jeudi 24 avril, nouvelle manifestation pacifique des lycéens à Toulon


article de la rubrique démocratie > mouvement lycéen du printemps 2008
date de publication : samedi 26 avril 2008
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L’interpellation dans la nuit de mardi à mercredi de deux d’entre eux qui avaient tenté de bloquer l’accès au lycée Beaussier n’a pas empêché la nouvelle mobilisation : les lycéens étaient près de deux fois plus nombreux que mardi pour manifester à Toulon. Tout s’est déroulé dans le calme.


Partis de la place de la Liberté vers 10 h 30, quelque 3 000 lycéens ont manifesté hier à Toulon sous deux mots d’ordre : non aux suppressions de postes, oui à la démocratie. (Photo Patrick Blanchard)

« On ne nous fera pas taire »

par Catherine H. Blanchard, Var-Matin le 25 avril 2008

De nouveau rassemblés, hier dans les rues de Toulon, près de 3 000 lycéens en colère ont voulu prouver qu’ils étaient « responsables ».

« On est jeune, mais on est responsable. Des lycéens qui passent la nuit au poste, ce n’est pas normal. On a le droit de s’exprimer. On ne se laissera pas faire. On ne nous fera pas taire », criait Manon, hier, au micro de la sono prêtée par la CGT. La manifestation lycéenne de Toulon a frôlé le carton plein. Avec 3 000 participants et une tenue de route exemplaire, les jeunes parlaient évidemment de succès.

« Il y a beaucoup plus de monde que la dernière fois [mardi]. C’est ce qu’on voulait. On avait peur que certains se découragent avec les récentes interpellations, mais finalement, ça a fait l’effet inverse  », s’est réjouie Manon.

Défendre l’éducation et la liberté

Toute menue, mais déterminée, la jeune élève de Beaussier, représentant l’UNL, a tenu, tout au long du défilé, un discours réfléchi et mesuré, axé à la fois sur les suppressions de postes d’enseignants, et sur la défense des libertés.

Dans une première prise de parole, avant le départ du cortège, le ton était déjà donné : « Encore hier matin, des lycéens de Beaussier se sont retrouvés en garde à vue pendant 14 heures dans des conditions déplorables. Nous dénonçons des pressions policières grandissantes », insistait l’un des porte-paroles du mouvement.

Les postiers « solidaires »

Malgré plusieurs tentatives de débordement par deux ou trois individus, les lycéens sont restés imperturbables : « On n’est pas là pour mettre le "ouaille". Montrons à ce gouvernement que nous sommes des gens responsables.  »

Plusieurs enseignants grévistes assuraient le service d’ordre sous la bannière CGT, accompagnés de responsables de l’union départementale du syndicat. Alain Bolla soulignait la présence des postiers, eux aussi en grève hier : «  Ils ne sont pas là pour vous voler la une, mais pour être solidaires.  » Le représentant CGT a également évoqué le courrier de mise en garde en provenance de la préfecture : «  C’est pour ça qu’on a décidé de mettre nos chasubles à l’endroit. On veut montrer que, non seulement on ne lâchera pas les jeunes, mais on ne lâchera pas le combat pour la liberté.  »

Chemin faisant, les lycéens étaient encouragés par les passants, sans doute moins par les automobilistes bloqués dans les embouteillages. Ces derniers vont devoir s’y faire. Le combat n’est pas terminé. A la fin de la manifestation, Julie (UNL) annonçait au micro le rendez-vous du mardi 29. Les lycéens seront de nouveau dans la rue derrière leur grande banderole : «  Arrêtez de piétiner notre éducation.  »

Catherine H. Blanchard

Le recteur appelle les jeunes à la raison et au travail

par Véronique Mars, Var-Matin le 25 avril 2008

Face aux manifestations lycéennes qui touchent le Var et les Alpes-maritimes, le recteur de l’académie, Jean-Claude Hardouin, est sorti hier matin, de sa réserve. Le ton grave, il a appelé les élèves à la raison et au « travail » à l’heure où le bac se profile à l’horizon.

