la Halde recommande l’abandon de la condition de nationalité pour l’accès à de nombreuses professions


article de la rubrique discriminations
date de publication : samedi 18 avril 2009
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Dans une délibération rendue publique mercredi 15 avril, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) recommande au gouvernement de supprimer les conditions de nationalité pour l’accès aux trois fonctions publiques (État, hospitalière et territoriale), aux emplois des entreprises et établissements publics, et aux professions du secteur privé fermées aux étrangers extra-communautaires.

Près de 7 millions d’emplois, soit 30 %, sont actuellement interdits, aux étrangers, partiellement ou totalement. La Halde estime que, à la seule exception des emplois relevant de la souveraineté nationale et de l’exercice de prérogatives de puissance publique, « la condition de nationalité devient sans fondement » dès lors que les emplois sont ouverts aux ressortissants communautaires.

A la suite de la délibération de la Halde, nous reprenons l’édito, « Emplois fermés : une ouverture timide », du numéro de mars 2009 de la revue du Gisti, Plein droit.


Délibération n° 2009-139 de la Halde (30 mars 2009)

Le Collège,


Vu le Traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 39,
Vu la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des
ressortissants de pays tiers résidents de longue durée,
Vu la directive 2004/38 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au
droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner
librement sur le territoire des États membres,
Vu la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005
relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles,
Vu la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction
publique,
Vu la loi n°2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte
contre les discriminations et pour l’égalité,
Vu la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit
communautaire à la fonction publique,
Vu le décret n°2005-215 du 4 mars 2005 relatif à la haute autorité de lutte contre les
discriminations et pour l’égalité,

Sur proposition du Président,
Décide :

Les restrictions à l’accès à l’emploi pour les étrangers se situent à deux niveaux : la
condition de détention d’un diplôme français ou délivré par un Etat membre de l’Union
européenne, et la condition de nationalité.

S’agissant de la condition de diplôme exigée des étrangers, pour accéder à certaines
professions, elle ne doit pas être remise en question dans son principe. En effet, le Collège
de la haute autorité considère que l’obligation d’être titulaire d’un diplôme délivré en
France, dans un Etat-membre de l’Union européenne, ou d’une équivalence, est
objectivement justifiée et qu’elle constitue une garantie du niveau de formation.

La condition initiale de détention d’un diplôme français a été étendue pour inclure les
diplômes délivrés dans les Etats membres en application de directives européennes depuis
les années soixante-dix. Ces directives, qui ont été fondues dans la directive 2005/36/CE
du parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des
qualifications professionnelles, ont établi des socles communs de formation, condition
nécessaire à la reconnaissance mutuelle des diplômes entre Etats-membres.

Une telle harmonisation des formations n’existe pas avec les Etats-tiers à l’Union. Ainsi,
le Collège estime justifiée l’existence de procédures d’évaluation des connaissances pour
les professionnels détenteurs de diplômes délivrés hors de l’Union européenne, en
l’absence de convention bilatérale. Au demeurant, comme le Collège l’a précédemment
relevé dans une délibération n° 2005-36 du 27 février 2005, ces procédures doivent
effectivement permettre l’accès à la profession, notamment en prenant en considération
l’expérience professionnelle en France, afin de ne pas avoir un effet discriminatoire. A cet
égard, le décret n° 2007-196 du 13 février 2007 relatif aux équivalences de diplômes
requises pour se présenter aux concours d’accès aux corps et cadres d’emplois de la
fonction publique va dans ce sens puisqu’il prévoit des procédures d’examen, par des
commissions, des diplômes délivrés hors de l’Union et des compétences acquises.

En revanche, la condition de nationalité ne bénéficie pas de la même légitimité.

Selon le Rapport du Groupe d’étude sur les discriminations (GED) de mars 2000, environ
30 % de l’ensemble des emplois sont interdits partiellement ou totalement aux étrangers,
ce qui représente près de 7 millions d’emplois. La condition de nationalité pour l’accès à
l’emploi touche aussi bien le secteur public que privé. Il convient de noter cependant que
les emplois fermés se trouvent majoritairement dans le secteur public (le nombre estimé
est de 5,2 millions d’emplois). En effet, les postes d’agents titulaires bénéficiant des
garanties statutaires sont inaccessibles aux étrangers non communautaires dans les trois
fonctions publiques (État, hospitalière et territoriale).

