la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde)


article de la rubrique discriminations
date de publication : jeudi 14 septembre 2006
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« Tous ceux qui s’estiment victimes de discriminations doivent saisir la Halde » a déclaré Jacques Chirac.

[Première publication le 2 août 2006, mise à jour le 14 septembre 2006]


La Halde a pour mission générale de lutter contre toutes les formes de discriminations prohibées par la loi, qu’elles proviennent du racisme, de l’intolérance religieuse, du sexisme ou de l’homophobie.

Elle est présidée par Louis Schweitzer (ancien président de Renault), entouré d’un collège de dix personnalités parmi lesquelles : Nicole Notat, ancien numéro un de la CFDT, Fadela Amara, fondatrice du mouvement Ni putes ni soumises, le professeur Marc Gentilini, ancien président de la Croix-Rouge française, Marie-Thérèse Boisseau, ancien ministre des Personnes handicapées dans le gouvernement Raffarin II, ou encore Alain Bauer, spécialiste des questions de délinquance. Le collège peut demander des avis au comité consultatif qu’il a constitué pour éclairer sa réflexion [1].

Vous êtes victime de discrimination, la HALDE est là pour vous accompagner !

- Toute personne s’estimant victime de discrimination peut saisir directement la Haute autorité ; il suffit d’adresser un simple courrier motivé [2] à :

Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité
11, rue Saint Georges
75009 Paris

- Toute personne souhaitant obtenir des informations sur ses droits, sur la loi française contre les discriminations, peut contacter un conseiller d’information au 08 1000 5000 [3].

- Consultez le site de la Halde http://www.halde.fr/.

Un premier bilan de la Halde

par Boris Thiolay, L’Express du 4 mai 2006

Un an d’existence et déjà beaucoup d’expérience. Alors qu’elle vient de remettre son premier rapport annuel à Jacques Chirac, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) a fait la preuve de son utilité concrète.

Saisie par 2 360 personnes s’estimant victimes, cette instance indépendante dresse tout d’abord un panorama des pratiques discriminatoires et de leurs causes. 45% des plaintes reçues concernent l’accès à l’emploi, 18,3% les services publics et 5,3% le logement. Principales raisons de discrimination ? L’origine, dans 39,6% des cas, puis l’état de santé et le handicap (13,9%), avant le sexe (6,2%) et l’âge (5,6%).

Un exemple flagrant : les médecins étrangers qui, à travail égal, sont moins bien rémunérés. La Halde a donc engagé une offensive de terrain. Comptant 66 collaborateurs dont la moitié de juristes, elle peut, en cas de discrimination avérée, proposer au fautif une amende transactionnelle en faveur de la personne lésée ou, à défaut, saisir la justice.

800 dossiers ont ainsi été réglés, dans un délai moyen de quatre-vingt-dix jours. « Les discriminations ne sont plus un délit toléré et nous entendons le faire savoir, explique Louis Schweitzer, son président. D’ailleurs, dans une centaine de cas, une simple intervention a suffi à régler la situation à l’amiable. » La Halde poursuit également une campagne de testing pour débusquer, preuve à l’appui, les récalcitrants. Ces derniers s’exposent à une sanction très efficace dans les pays anglo-saxons : le name and shame (littéralement, nommer et faire honte), qui consiste à désigner publiquement les entreprises ou organismes coupables de discriminations. A bon entendeur...

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"Prévenir les préjudices, c’est mieux"

un entretien avec Louis Schweitzer, président de la Halde, Le Monde du 4 mai 2006
  • Beaucoup se demandent si la création de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde), il y a un an, n’a pas été qu’un effet médiatique, quand la plupart ignorent encore son existence ?

La Halde, c’est clair, n’est pas encore vraiment connue. Cela dit, nous avons enregistré 2 365 saisines. Comparé aux 40 condamnations pénales pour discrimination qu’il y a, en moyenne, par an, en France, ce n’est pas négligeable : nous sommes quand même dans un changement d’échelle. Ce faisant, pour se faire connaître, il faut soit faire des campagnes de communication massive - ce qui n’est pas dans notre budget -, soit acquérir de la notoriété par ce que l’on fait, en étant efficace. Or la loi initiale était, sur ce point, trop timide.

Mais la récente loi pour l’égalité des chances nous confère un nouveau pouvoir qui va nous donner une réelle capacité à agir. Elle nous autorise à proposer une transaction qui comprend une sanction financière, l’indemnisation de la victime et une mesure de publicité. Si cette transaction n’est pas acceptée, nous pourrons saisir la justice en citation directe.

Aujourd’hui, lorsque nous la saisissons d’une affaire, nous la transmettons au parquet et nous ne sommes pas sûrs qu’elle sera jugée. En citation directe, l’affaire ne pouvant être classée, nous sommes sûrs qu’elle sera jugée.

  • Ce pouvoir vous a-t-il manqué au cours de cette première année d’existence ?

Oui. Nous avons procédé à 41 saisines du parquet. Mais c’est une procédure longue et lourde. On l’a vu encore récemment sur une affaire de boîte de nuit. Il a fallu quatre ans pour qu’elle soit jugée. On voit bien qu’avec une telle durée il n’est pas possible d’être efficace. La durée joue contre les victimes. Notre nouveau pouvoir nous permettra, grâce à la transaction, d’aller plus vite dans la réparation du préjudice et l’indemnisation de la victime, tout en étant dissuasifs.