« Je ne veux pas de querelle de chiffres, lance-t-il en préambule. Mais j’ai entendu des rumeurs les plus folles. Non, aucun prof n’est licencié, comme il n’y aura jamais 45 élèves par classe. Je peux vous assurer que l’offre de formations, a la rentrée prochaine, sera maintenue et enrichie.Parce que nous en avons les moyens ! »

Des suppressions de postes ? « Oui, il y en a. 79 dans les collèges et lycées de l’académie de Nice pour 928 élèves de moins. Soit une diminution des moyens de 0,6 % qui colle exactement à la baisse des effectifs scolaires, ajoute le recteur. Ni le nombre d’heures de cours, ni le nombre d’élèves par classe ne changeront à la rentrée prochaine. Seule est modifiée l’affectation des services avec la transformation de 106 postes enseignants en heures supplémentaires. »

Mais voilà. De ces heures sup, même défiscalisées et payées 25 % en plus, les enseignants, selon le Snes, n’en veulent pas. Comment,
dès lors, assurer les cours normalement ? «  Je suis serein. Nous avons des marges de manoeuvre. Dans l’académie, un prof sur deux effectue, en moyenne, moins d’une heure sup par semaine. Ces aménagements représentent pour chaque prof, vingt minutes de travail en plus. C’est tout. »

Nouveautés à la rentrée

Pour le recteur, le fond du problème n’est pas dans cette bataille de chiffres. Mais dans l’inquiétude exprimée par les jeunes sur leur devenir « lls ont besoin d’être aidés. Et nous allons le faire dès la rentrée.  » Et d’annoncer dans les lycées la mise en place d’accompagnement personnalisé des élèves, la création de 30 sections européennes, sept sections sportives, de cours de chinois, la généralisation d’option MPI (mesure physique informatique) « pour donner le goût des sciences », la présence d’un référent universitaire par lycée, l’orientation scolaire renforcée pour motiver plus d’élèves à intégrer les IUT, BTS et classes préparatoires.

L’objectif ? Amener le plus grand nombre de jeunes, une fois le bac en poche, à réussir leurs études supérieures.

Michel Vauzelle rencontre des lycéens de Beaussier :
« lls se battent pour la qualité de l’enseignement »

[Var-Matin, le 23 avril 2008]

Profitant de la visite du président de la Région, Lucas et Thomas élèves au lycée Beaussier, ont tenu à venir lui faire part de leurs craintes de sanctions disciplinaires en direction des élèves grévistes.

Dépourvu de moyens d’action en la matière, Michel Vauzelle a tout de même rendu hommage à leur mouvement : «  face à la déstructuration de la famille, au chômage etc. il est de plus en plus difficile d’être un ado et ce n’est certainement par le moment de réduire le nombre d’enseignants, d’éducateurs dans les établissements scolaires, expliquait Michel Vauzelle, stigmatisant les décisions de l’actuel gouvernement [...] Tant que l’éducation en France sera nationale, on ne peut accepter que les moyens soient réduits dans des quartiers sensibles alors que ce n’est pas le cas des quartiers riches.  »

Dans la nuit de mardi à mercredi, deux élèves seynois ont été interpellés

par Laurence Artaud et G. St V., La Marseillaise, le 24 avril 2008

Placés près de 12 heures en garde à vue.

Plus mobilisés que jamais pour empêcher les suppressions de postes d’enseignants et lutter contre la dégradation de leurs conditions de scolarisation, les lycéens seynois ne sont pas prêts de voir retomber leur colère. Celle-ci étant à présent attisée par l’interpellation, par la brigade anticriminalité, à 3 heures, mercredi matin, devant le lycée Beaussier, de deux de leurs camarades. L’un est un élève de l’établissement, l’autre est scolarisé à Langevin.

«  Nous avions prévu de mener une action symbolique. Mais la police effectuait des rondes de nuit  », rapporte Manon.

