l’hébergement des Roms de la Loubière est un problème urgent


article de la rubrique roms et gens du voyage > à Toulon
date de publication : lundi 7 juillet 2014
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À Gardanne, à quelques dizaines de kilomètres de Toulon, le maire Roger Meï, a mis en septembre 2012 un terrain à la disposition d’une douzaine de familles roms, chassées de Marseille. Deux ans plus tard, grâce à la « forte mobilisation des services municipaux, des services publics et du collectif Roms de Gardanne » [1], le bilan de cette politique volontariste est largement positif.

À Toulon, tout au contraire, on se contente de détruire les campements des Roms, sans chercher de solution à plus long terme. C’est le cas des familles qui ont été expulsées du squat de La Loubière le 5 juin 2014 : elles sont toujours à la rue et dorment à la belle étoile ... N’y a-t-il vraiment aucun endroit dans l’aire toulonnaise où elles pourraient être accueillies ?

[Mis en ligne le 2 juillet 2014, mis à jourle 7]



Accueil des Roms : l’exemple de Gardanne

par Marc Civallero, France 3, 1er juillet 2014


Plusieurs familles de Roms du camp de Gardanne vont être relogés d’ici l’automne. Le maire de la ville estime que cet engagement de la préfecture est une reconnaissance du travail effectué par ses services

Depuis septembre 2012 la ville de Gardanne dans les Bouches-du-Rhône accueille sur le carreau d’un ancien puits de mine, le Puits Z, une dizaine de familles de Roms. Les familles sont logées dans des caravanes et des mobil-homes fournis par Emmaus et la fondation Abbé Pierre. Le terrain a été raccordé au réseau EDF et au canal de Provence qui alimente deux points d’eau. Sur place la mairie et le collectif Roms de la ville ont également mis en place des cours de français pour adultes, des cours d’alphabétisation, des aides aux devoirs pour les enfants tous scolarisés, de la prévention médicale et des ateliers couture. Un gardien est régulièrement présent sur le site et une assistante sociale a été embauchée à temps plein par le Centre Communal d’Action Sociale.

La préfecture s’engage à reloger quelques familles

Michel Cadot, préfet des Bouches-du-Rhône, vient de s’engager à reloger une à deux familles parmi la dizaine présente sur le site. Selon le collectif Roms de Gardanne cet engagement devrait à terme déboucher sur la fermeture du camp un collectif qui déclare que « le campement du puits Z n’a pas vocation à durer éternellement. L’objectif final c’est qu’il ferme à terme pour cause de réussite »

Reportage d’Héléne Bouyé et d’Emmanuel Zini :


À Toulon, en revanche ...

Communiqué du collectif

Tenir parole !

En réponse à notre insistance, une délégation (RESF, RUSF, LDH) a été reçue par le directeur du cabinet du Préfet vendredi 20 juin. Nous ignorions alors que les familles Rom étaient à nouveau à la rue [2].

Parmi les affirmations entendues :

  • Oui, les Roms sont victimes d’ostracisme.
  • Le Var connaît une situation difficile : sur 1 million d’habitants, 40 000 attendent un logement social, et trop peu de logements sont construits chaque année. L’hébergement d’urgence est saturé.
  • La création du Comité de suivi prévu par la circulaire du 26 août 2012 pourrait permettre une meilleure prise en charge des situations.
  • Aucune famille ne restera dehors sans solution…

Pourtant, les orages ont repris et 3 familles avec enfants sont dehors ! Bien sûr les administrations peuvent dégager leur responsabilité. Par exemple :
une des familles était envoyée dans une chambre d’hôtel à La Valette ; 2 chambres étaient prévues, mais il n’y en a eu qu’une. En rentrant mercredi 18 juin au soir, ils ont appris que leur chambre avait été louée ; comme prévu dans le règlement, ils avaient laissé la clé en partant le matin, et l’agent hôtelier dit qu’il pensait qu’ils ne reviendraient pas... Ils ont donc regagné leur squat. Ils disent que c’est mieux pour les écoles des enfants (et en raison du beau temps de la semaine passée), situées en centre-ville, donc ils n’ont pas protesté.

Sans travail, sans hébergement, avec des problèmes de santé dus aux conditions de vie, l’école des enfants reste souvent le seul point stable et positif !

« Les Roms ont des droits ». Faisons les respecter

Les exemples de terrain à travers le pays, qui servent de repère au guide récemment publié par le LDH, nous le montrent. Pour réussir l’intégration des familles en grande précarité, et de fait très fragilisées, deux conditions sont nécessaires : la volonté politique et la coordination des acteurs publics ou privés.

Dans le Var, nous n’avons aucune des deux. Cela doit vite changer !

De nouveau, nous en appelons au préfet, puisque c’est lui qui en a reçu mission par la circulaire du 26 août 2012. La réunion du « comité de suivi » prévu est urgente. Elle semblait acquise le 20 juin ! Elle doit être mise sur pied sans délai.

Aucune famille avec enfants ne doit rester dehors, sans toit et sans sécurité, c’est le minimum !!!

Agir vite est une exigence.