En application du droit communautaire, la loi du 26 juillet 1991 [1] a ouvert aux ressortissants communautaires uniquement, la possibilité d’accéder aux « corps, cadres et emplois dont les attributions sont soit séparables de l’exercice de la souveraineté, soit ne comportent aucune participation directe ou indirecte à des prérogatives de puissance
publique
 ».

Toutefois les étrangers extra-communautaires sont dans l’impossibilité d’accéder aux
emplois statutaires de la fonction publique. Seuls les emplois de non titulaires leur sont
ouverts, sous forme de contrats ou de vacations.

Selon le rapport du GED précité, plusieurs fonctions dans les hôpitaux publics ont été
ouvertes aux étrangers extra-communautaires soit pour pallier le manque de main d’oeuvre
(médecins hospitaliers en vertu de la loi du 3 novembre 1976, dentistes des hôpitaux en
application de la loi du 23 décembre 1980), soit pour attirer des talents étrangers. Les
étrangers non communautaires font donc partie des effectifs et sont recrutés pour effectuer
les mêmes tâches que des fonctionnaires, mais sous des statuts précaires qui ne leur
permettent pas d’espérer une évolution de leur carrière.

Il existe néanmoins une exception notable à cette interdiction en ce qui concerne
l’enseignement supérieur. Depuis les lois du 15 juillet 1982 et 26 janvier 1984, les
emplois d’enseignants-chercheurs sont ouverts sans condition de nationalité (article L
952-6 du code de l’éducation nationale), selon les modalités prévues par le décret n° 84-
431 du 6 juin 1984.

S’agissant de la majorité des entreprises assurant la gestion d’un service public, les
étrangers extra-communautaires ne peuvent pas davantage accéder aux emplois permanents
statutaires de ces entreprises. Elles représentent plus d’un million d’emplois. Certaines
d’entre elles (EDF-GDF…) ainsi que des établissements publics ou assimilés (BANQUE
DE FRANCE…) maintiennent également la condition de nationalité, pour l’accès à leurs
emplois statutaires.

Seuls les emplois non statutaires sont ouverts aux extracommunautaires sous la forme de
contrats. Toutefois des avancées sont intervenues, et par exemple, la RATP a ouvert ses
45 000 emplois, sans condition de nationalité depuis décembre 2002. Par ailleurs, par une
circulaire du 22 octobre 2001, la condition de nationalité pour les postes de la Sécurité
sociale a été abrogée. Ainsi, aucun emploi dans un organisme de sécurité sociale ne
nécessite de posséder la nationalité française.

Enfin, concernant le personnel de CHRONOPOST et de LA POSTE [2], ses dirigeants indiquent que « plus aucun recrutement sur concours n’étant envisagé et en conséquence il n’y aurait plus d’obstacle légal à l’embauche d’étrangers ».

Concernant les emplois relevant du secteur privé, le rapport remis en novembre 1999 au
ministre de l’emploi et de la solidarité, par le cabinet Bernard Brunhes Consultants,
souligne que « plus de 50 professions voient aujourd’hui leur accès soit fermé, soit
restreint aux étrangers et ce à des niveaux très divers
 » [3], en raison de la condition de nationalité.

Selon ce même rapport, 17 professions sont soumises à une stricte condition de nationalité
française. Il en est ainsi notamment des huissiers de justice, des notaires, du personnel
navigant professionnel comprenant les pilotes d’avion, des métiers de la communication
comme les directeurs de publications de presse, ou des concessionnaires de services
publics.

D’autres professions (au nombre de 35) seraient, quand à elles, soumises à une condition
de nationalité communautaire, comme par exemple, les vétérinaires, les directeurs de
salles de spectacles, les débitants de tabac ou les dirigeants de régies, entreprises,
associations ou établissements des services extérieurs des pompes funèbres.
Sauf convention bilatérale particulière, sont également soumises à une condition de
nationalité soit communautaire, soit d’un pays lié avec la France par une convention de
réciprocité, les professions essentiellement exercées à titre libéral. Parmi celles-ci, on
trouve la plupart des emplois relevant d’un Ordre professionnel dont notamment, les
avocats [4], médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes [5], experts-comptables [6], architectes [7], pharmaciens, et géomètres experts [8]. A coté des professions libérales, on trouve d’autres professions relevant du secteur privé, tels les débitants de boissons, mais aussi les dirigeants d’entreprises de surveillance, de transport de fonds, de protection des personnes, ou de gardiennage.

