Après la modification de la classification du film "Martyrs" de Pascal Laugier, dont il se félicite, l’Observatoire de la liberté de création de la LDH demande qu’une réflexion soit engagée sur les règles de classification des films et la censure au cinéma.
Communiqué de l’Observatoire de la liberté de création
Paris, le 3 juillet 2008L’Observatoire de la liberté de création demande que soit repensée la censure au cinéma
L’Observatoire de la liberté de création de la LDH se félicite de la décision de la ministre de la Culture d’accorder au film de Pascal Laugier « Martyrs » un visa d’exploitation assorti d’une interdiction aux moins de seize ans avec avertissement et non d’une interdiction aux mineurs de moins de dix-huit ans, comme cela avait été un temps envisagé.
L’interdiction d’un film aux mineurs de moins de 18 ans constitue en effet une censure économique de fait, puisque de nombreuses salles de cinéma refusent de le programmer, que sa vente en DVD est soumise à des règles d’affichage et d’exposition qui en rendent l’exploitation confidentielle, et que sa diffusion en télévision est interdite, sauf sur les chaînes cryptées et dans les mêmes conditions que les films pornographiques.
L’Observatoire souhaite par ailleurs que cette décision constitue un coup d’arrêt à la banalisation de l’interdiction aux moins de 18 ans, à l’origine réservée à des cas exceptionnels et qui s’est peu à peu étendue à des films de genre comme « Saw III » et à des films de répertoire comme « Quand l’embryon part braconner », dont le visa fait d’ailleurs l’objet d’un recours en Conseil d’État.
L’Observatoire demande, aux côtés des organisations professionnelles, qu’une réflexion soit engagée dans les meilleurs délais pour encadrer les mesures de restriction à la diffusion des films, seul type d’œuvres à faire l’objet d’un contrôle a priori, et plus particulièrement sur l’interdiction aux moins de 18 ans.
Sont membres de l’Observatoire de la liberté de création de la Ligue des droits de l’Homme :
Aica France
FRAAP, Fédération des Réseaux et Associations des Artistes Plasticiens
Groupe 25 Images
Société des Gens de Lettres (SGDL)
UGS
Communiqué de l’Observatoire de la liberté de création
Paris, le 11 juin 2008« Martyrs » : l’Observatoire de la liberté de création réclame la réforme des règles de classification des films
L’Observatoire de la liberté de création demande à madame la ministre de la Culture de ne pas interdire le film de Laurent Laugier « Martyrs » aux moins de 18 ans.
Depuis sa restauration en 2001, destinée initialement à permettre à des films contenant des scènes jugées pornographiques de ne pas faire l’objet d’un classement X correspondant à une interdiction de diffusion de fait, l’interdiction aux moins de 18 ans, qui devait revêtir un caractère exceptionnel, s’est progressivement banalisée.
Elle a été étendue à pratiquement tout film contenant des scènes de sexe, puis à des films de genre grand public (« Saw III »), à des films de répertoire (« Quand l’embryon part braconner »), et maintenant avec « Martyrs » à des films de genre français au contenu ambitieux.
La mesure d’interdiction aux moins de 18 ans, qui devait revêtir un caractère exceptionnel et répondre à des cas très particuliers, constitue désormais un palier supplémentaire dans la restriction à la diffusion des films.
Elle se double d’une censure économique, puisque certains circuits cinématographiques refusent désormais la projection des œuvres interdites aux mineurs sur leurs écrans, et que la diffusion de ces films en télévision n’est possible que sur des chaînes cryptées, et uniquement entre minuit et cinq heures du matin.
L’Observatoire de la liberté de création de la Ligue des droits de l’Homme demande donc à la ministre de la Culture et de la Communication de ne pas suivre l’avis de la Commission de classification des films.
Elle lui demande également de revenir sur les mesures qui ont permis cette dérive et cette banalisation de l’interdiction des films aux mineurs de moins de 18 ans en rétablissant l’exigence d’une majorité qualifiée des deux tiers pour les avis de la Commission.
Pour la première fois depuis le rétablissement des films interdits aux moins de 18 ans, un film d’horreur français, Martyrs, de Pascal Laugier, a été interdit aux mineurs par la Commission de classification des films. Cette décision, prise le 30 mai, à 13 voix contre 12, est encore soumise à l’approbation de Christine Albanel, ministre de la culture. Traditionnellement, le ministre suit l’avis de la commission. Elle doit trancher cette semaine.
Le distributeur, Wild Bunch, a annoncé la suspension sine die de la sortie de ce film, prévue au départ le 18 juin. Richard Grandpierre, le producteur et directeur d’Eskwad, s’attendait à ce que Martyrs soit interdit aux moins de 16 ans. La confirmation d’une décision plus sévère s’apparenterait selon lui à "une sanction économique", puisque, au lieu d’une centaine de copies prévues, le film ne pourrait être distribué que dans cinq salles. Les télévisions, Canal+ en tête, ne l’achèteront sans doute pas. C’est pourtant la chaîne cryptée qui a souhaité relancer ce type de film de genre, made in France.
"De façon hypocrite, Martyrs, qui a fait du bruit au marché du dernier Festival de Cannes et a déjà été prévendu dans plus d’une trentaine de pays, pourra être librement acheté en DVD en France six mois après sa sortie en salles et d’ici là, sera abondamment piraté sur e-Mule", déplore le producteur.
Aucune marge de manoeuvre
M. Grandpierre confirme que l’histoire du film est "dure", proche "d’un fait divers à la Fourniret". Une longue scène de torture n’est pas sans rappeler le supplice de Marsyas, le faune condamné à être écorché vif, peint par Titien. "Il n’y a ni zombie ni truc monstrueux", rétorque le producteur. Le film n’est pas pire à ses yeux que La Passion du Christ, de Mel Gibson, ou Funny Games, de Michael Haneke, tous deux interdits aux moins de 16 ans.
Cette décision de la Commission de classification a provoqué un tollé dans le milieu du cinéma, chez les distributeurs indépendants, les producteurs et les critiques de cinéma. Selon la Société des réalisateurs de films (SRF), la composition de cette commission ne laisse aucune marge de manoeuvre aux professionnels du cinéma. Ils n’ont que neuf sièges sur vingt-huit - les autres étant attribués à des représentants des familles, du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de plusieurs ministères. "En cas de litige, nous ne pouvons nous en remettre qu’au ministère de la culture", explique le représentant de la SRF, Hervé Bérard. "On assiste à une dérive de l’utilisation de l’interdiction aux moins de 18 ans", dit-il.
Cette mesure avait été créée en 2001 pour combler une lacune du règlement pour les films qui contiennent des scènes pornographiques. Un moyen de ne pas classer X Baise-moi, de Virginie Despentes, et lui permettre d’être vu dans les salles d’art et essai.
Depuis 2006, le film d’horreur américain Saw 3 et le classique japonais des années 1960, Quand l’embryon part braconner, ont été interdits aux mineurs.
Une manifestation "contre cette censure" est prévue vendredi 13 juin après-midi, rue de Valois.