La séparation de toutes les religions et de l’Etat, la liberté de conscience et d’exercice de
tous les cultes, sont les principes intangibles du socle commun de la laïcité, qui ne doivent souffrir aucune exception sur l’ensemble du territoire français.

Dans l’attente de l’abrogation prochaine de ce qui reste d’un concordat archaïque et
obsolète, sans remettre en cause les avancées sociales d’un droit civil local, la Ligue des
droits de l’Homme demande :

  • la suppression du délit de blasphème inscrit dans un droit pénal « local », rédigé en
    allemand et qui ne s’applique que sur le territoire des trois départements « concordataires ».
  • la codification du statut scolaire, comme exigé par la circulaire Juppé du 30 mai
    1996, afin que celui-ci soit enfin accessible aux usagers et que ses dispositions, de valeur législative, soient intégrées dans le code de l’éducation.
  • l’information claire des parents d’élèves sur le caractère non obligatoire de
    l’enseignement religieux dans les écoles d’Alsace et de Moselle, et le remplacement de la
    « dispense » par un choix facultatif, conformément aux recommandations de la commission Stasi.
  • la sortie du système de financement des ministres des cultes par les fonds publics.

Seule la laïcité républicaine, appliquée à tous et pour tous, ici et dans l’ensemble de notre pays, permet de faire « vivre ensemble » la diversité et le pluralisme d’une démocratie dont les principes sont issus de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, inscrite dans le préambule de notre Constitution.

Lettre ouverte de Charles Roederer, président de la fédération de Moselle, aux délégués au 84° congrès de la LDH [2]

Vous allez avoir à vous prononcer sur le projet de résolution que nous présentons (Fédération de Moselle et sections du Haut-Rhin) et dont le texte vous a été communiqué. Il concerne cette situation particulière maintenue dans les trois départements d’Alsace-Moselle depuis 1918 : la loi de 1905 ne s’y applique pas, les restes du Concordat napoléonien sont encore en vigueur ainsi qu’un statut scolaire issu de la loi Falloux .

Nous voudrions attirer votre attention sur ce projet, et vous faire sentir qu’il est
loin d’être anodin. En effet, il ne faut pas voir dans ce projet l’appel au secours
particulier d’une poignée de citoyens mis à part par l’histoire, mais bien au contraire un
sujet d’intérêt général, qui concerne tous les départements : c’est d’ailleurs pourquoi
nous avons souhaité que la LDH se l’approprie au plan national à l’occasion du
congrès.

Vous êtes tous concernés, d’abord, parce que l’un des candidats à l’élection
présidentielle a clairement fait savoir son souhait de modifier la loi de 1905, et que
l’extension à l’ensemble du territoire national du régime cultuel d’Alsace-Moselle, ou
de certaines de ses spécificités, fait partie des hypothèses qu’il envisageait. Il a par
ailleurs commandité, en tant que ministre, une étude sur la question qui a conclu
(rapport Machelon) a la parfaite légitimité du régime d’Alsace-Moselle et à sa
compatibilité avec les principes de la Laïcité républicaine, pour autant que soit modifié
l’article 2 de la loi de 1905 considéré comme ne constituant pas un des fondements de
cette loi - ce dernier point est à l’évidence une interprétation que la LDH conteste
formellement.
L’adoption de notre projet de résolution irait à l’encontre de cette évolution destructrice de la laïcité républicaine telle que nous l’entendons – et vous permettrait ainsi d’échapper à ces mesures que nous connaissons : enseignement religieux
"obligatoire" à l’école publique, sauf dérogation à demander expressément, implication des autorités religieuses dans la vie publique (l’évêque est un fonctionnaire), etc.. Ce statut, qui oblige à l’affichage public de ses convictions religieuses, ne respecte pas, à nos yeux, la liberté de conscience des individus.
Vous êtes concernés aussi parce que, sans en avoir bien souvent pris conscience, tout le monde en France finance par ses impôts tant directs qu’indirects les traitements versés aux ministres des cultes "reconnus" dans nos trois départements, par référence à la grille des enseignants ; ce qui, soit dit en passant, leur confère une situation matérielle que n’oseraient rêver la plupart de leurs collègues "de l’intérieur".
Ce sujet a déjà été évoqué, et il faut se garder pour en discuter des arguments fallacieux qui ont été utilisés pour l’écarter, particulièrement de celui que brandissent les tenants du système actuel et notamment l’épiscopat, argument d’ailleurs repris
dans le rapport Machelon, selon lequel toute atteinte au régime cultuel d’Alsace-Moselle disloquerait l’ensemble du statut local, qui comporte par ailleurs des éléments très positifs.

Il s’agit simplement d’un mensonge, puisqu’il n’y a aucun lien entre le statut cultuel, résultant du Concordat napoléonien, le statut scolaire – simple application maintenue de la loi Falloux – et les autres aspects du droit local directement issus des lois bismarckienne promulguées à la fin du XIXe siècle. C’est à ces derniers aspects du statut local (sécurité sociale, droit de chasse et autres…) que les populations sont attachées, et d’ailleurs certains d’entre eux constituent encore aujourd’hui de réelles avancées qui mériteraient d’être envisagées pour l’ensemble du territoire.

C’est afin de vous apporter des éléments d’information qui vous permettront, nous l’espérons, de mieux comprendre les enjeux de notre proposition de résolution, que nous avons composé ce numéro de notre lettre fédérale. Ce numéro fait également référence à des textes plus détaillés, que nous mettons à votre disposition sous forme de tirés à part.