Surenchère policière

« Une bande de plâtre de cinquante centimètres sur dix a été posée au pied du portail afin de retarder l’entrée des professeurs et gagner du temps pour, la tenue d’une assemblée générale  », poursuit Thomas, représentant de l’UNL. Le lendemain, «  tout a pu être enlevé. Aucune dégradation n’a été commise  », souligne-t-il. En effet, trop liquide, le plâtre n’a pas eu le temps de prendre.

Depuis lundi, les lycéens disent observer une intensification de la présence policière. Selon Manon, «  la pression est hallucinante  ».
Une pression qui est donc montée d’un cran hier matin, avec le placement en garde à vue, au commissariat de La Seyne, de Maël et Christopher.

Leurs parents, prévenus à 4h00, sont arrivés sur place vers 9h00, comme l’a préconisé la police. Vers 12h30, il leur a été annoncé que leurs enfants ne sortiraient du commissariat qu’a 14h00, après décision du Parquet.

Durant cette longue attente, la mère de Maël, également enseignante, déclare soutenir « à 100 pour 100 » le mouvement des lycéens. Elle estime que «  c’est très bien que ces jeunes se défendent  ». En même temps, elle s’insurge : «  Je suis scandalisée, cette arrestation est ahurissante. Ils n’ont pas fait quelque chose de grave, ils n’ont rien détérioré !  »

Le père de Christopher est du même avis, « une garde à vue pour un petit délit comme ça  » lui semble évidemment excessif. Il en conclut que les policiers « en ont choppés deux pour faire un exemple et faire peur aux autres ».

Une comparution « incompréhensible »

La maman de Maël s’inquiète : « C’est traumatisant pour des jeunes de 17 ans. De plus, les deux garçons ont été séparés et placés dans des cellules différentes  ». Les deux jeunes sortiront effectivement de cette aventure très impressionnés.
Maël et Christopher ont été poursuivis par le parquet, parce que pris en flagrant délit par la police. En revanche, leur proviseur a de son côté porté plainte pour dégradation de matériel, sans nommer aucun élève.

A 14h00, les deux interpellés sont conduits, menottes aux poignets, en fourgon, au tribunal pour enfants de Toulon, pour une comparution immédiate. Sur place, des camarades et professeurs les attendent. L’émotion est vive quand les deux mineurs arrivent. «  Enlevez-lui les menottes, c’est mon fils ! », crie la mère de Maël. Les représentants de l’UNL varoise, de la CGT et de Sud sont là aussi. Ainsi que des parents d’élèves. Parmi eux une mère qui juge la procédure «  inadmissible  ». Pour elle, « alors que des délits graves restent impunis », cette comparution, «  pour une peccadille » est «  incompréhensible  ».

Mesure de réparation décidée par le procureur

Résultat des courses, après 3 heures d’attente, Maël et Christopher n’écoperont d’aucune condamnation. Le substitut du procureur a
décidé de leur donner une mesure de réparation de trois jours à effectuer dans les six mois. La mesure sera mise en place par le service éducatif auprès du tribunal, dans un délai rapide, et dans une association ou une collectivité. En attendant Maël et Christopher devraient recevoir une convocation pour passer devant le juge pour enfants, sans doute pour un simple rappel à la loi.

Les professeurs du lycée Beaussier se sont, pour leur part, montrés solidaires dès le matin, en décidant d’entamer un mouvement de grève aujourd’hui. Ils souhaitent « mettre la pression  » afin que les élèves ne soient pas inquiétés, justifie Sébastien Dalmasso, professeur représentant du SNES. « Nous ne pouvons pas laisser les jeunes seuls responsables  ».

On peut à présent se demander si l’arrestation de Maël et Christopher ne va pas mettre de l’huile sur le feu. Le sentiment d’injustice éprouvé par les lycéens s’en trouvant encore exacerbé.

Quant à nos deux jeunes, ils ont bien l’intention de participer ce matin, à la grande manifestation organisée à Toulon.

Laurence Artaud et G. St V.

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