Depuis 1999, des évolutions semblent être intervenues, par exemple concernant la
profession de capitaine de navire pour laquelle il n’est plus exigé la nationalité française.
Par délibération du 10 avril 2006, le Collège a saisi le Comité consultatif de la HALDE
d’une demande d’avis sur l’évolution de la situation des emplois fermés aux étrangers.

Dans son avis rendu le 1er décembre 2008, le Comité consultatif souligne que « la
fermeture de millions d’emplois aux ressortissants des pays tiers et les discriminations à
l’embauche que cela engendre pour des centaines de milliers d’autres emplois explique en
grande partie pourquoi les statistiques de l’INSEE nous signalent que les étrangers non
européens sont, en France, deux fois plus victimes du chômage et de l’emploi précaire
que les Français et les ressortissants européens. Ceci a pour conséquence un taux de
chômage et de précarité très élevé dans les quartiers populaires, où sont concentrés la
majeure partie des étrangers non européens.
 »

Le Comité consultatif souhaite que soit supprimée toute distinction entre les travailleurs
qu’ils appartiennent ou non à l’Union européenne.

Conformément à l’article 39 du Traité instituant la Communauté européenne, la liberté de
circulation implique l’abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les
travailleurs des États membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres
conditions de travail. Au-delà de la liberté de circulation des travailleurs, le droit
communautaire garantit ainsi une égalité d’accès à l’emploi entre les nationaux et les
ressortissants communautaires.

Dans le secteur public, l’égalité d’accès à l’emploi entre nationaux et ressortissants des
Etats membres devient la règle, à l’exception des emplois liés à la souveraineté nationale
ou à l’exercice de prérogatives de puissance publique aux nationaux.

Selon la Cour de justice des communautés européennes, l’exception au principe d’égalité
d’accès à l’emploi entre nationaux et ressortissants communautaires est d’interprétation
stricte, il n’y a pas lieu de distinguer entre secteur public et secteur privé, et il faut
s’attacher à la nature de l’emploi.

Si le droit communautaire permet aux Etats membres de réserver à leurs nationaux les
emplois liés à la souveraineté nationale ou à l’exercice de prérogatives de puissance
publique, le Collège relève néanmoins que le droit communautaire ne fait pas obstacle à
ce que les Etats membres reconnaissent aux extra-communautaires, le droit à un égal accès
à l’emploi, sur leur territoire.

Par ailleurs, le Collège observe que, depuis le traité d’Amsterdam, les questions d’asile et
d’immigration sont de la compétence des institutions européennes et ne relèvent plus
seulement d’une coopération entre Etats membres. Ainsi, le Conseil a étendu l’égalité de
traitement dans l’emploi dont jouissent les ressortissants communautaires, aux membres
de leur famille ressortissants des Etats tiers, par la directive 2004/38 du 29 avril 2004
(articles 23 et 24).

Le droit communautaire prévoit également d’accorder le droit à l’égalité dans l’accès à
l’emploi aux résidents extra-communautaires de longue durée. Toutefois, les Etats
membres conservent une marge de manoeuvre en la matière et peuvent ainsi déroger à ce
principe dans les conditions prévues par la directive visée ci-dessous.

En effet, la directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003 confère ce droit aux
ressortissants des pays tiers résidents de longue durée, définis comme des personnes
résidant de manière légale et ininterrompue sur le territoire d’un Etat membre depuis cinq
ans (article 11).

Toutefois, cette directive donne la faculté aux Etats membres de « maintenir des
restrictions à l’accès à l’emploi ou à des activités non salariées lorsque, conformément à

[leur] législation nationale ou au droit communautaire en vigueur, ces activités sont
réservées à ses ressortissants nationaux, aux citoyens de l’Union européenne ou de
l’Espace économique européen
 » (article 11-3 sous a).

L’Etat français a intégré au code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
les dispositions harmonisant le statut de résident de longue durée, mais il n’a pas transposé
le principe de l’égalité de traitement entre nationaux et résidents ressortissants d’Etat tiers
dans l’accès à l’emploi. Le Collège constate toutefois que, malgré l’expiration du délai de
transposition de ces deux directives, en 2006, le principe d’égalité d’accès à l’emploi n’a
pas été transposé en droit interne concernant les membres de la famille et les résidents de
longue durée.

