des Toulonnais disent NON


article de la rubrique démocratie > terrorisme : 13 novembre
date de publication : dimanche 31 janvier 2016
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Samedi 30 janvier 2016, la Ligue des droits de l’Homme, de nombreuses associations et organisations syndicales appelaient à manifester dans toute la France pour dire NON à la prorogation de l’état d’urgence, et à l’inscription de la déchéance de nationalité dans la Constitution.

Plus d’une centaine de Toulonnais, se sont retrouvés, en fin de matinée sur la place de la Liberté, pour dire NON. Vous trouverez ci-dessous un texte écrit par la présidente de la section de Toulon de la LDH, suivi d’un article qui expose brièvement quelques uns des méfaits de l’état d’urgence.


Nous ne céderons pas

L’assassinat de plus de 120 personnes à Paris dans la nuit du 13 au 14 novembre 2015 restera comme un des pires outrages infligé aux habitants de ce pays. Ces actes ont provoqué horreur et révolte. Aussi, c’est d’abord aux victimes et à leurs familles que nous avons pensé, en toute solidarité et avec émotion.

Notre démocratie a le droit et le devoir de se défendre et l’adoption de mesures exceptionnelles peut répondre à l’urgence du moment. Toutefois, François Hollande a confirmé le 22 janvier, qu’il souhaitait prolonger l’état d’urgence, qui doit arriver à échéance le 26 février, de trois mois. Qu’est-ce qui motiverait cette décision ? Rien !

De nombreuses voix se sont élévées contre ce projet. Ainsi, les rapporteurs de l’ONU ont appelé les autorités françaises à ne pas prolonger l’état d’urgence au-delà du 26 février en soulignant à la fois, le manque de clarté des dispositions portant sur les mesures d’assignation à résidence ainsi que le flou entourant les procédures de perquisition. Ils ont également exprimé leur « préoccupation concernant les dispositions permettant la dissolution d’organisations ou associations, sans procédure de contrôle judiciaire », mais également les mesures ayant traits au blocage des sites Internet. Ils concluent en invitant la France à réviser ces dispositions et possibles réformes, afin d’assurer leur conformité au regard du droit international des droits de l’homme. De même, Le Défenseur des droits s’exprimait récemment contre la prorogation de l’état d’urgence : « A la fois par les réclamations que je reçois, et par le travail qui est fait par l’Assemblée nationale et le Sénat, il y a un certain nombre de dérives, ou plutôt d’approximations ». Il a qualifié l’inscription de l’état d’urgence dans la Constitution comme « grosse de danger » pour les libertés fondamentales.

Ainsi, notre démocratie ne doit pas nous amener à renoncer à l’Etat de droit, à admettre des décisions arbitraires, des dérives autoritaires ou des surenchères dans l’atteinte aux libertés publiques et à notre volonté de vivre ensemble.
Hier encore, le gouvernement présentait un nouveau texte pour inscrire la déchéance de la nationalité dans la constitution. Dans ce texte, proposé à la commission des lois sur la révision constitutionnelle de l’Assemblée nationale, il n’y aurait plus aucune référence à la binationalité mais une procédure de déchéance pour « des infractions d’un niveau de gravité très élevé (Les crimes certes, mais sans doute aussi les délits les plus graves, tels que l’association de malfaiteurs à caractère terroriste, le financement direct du terrorisme ou l’entreprise terroriste individuels, tous punis d’une peine de dix ans d’emprisonnement) ». Ci-dessous, le texte proposé :

« La loi fixe les conditions dans lesquelles une personne peut-être déchue de la nationalité française ou des droits attachés à celle-ci lorsqu’elle est condamnée pour un crime ou un délit constituant une atteinte grave à la vie de la Nation ».

Ce projet de loi semble méconnaître à la fois, le code pénal (qui dispose de nombre de lois pour lutter contre le terrorisme), et le code civil (qui en son article 25 prévoit déjà la déchéance de la nationalité) ; il ne résout pas la question de l’apatridie ; un français déchu de sa nationalité, deviendrait quoi ? Un martien ??

