et s’il ne restait plus personne pour protester ?


article de la rubrique démocratie > le blog de Mavida
date de publication : mercredi 19 juin 2013
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Protester ! S’indigner !
Protester par la parole et aussi s’il le faut par le silence !
Sinon ?
Un jour, il ne restera plus personne pour protester !


Après l’assassinat de Clément Méric, un ami m’a envoyé ce texte qu’on a parfois attribué à Bertold Brecht mais qui en réalité est du Pasteur Martin Niemöller survivant des camps de concentration. Je connaissais le texte depuis longtemps. Mais tout à coup il a éclaté devant mes yeux.

Quand ils sont venus chercher les communistes,
je n’ai rien dit.
je n’étais pas communiste

Quand ils sont venus chercher les syndicalistes,
je n’ai rien dit.
je n’étais pas syndicaliste

Quand ils sont venus chercher les juifs,
je n’ai rien dit.
je n’étais pas juif

Quand ils sont venus chercher les catholiques,
je n’ai rien dit.
je n’étais pas catholique

Et, puis ils sont venus me chercher.
Et il ne restait plus personne pour protester.

Oui ! si nous ne protestons pas sans cesse, chaque jour, il arrivera à d’autres jeunes gens ce qui est arrivé à Clément Méric, lorsqu’ils croiseront sur leur chemin les « sections d’assaut » des fascistes d’aujourd’hui.
Il faut que « l’insurrection des consciences », appelée de leurs voeux par Edgar Morin et Stéphane Hessel, se réveille. Il y a eu le Siècle des Lumières qui a inspiré la Révolution française. Il y a eu le programme du Conseil national de la Résistance [1] qui permit la Libération et la mise en place d’une politique sociale ambitieuse.
Mai 68 ? Le feu fut rapidement éteint. Puis peu à peu, la pensée s’est amollie, affaiblie. Elle est devenue atone. On a subi, on continue de subir les manquements des uns et des autres.

Aujourd’hui, où en est-on arrivé ?
Une domination sans partage du monde par les financiers et l’argent, les bourses et les marchés, et une servilité des politiques, érigée en fatalité. Ils appellent cela la crise. J’ai toujours entendu parler de crise !
Que devient la valeur humaine dans tout cela ?
Négligée, dévalorisée, dépréciée, sans plus de valeur qu’un objet. Des exemples, en France : les expulsions d’étrangers sans papiers, les licenciements non justifiés, abusifs créant un taux de chômage record, le refus d’une reconnaissance du droit de vote des étrangers résidents, etc, etc
Que voit-on ?
Une royauté républicaine faussement démocratique.

En Europe, un gouvernement (une « commission ») qui agit sans en référer aux différents peuples qu’elle représente. Une « commission » qui se permet, alors qu’elle n’en a pas mandat, de donner des avis sur la gouvernance de différents pays européens. Cette attitude correspond bien aux injonctions de l’ultra-libéralisme que l’on n’hésite pas à qualifier de modernisme.

Que faisons-nous ? De molles protestations, alors que nous devrions à tout moment faire entendre nos voix. Lorsque Paul Éluard écrivait sur les murs « Liberté », il parlait de toutes les libertés.

Pourtant des voix s’élèvent, ailleurs que chez nous. Partout dans le monde !
Écoutez, regardez, en Turquie, une comédienne, Serra Yilmaz, une protestataire d’aujourd’hui, lance : « On vivait dans un pays de moutons. Là, on a tué la peur, comme dans Macbeth. » Et cette conseillère artistique du Théâtre
national grec, Efie Theodorou : « Nous sommes entrés en résistance ! »
Lisez ce qu’ont écrit les avocats tunisiens : « Nous vivons une période historique pour les Tunisiens, qui habitués au silence, à la peur et au conformisme depuis des décennies prennent enfin leur destin en main. […] La dernière fois que le peuple s’est soulevé massivement et spontanément sans être motivé par des raisons religieuses ou pour soutenir les Palestiniens ou les Irakiens… c’était sous Bourguiba, les bien fameuses révoltes du pain. [2] »
Bien sûr la réaction religieuse veut comme toujours reprendre le dessus, s’approprier le pouvoir perdu depuis longtemps. En France aussi, nous avons nos ultras religieux…

Mais les protestations et la lutte continuent. Voyez le Brésil.

Alors, la France ?
Regardez autour de vous. Vous verrez bien que la force de la parole protestataire existe. Il faut protester, s’indigner chaque fois qu’il y a violation de la liberté, de la volonté populaire, du respect du citoyen et de la dignité humaine.

Protester ! S’indigner !
Protester par la parole et aussi s’il le faut par le silence !
Sinon ?
Un jour, il ne restera plus personne pour protester !

Michel Mavida


Notes

[2En janvier 1984, le gouvernement tunisien augmente les prix des denrées alimentaires de première nécessité, entre autres le pain ! Les classes défavorisées ont laissé éclater leur colère et se sont révoltées. La révolte du pain ! Les images de ces jeunes qui cassaient des vitrines, brûlaient des voitures (en fait qui détruisaient des richesses auxquelles ils n’avaient pas accès) ont fait le tour du monde. Le gouvernement a fait intervenir l’armée nationale qui a tiré sur les civils tunisiens et il y aurait eu plusieurs dizaines de tués. Bourguiba, vieux et malade décide de tout annuler.


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