Il convient alors de s’interroger sur les justifications du maintien des conditions de
nationalité dans l’accès à de nombreux emplois et professions.

Tout d’abord, il n’y a pas lieu de remettre en cause la réserve aux nationaux des emplois,
du secteur public comme du secteur privé, impliquant l’exercice de la souveraineté
nationale ou de prérogatives de puissance publique.
Ensuite, concernant les autres emplois, les justifications historiques apparaissent
aujourd’hui inappropriées.

Le rapport du Groupe d’Etude des Discriminations de mars 2000 souligne que les
conditions de nationalité ont été introduites depuis la fin du XIXème siècle, par
« sédimentation » progressive des règles applicables, en période de crise économique et de
montée de la xénophobie. Cependant, « l’univers professionnel dans lequel évoluent les
enfants d’étrangers est d’emblée limité par les restrictions qui frappent leurs parents. Or
chacun sait que la référence aux professions des parents joue comme un sas ou comme un
frein à l’élaboration des choix professionnels. En effet, les enfants d’étrangers
intériorisent les restrictions qui frappent leurs parents et limitent ainsi leur champ des
possibles. (…) Aujourd’hui, toute une série de carrières leur sont symboliquement fermées
et au moment où les pouvoirs publics s’interrogent sur les moyens à mettre en oeuvre pour
encourager l’accès aux fonctions publiques des jeunes français nés de parents étrangers,
les effets des restrictions légales ne sauraient être ignorés.
 » (Rapport du GED, mars
2000, p 18).

Dès lors que des emplois sont ouverts aux ressortissants communautaires, les différentes
justifications au soutien du maintien de la condition de nationalité perdent de leur force.
En particulier, lorsque des ressortissants d’Etats tiers sont employés dans les mêmes
fonctions que des ressortissants communautaires (mais sous des statuts précaires -
vacations, sous-traitance), la condition de nationalité devient sans fondement.

Par conséquent, au regard de la perte de légitimité de la condition de nationalité dans
l’accès à l’emploi et de la nécessité de transposer les directives communautaires 2004/38
du 29 avril 2004 et 2003/109/CE du 25 novembre 2003, le Collège recommande au
Gouvernement de supprimer les conditions de nationalité pour l’accès aux trois fonctions
publiques, aux emplois des établissements et entreprises publics et aux emplois du secteur
privé, à l’exception de ceux relevant de la souveraineté nationale et de l’exercice de
prérogatives de puissance publique.

Concernant le secteur privé, une réactualisation de la liste des emplois fermés est
nécessaire. Cette démarche apparait également utile s’agissant des emplois dans les
établissements et entreprises publics. Par conséquent, le Collège recommande au Premier
ministre de faire procéder à un recensement de l’ensemble des emplois fermés en France.

Le Collège examinera au cas par cas les justifications apportées, dans l’hypothèse du
maintien de conditions de nationalité pour certains emplois.

Le Président - Louis Schweitzer


Emplois fermés : une ouverture timide

Éditorial de Plein droit, 80, mars 2009, « Sans papiers, mais pas sans voix »


Le Sénat a adopté, le 11 février 2009 une proposition de loi présentée par les membres du Parti socialiste, apparentés et rattachés, « visant à supprimer les conditions de nationalité qui restreignent l’accès des travail-leurs étrangers à l’exercice de certaines professions libérales ou privées ». Il aura fallu du temps pour que cette première étape soit franchie « au nom de la lutte contre les discriminations et la promotion de l’égalité des travailleurs », comme le dit à juste titre l’exposé des motifs.

Il y a dix ans, le cabinet de consultants Brunhes remettait au gouvernement Jospin un rapport faisant observer que 7 millions d’emplois étaient fermés aux étrangers non communautaires, soit 30 % de l’ensemble des emplois : une cinquantaine de professions du secteur privé soumises à une condition de nationalité, une trentaine réclamant la possession d’un diplôme français, et près de 5,2 millions étant des emplois de titulaires dans les trois fonctions publiques, sans oublier les emplois proposés par les principaux organismes et entreprises publics. De cet état des lieux, on ne fit rien. Le même sort fut réservé au premier rapport [9] élaboré par le Groupe d’étude sur les discriminations mis en place par Martine Aubry, alors ministre de l’emploi, en mars 2000.