Mgr Olivier de Berranger : « La loi de 1905 n’est pas négociable »

Le journal L’Humanité avait, le 28 décembre 2002, publié un dossier en vue de la préparation du centenaire de la loi de 1905. Il avait notamment posé la question suivante à diverses personnalités : Faut-il que l’Etat réaffirme aujourd’hui la laïcité dans les règles de fonctionnement de la société ?

Voici la réponse de Mgr Olivier de Bérranger, évêque de Saint-Denis, Président de la commission sociale des évêques de France :

« Je peux vous dire au nom des évêques de France que, pour nous, la loi de séparation de 1905 n’est pas négociable. Elle constitue toujours un fanal précieux, même si cela n’a pas toujours été le cas à cause de l’attachement de l’Église à l’Ancien Régime et de la façon délicate dont il a fallu qu’elle s’en détache - grâce d’ailleurs à l’appui de Rome qui permit aux catholiques français de se rallier à la République et d’accepter cette loi de séparation qui nous a permis de créer des associations diocésaines, de nous constituer en personnes juridiques. Nous ne sommes pas du tout favorables à un toilettage ou à un dépoussiérage de la loi mais, bien au contraire, à ce que le centenaire qui s’annonce soit l’occasion de lui redonner tout son lustre. Non seulement il ne faut pas la remettre en cause mais, dès lors qu’elle est vécue par des gens intelligents et respectueux de la liberté religieuse, il est bon que l’Europe profite durablement de cette expérience singulière de la France. C’est une situation à bien des égards exemplaire, et quoi qu’en disent des esprits chagrins partisans d’un cléricalisme archaïque, je crois que la rupture de toute liaison organique avec le pouvoir a en même temps constitué le prix de notre liberté. L’Église de France n’est peut-être pas riche mais elle est libre, elle est elle-même, et cette distance, ce recul, lui donne la possibilité de critiquer ce pouvoir lorsqu’elle n’est pas d’accord. Sans arrogance et dans le respect de la diversité des cultures, je crois au caractère exemplaire de cette expérience en Europe. »

Olivier de Berranger

Le budget des cultes [3]

Les années 1992-2002

Le rapport du député René Dosières, au nom de la commission des lois de l’Assemblée nationale, sur le projet de loi de finances pour 2002 [4],
permet de donner les chiffres suivants :

1 465 agents du culte étaient alors rémunérés pour un budget de 35.8 millions d’euros, au titre des rémunérations, indemnités et prestations sociales versées par l’Etat aux personnels des cultes reconnus d’Alsace et de Moselle, et des cotisations sociales à la charge de l’Etat.

Ce même rapport comporte un exposé fort intéressant sur le régime concordataire d’Alsace-Moselle, ainsi que sur l’évolution du budget de 1992 à 2001 : il a peu varié progressant de 30 à 35 millions d’euros.

Le projet de loi de finances pour 2007

Dans le budget de l’Administration générale et territoriale de l’État, la « vie cultuelle » est l’action 4 du programme « vie politique, cultuelle et associative ».

L’action 4 du programme « vie politique, cultuelle et associative » porte sur le suivi des affaires relatives aux cultes, qu’il s’agisse de la tutelle administrative du ministère de l’intérieur sur les congrégations et collectivités religieuses, ou de l’application du Concordat dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

Les crédits de l’action « cultes » [5]

L’action « cultes » est dotée de 55.9 millions d’euros en crédits de paiement et de 55.96 millions d’euros en autorisations d’engagement au sein du projet de loi de finances pour 2007, soit 10.2 % des autorisations d’engagement du programme.

Cette action regroupe 1 409 équivalents temps plein travaillés correspondant aux ministres des cultes reconnus en Alsace et en Moselle. [...]

De 2002 à 2007, on constate une diminution (de 4 %) du nombre d’équivalents temps plein, face à une augmentation de plus de moitié du budget...
Que s’est-il donc passé ? Un phénomène très simple : une modification de la présentation comptable des crédits de l’Etat entre 2006 et 2007 a eu pour conséquence que le coût des retraites des ministres du culte d’Alsace-Moselle retraités a été pris en compte dans l’action « cultes », alors que jusqu’alors il était comptabilisé ailleurs ... En fait, entre 2006 et 2007, le montant des dépenses globales de personnel pour l’action "Cultes" n’aurait pas connu d’évolution significative [6].

P.-S.

Comme les sections de Moselle et du Haut-Rhin le font remarquer, la rémunération par l’Etat des agents du culte d’Alsace-Moselle constitue « un impôt religieux obligatoire depuis 1919, que tous les Français paient ».

Le quatrième point de la résolution demande qu’un terme soit mis à cette anomalie.

Notes

[1Résolution adoptée par 229 pour, 11 contre, 11 abstentions.

[2Source : la note d’information N° 33, janvier-février- mars 2007, de la Fédération Mosellane de la LDH (3, rue Gambetta, 57000 Metz. Tél. 03 84 66 37 11)

[3Cette dernière partie a été rédigée par LDH-Toulon.

[5Source : le rapport du sénateur José Balarello, au nom de la commission des lois du Sénat, déposé le 23 novembre 2006.

[6Les sceptiques pourront obtenir des précisions auprès du président de la fédération de Moselle de la LDH.


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