  • Le signe d’une vraie volonté politique ne passe-t-il pas aussi par une campagne de communication massive équivalente à ce qui se fait en matière de sécurité routière ?

La sécurité routière est un sujet que je connais bien. Cela fait vingt ans que l’on fait dans ce domaine des campagnes de communication. Or, elles ont commencé à avoir un impact lorsqu’on a installé des radars et sanctionné tout dépassement de la vitesse autorisée.

Dans notre domaine, nous avons désormais un outil majeur : le test de discrimination, ou "testing". Cet instrument a pour moi les mêmes vertus que le radar : il est dissuasif, et, en plus, il permet de sanctionner la faute avant d’avoir une victime. Avoir une sanction exemplaire dans une affaire où il y a une victime, c’est essentiel, mais si l’on peut prévenir les préjudices, c’est encore mieux. Le "testing" peut nous permettre de valider ce que nous dit une personne. Mais nous devons aussi utiliser cet outil à titre préventif. Ce que nous avons fait en adressant des CV pour des offres d’emploi de grandes entreprises, ou encore en envoyant des personnes dans des agences se porter candidates à des offres de logement.

  • La Halde a adressé, en décembre, un courrier à 146 entreprises pour les interroger sur leurs pratiques. Combien d’entre elles vous ont répondu ?

Cent deux. Dans notre rapport, nous publions le nom des entreprises qui nous ont répondu et de celles qui ne l’ont pas fait. Cette pratique anglo-saxonne a son efficacité, car les grandes entreprises sont extrêmement sensibles à leur image. Or avoir une politique de lutte contre les discriminations est une part essentielle de leur responsabilité sociale. En la matière, il faut que l’on passe maintenant de l’intention à la pratique.

  • La charte de la diversité, signée par la plupart des grandes entreprises, n’a-t-elle été qu’une déclaration d’intention ?

Je ne connais personne qui ait cessé de fumer sans avoir pris la résolution d’arrêter, et je connais beaucoup de gens qui ont pris la résolution d’arrêter sans jamais le faire. Cette charte est un début. Mais, clairement, des entreprises l’ont signée sans que le contenu suive. Il faut maintenant transformer l’intention en actions concrètes. Nous n’allons pas lâcher les entreprises à qui nous avons écrit. Nous ne les avons pas seulement questionnées sur leurs pratiques, nous leur avons aussi demandé de nous désigner un correspondant afin de mettre en place, en leur sein, un suivi, auquel seraient associés les partenaires sociaux. La Halde peut encourager ce suivi en donnant des modes d’emploi pratiques et en favorisant l’échange d’expériences.

  • Êtes-vous favorable au comptage ethnique dans les entreprises ?

On peut, dans de très grandes entreprises, faire des sondages, en prenant des précautions. Le comptage ethnique, c’est différent, et lourd de risques. Parce que cela conduit à définir les gens par une caractéristique sans réalité, et à en faire une variable explicative : dès lors que vous faites des comptages de cette nature, vous faites de la race ou de l’ethnie une catégorie réelle, au même titre que les catégories socioprofessionnelles. De plus, il nourrit une logique de séparation de communauté : cela me paraît, philosophiquement et réellement, mauvais. Pour moi, le comptage ethnique n’est pas nécessaire pour lutter contre les discriminations. L’absence de comptage ethnique ne justifie pas l’inaction.

Propos recueillis par Laetitia Van Eeckout

P.-S.

La déléguée de la Halde pour la région PACA est venue participer à notre réunion d’adhérents du 12 septembre 2006. Elle a tenté de répondre au scepticisme qui entoure cette nouvelle instance de "lutte contre les discriminations".

La lecture dès le lendemain de la lettre du président de la Halde au ministre de l’Intérieur a contribué à renforcer nos doutes sur l’efficacité de la Halde.

Notes

[1La Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (Halde) est une autorité administrative indépendante créée par la loi du 30 décembre 2004. Elle a été officiellement mise en place par le président de la République le 23 avril 2005.

Voici la composition de son collège.

La composition du comité consultatif a soulevé des protestations d’un collectif d’associations qui en a dénoncé le déséquilibre - et notamment le fait que les organisations qui œuvrent dans le champ des discriminations fondées sur l’orientation ou l’identité sexuelles (l’ensemble du mouvement LGBT) ou des discriminations fondées sur l’état de santé en sont écartées (Voir, sur le site national de la LDH, le communiqué commun publié à cette occasion.)

[2Il est important de transmettre toutes les précisions utiles sur les faits considérés comme constitutifs d’une discrimination : une copie de l’offre d’emploi, d’une candidature (CV et lettre de motivation), de la lettre de refus, du contrat de travail, des fiches de paie, des attestations d’employeur, d’un certificat médical, d’un courrier de refus... - conservez les originaux et ne transmettez que les photocopies.

[3Coût d’une communication locale à partir d’un poste fixe -
du lundi au vendredi de 8h30 à 18h30.


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