Pourtant, sous l’impulsion de la jurisprudence européenne, la plupart des emplois du secteur public vont s’ouvrir aux ressortissants communautaires. Cette évolution est parachevée par la loi du 26 juillet 2005 qui réserve aux nationaux les seuls postes impliquant l’exercice de la souveraineté ou mettant en oeuvre des prérogatives de la puissance publique (armée, police, magistrature, diplomatie et administration fiscale). Et pour les étrangers non communautaires ? Des miettes ! Seuls quelques organismes comme la Sécurité sociale et la RATP suppriment la condition de nationalité.

Le Gisti se mobilise pour cette cause en appelant les syndicats à prendre position. Il envisage de mener des procédures contentieuses mais y renonce finalement compte tenu de l’ampleur de la tâche à accomplir. Il y a tant de dispositions légales et réglementaires à abroger… Avec la création de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde), c’est l’occasion de débattre globalement de cette question, et non profession par profession, métier par métier. Pour autant, le collège de la Halde tarde à prendre position en faveur de l’égalité de traitement entre ressortissants communautaires et non communautaires.

Si la proposition de loi actuellement débattue au Parlement va dans le bon sens, elle est loin de mettre un terme aux discriminations légales dénoncées et d’opérer un rapprochement avec le traitement dont bénéficient les citoyens de l’Union européenne. Elle se borne à supprimer la condition de nationalité française pour l’exercice de professions réglementées (médecin, chirurgien, dentiste, sage-femme, pharmacien, vétérinaire, architecte, géomètre-expert, expertcomptable, conférencier). La profession d’avocat est retirée du projet initial au motif qu’elle est soumise « à une concurrence internationale intense [10] ». En conséquence, on est encore bien loin du compte, et notamment de la proposition défendue par les Verts en 2008 visant à permettre l’accès des ressortissants étrangers à la fonction publique.

Cette proposition minimaliste a-t-elle au moins des chances d’aboutir ? C’est sans doute la concession faite par le gouvernement avec la volonté ne pas aller plus loin. La plupart des professions visées connaissent d’ailleurs des difficultés de recrutement, en particulier celles qui relèvent du champ médical. Le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des PME, du tourisme et des services, Henri Novelli, a fait savoir aux sénateurs que le gouvernement approuvait le projet, mais qu’à défaut d’études d’impact, « il s’en remet à la sagesse de la haute autorité ». Il inscrit cette « réformette » dans le cadre de la politique d’immigration en faisant appel aux mêmes ressorts et fantasmes que ceux habituellement utilisés dans le cadre des projets de lois réformant le Ceseda [11]. Ainsi, il évoque la nécessité de procéder à une évaluation prospective préalable des besoins afin de ne pas risquer de déclencher un appel d’air d’étrangers venant faire des études en France uniquement pour s’y installer… et de veiller aux intérêts des pays d’émigration pour ne pas s’exposer à la critique du « pillage des cerveaux ». Toujours cette immigration choisie dont on voudrait contrôler les modalités de mise en oeuvre…

Or, la question n’est pas tant d’ouvrir des professions à des personnes au titre d’une politique sélective d’immigration que de permettre à des étrangers déjà installés de pouvoir bénéficier d’un vivier d’emplois qui leur sont pour l’instant interdits. L’étape à franchir demeure celle de l’ouverture du secteur public, en permettant notamment à tous ceux et celles qui travaillent dans ce secteur en qualité de contractuels de devenir titulaires.

Notes

[1Loi n°91-175, ajoutant un article 5 bis à la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Ce dispositif a été complété par les articles 10 et 11 de la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique.

[2Selon les déclarations des représentants de La Poste qui ont été auditionnés par le groupe de travail « emplois fermés » du comité consultatif de la HALDE.

[3liste 1 à l’annexe 2 du rapport Brunhes.

[4art. 11 de la loi n °71-1130 du 31 décembre 1971

[5art. L. 4111-1, L. 4132-1, L. 4131-5, L. 4141-4, L. 4151-6, L. 4221-1, L. 4221-10 du code de la santé publique

[6art. 3 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945

[7art. 10 et11 de la loi n °77-2 du 3 janvier 1977

[8art. 3 de la loi n °46-942 du 7 mai 1946

[9« Une forme méconnue de discrimination : les emplois fermés aux étrangers (secteur privé, entreprises publiques, fonctions publiques). »

[10C’est ce que dit le rapporteur de la commission des lois qui a procédé aux différentes auditions.

[11Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.


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