Nous savons que le rôle des forces de l’ordre et de la justice est essentiel pour protéger nos libertés. Mais cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir aux réponses que notre société doit apporter à ces actes et à celles déjà mises en œuvre.

Nous refusons que la démocratie soit mise à mal, nous voulons que les dramatiques événements que notre pays a connus, soient au contraire l’occasion de construire un autre chemin que celui qui nous est proposé, un chemin qui refuse de désigner des boucs émissaires, un chemin qui donne à la paix et à l’égalité des droits toute leur place.

AUSSI, NOUS NE CEDERONS PAS et s’il le faut, nous nous rassemblerons à nouveau pour dire NON à la prorogation de l’état d’urgence, NON à l’inscription de la déchéance de nationalité dans la constitution.

Refusons une société du contrôle généralisé [1]

L’État d’urgence conduit à des décisions arbitraires et des dérives autoritaires. Par nature, il est une atteinte aux libertés publiques puisqu’il permet des mesures exceptionnelles qui dérogent à l’État de droit. Depuis novembre 2015, plus de trois mille perquisitions sont intervenues. Concernant les interdictions de réunions, le gouvernement refuse de communiquer les chiffres.

Des mesures dérogatoires, au nom du « péril imminent » du terrorisme, permettent à l’État de faire perquisitionner chez vous à tout moment, au seul motif d’un « comportement suspect » ou d’un « risque de menace à l’ordre public ». Des mesures préventives (assignations à domicile, gardes à vue prolongées…) dont l’efficacité n’est pas démontrée, peuvent alors être prises sans aucun contrôle du juge judiciaire, ce dernier étant présenté comme un obstacle à « l’efficacité » contre le terrorisme. Or, il n’en est rien puisque le cadre légal actuel accorde déjà à la police des pouvoirs hautement dérogatoires dans les cas de menace terroriste.

Le renforcement du pouvoir de l’exécutif a conduit très vite à de multiples abus : comment justifier les perquisitions chez des maraîchers bio’ ou l’assignation à résidence et les 317 gardes à vue de manifestants écologistes sur les 529 effectuées ? Ou est la lutte contre le terrorisme ? Mettre fin à l’État d’urgence aboutirait de fait à faire tomber les assignations à domicile, et même si on nous explique que ce serait dangereux, que faire ? Les garder dans cette situation tant qu’il existera une menace terroriste ?

Il faut s’inquiéter des pouvoirs sans contrôle donnés à ceux qui peuvent arriver aux manettes de l’État. De nombreux dérapages, révélant un racisme anti-musulmans, ont été également constatés. Sur les 3 000 perquisitions effectuées, seules 4 enquêtes préliminaires pour terrorisme ont été ouvertes. Nous affirmons qu’il est nécessaire et possible que l’État protège les habitants face au terrorisme, sans remettre en cause les Droits et les Libertés. Le gouvernement a annoncé une possible extension de l’État d’urgence, alors même que Cinq rapporteurs de l’ONU en charge des Droits de l’Homme, ont recommandé à la France de ne pas le prolonger au-delà du 26 Février, sous le motif qu’il impose des « restrictions excessives et disproportionnées sur les libertés fondamentales ».

La Ligue des Droits de l’Homme a quant à elle saisi le Conseil d’État pour demander la suspension immédiate de la mesure. Elle affirme qu’autoriser le maintien perpétuel du régime exceptionnel au nom de la lutte contre le terrorisme revient à renoncer définitivement à l’État de Droit. Inscrire l’État d’urgence dans la Constitution, ce serait graver dans le marbre ce régime d’exception qui permet l’action des forces de sécurité sans contrôle du juge et enlève toute protection aux citoyens contre l’arbitraire du pouvoir. Cela touche au socle même de la démocratie en France.

Refusons une société du contrôle généralisé, une société qui glisse de la présomption d’innocence au présumé potentiellement coupable ! Ne donnons pas satisfaction aux terroristes qui recherchent justement à nous faire renoncer à notre vie démocratique !

jeudi 28 janvier 2016

Notes

[1Cet article a été publié le 28 janvier 2016 sur le site www.altermonde-sans-frontiere.com/ avec le titre « État d’urgence : doit-on renoncer définitivement à l’État de droit ? »


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