d’une récidive à l’autre


article de la rubrique Big Brother > psychiatrie
date de publication : vendredi 9 octobre 2009
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Trois faits divers odieux commis par des délinquants sexuels récidivistes [1] ont été suivis de séances d’exorcisme à grand spectacle de la part de Nicolas Sarkozy : le président reçoit la famille de la victime, et exige publiquement de nouvelles lois.

Avant de céder à une nouvelle pulsion législative, peut-être faudrait-il se demander pourquoi les lois précédentes n’ont pas empêché les nouveaux drames [2].

[Mise en ligne le 6 octobre 2009, complétée le 8]



Communiqué de presse

D’une récidive à l’autre

La récidive est décidément un mécanisme de pensée du pouvoir chez le
président de la République, tant dans la continuité de sa logique sécuritaire
de mise au pas de la psychiatrie et de l’éducation, que dans la récidive de
lois évènementielles.

Le meurtre récent par un délinquant sexuel, sans prise en charge
psychologique, lui donne l’occasion d’annoncer à nouveau « une véritable
réforme de la psychiatrie criminelle ».

Le président entend-il par là que la psychiatrie est « criminelle » de ne pas
régler le sort de la dangerosité sociale et criminologique ? Variante : la
psychiatrie devrait-elle s’occuper de tous les criminels ? S’y ajoute une vision
réductrice du traitement du psychisme humain par les médicaments qui
prend ici le nom chargé d’histoire totalitaire de la « castration chimique ».
C’est une nouvelle fois l’expression de sa politique de la peur par l’attaque
populiste adoubée d’une absence de sérieux scientifique.

Nous rappelons ici notre prise de position après son discours liberticide du 2
décembre 2008 à Antony (Le Monde, 12 décembre 2008). La psychiatrie est
un dispositif soignant avant toute préoccupation d’ordre public. Elle ne
saurait cautionner des « effets de menton » qui veulent rassurer ceux qui
sont victimes des politiques d’insécurité sociale. Son éthique ne peut que
reposer sur le soin respectant la dignité de la personne, sans traitement
« inhumain et dégradant » et dans l’orientation pour tous du meilleur soin
possible dans les limites des connaissances scientifiques.

Nous continuons de nous opposer à la « perpétuité sur ordonnance », comme
lors du vote de la loi de rétention de sûreté. Nous demeurons contre toute
justice d’élimination. Nous dénoncerons toute forme déguisée d’euthanasie.
Enfin toutes ces techniques chimiques buttent sur leur efficience relative et
sur la contrainte à une compliance permanente. D’autres techniques de
soins existent. Aucune ne peut garantir de résultat absolu.

Mais, la question de la dangerosité sociale et de la récidive ne se résume
aucunement en une question de santé mentale et de traitement
psychiatrique contraint. Nous refusons donc le leurre scientiste et la
démagogie populiste. Nous refusons la politique de la peur.

le 6 octobre 2009

Contact : contact@refus-peur.fr

P.-S.

Pour suivre l’actualité de la démagogie : la Chronique de l’humanité ordinaire de Serge Portelli.

Parmi les dernières nouvelles : la garde à vue de quatre jours en matière de viol

« Il faudrait non pas un blog mais un roman quotidien. Chaque jour amène son lot de mensonges, de bêtises ou d’ignominies. La seule terrible certitude est que demain sera pire qu’aujourd’hui. [...]

« Brice Hortefeux sur l’incitation de fins “limiers” de la police, veut porter la garde à vue en matière de viol de deux à quatre jours. La première réaction, comme d’habitude, est la sidération. La démagogie, à ce degré, rejoint l’esthétisme. Quand la politique atteint ce point de perversion nous sommes dans l’oeuvre d’art. Puiser au plus profond de la souffrance, du drame et de l’horreur pour détruire les libertés, tromper cyniquement l’opinion publique pour recueillir quelques voix de plus aux prochaines élections, permet d’atteindre une sorte de pathétique absurde.
[...] »

pour lire la suite

Notes

[1Le 2 juin 2005, Nelly Crémel, 39 ans, disparaît alors qu’elle fait son jogging à Rueil-en-Brie. Dix jours plus tard, ses deux assassins sont arrêtés ; l’un d’eux a été condamné, en 1990, à la prison à perpétuité pour un crime similaire et est en libération conditionnelle. Le 15 août 2007, le petit Enis, 5 ans, est violé, à Roubaix, par un pédophile récidiviste, condamné en 1989 à vingt-sept ans de réclusion pour un crime identique et libéré après avoir purgé ses dix-huit années de peine de sûreté. Le 28 septembre enfin, Marie-Christine Hodeau, 42 ans, est enlevée à Milly-le-Forêt et assassinée par un homme condamné en 2002 à onze ans de prison pour le viol d’une adolescente ; il bénéficiait d’une libération conditionnelle.

[2D’après Gérard Courtois, « L’exorciste de l’Elysée », Le Monde, 6 octobre 2009.


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