Toulon, le 28 juin 2014

Signataires : RESF83, RUSF83, LDH Toulon, LDH Saint Maximin, CCFT-Terre Solidaire, FSU, SNESup, SNES, SNUipp, UD CGT, PCF, PdG, EELV, CNL, SUD-Education solidaires, ACO (Action Catholique Ouvrière).

À l’échelle nationale ...

Les Roms victimes d’une absence de volonté d’intégration politique

par Eric Nunès, Le Monde, le 4 juillet 2014


Le 13 juin, Darius, jeune Rom de 17 ans, est lynché à Pierrefitte-sur-Seine (Seine-Saint-Denis) et laissé pour mort dans un caddy. Un fait divers qui, selon un avis du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées (HCLPD), illustre la « stigmatisation grandissante » des populations roms en France. L’organisme, présidé par Xavier Emmanuelli, fondateur du SAMU social, préconise à Manuel Valls, premier ministre, la fin des évacuations et un plan de lutte contre les préjugés à l’intention, notamment, des élus locaux et des responsables politiques.

VOLET RÉPRESSIF APPLIQUÉ À LA LETTRE

L’évacuation des campements illicites est un problème récurrent. Pour fixer les règles d’encadrement de ces opérations, une circulaire a été publiée le 26 août 2012. Selon l’avis de la HCLPD, le volet répressif de la circulaire est « appliqué à la lettre », mais le volet « insertion » est « rarement respecté, ou de manière insuffisante ».

Le nombre de personnes qui vivent dans des campements illégaux en France est estimé à moins de 20 000. Pourtant, les services de l’Etat sont « défaillants » pour mettre en place « un dispositif d’accompagnement des familles ». Les solutions de relogement sont insuffisantes : la durée d’accueil est de deux à trois jours. Il est souvent proposé de séparer les familles. « Les lieux d’accueil peuvent être situés loin des sites de campements et des lieux de scolarisation des enfants », note le Haut comité.

La circulaire du 26 août enjoint pourtant « les services préfectoraux à anticiper les mesures d’évacuation en évaluant dès l’installation du campement et le plus en amont possible, la situation et les besoins des occupants. Ces services sont chargés de trouver des solutions alternatives de logement, d’assurer un accompagnement en matière d’hébergement, de scolarisation, de suivi médical, d’insertion professionnelle... » Mais l’intégration des Roms dans l’hexagone est « en échec » alarme René Dutrey, secrétaire général du HCLPD.

HAUSSE DU NOMBRE D’ÉVACUATIONS

Le nombre de personnes évacuées de force d’un logement de fortune a doublé entre 2012 et 2013, passant de 10 469 à 21 537. « Mais chaque évacuation qui n’est pas accompagnée de solutions pérennes détruit les efforts réalisés localement pour sédentariser les familles, scolariser les enfants, apporter un suivi médical. Parallèlement, les adultes sans adresse ni papiers sont dans l’impossibilité de trouver un emploi, la seule issue vers l’intégration », explique René Dutrey.

La politique française vis-à-vis des Roms a plusieurs fois été pointée par l’administration européenne. Paris a été rappelé à l’ordre par le Comité européen des droits sociaux : «  Une décision du 11 septembre 2012 a notamment considéré qu’en incitant les occupants d’un terrain à le quitter puis en les expulsant sans leur proposer de solutions pérennes de relogement approprié, les autorités françaises avaient violé le principe de non-discrimination et de droit au logement » En effet, l’Union européenne « contraint les états membres à mettre en œuvre une stratégie d’intégration des Roms sur leur territoire », rappelle le Haut comité.

INSTRUMENTALISATION POLITIQUE

La question n’est pas seulement celle des moyens financiers nécessaires à l’accompagnement des populations roms : seuls 31 % des fonds européens prévus jusqu’en 2009 et destinés à favoriser leur intégration ont été utilisés. L’absence de volonté politique apparaît comme la principale explication. « Certains élus locaux sont réticents voire s’opposent clairement à l’inscription administrative à l’école des enfants dans les campements afin de ne pas "stabiliser" les familles dans leur commune. Ils opposent alors à ces familles l’absence de domiciliation légale ou de vaccination des enfants. »

Enfin, l’avis dénonce « l’instrumentalisation politique de la situation des Roms ». « Les dernières élections municipales se sont distinguées par les multiples campagnes "antibidonvilles". Les nombreux dérapages verbaux de la part d’élus locaux et de responsables politiques participent de la stigmatisation des populations roms et légitiment les actes les plus violents.  »

Le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées a présenté trois propositions à Manuel Valls : l’arrêt des évacuations des personnes sans accompagnement social et solution d’hébergement ; l’assurance d’un accès à l’emploi et une valorisation des compétences des populations roms (ferraillage, construction, recyclage...) ; et enfin un plan de lutte contre les préjugés à l’intention des citoyens, des agents de l’Etat et des collectivités territoriales, des élus locaux et des responsables politiques.

Eric Nunès


Notes

[1Lire le reportage de Louise Fessard, publié sur Mediapart, le 1er mars 2014 : http://www.mediapart.fr/journal/fra....


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