Leur objectif reste l’abrogation de la loi Veil de 1974 sur l’IVG (interruption volontaire de grossesse) [1].
Les faits
Le 21 janvier doit avoir lieu à Paris la 3e édition de la Marche pour la Vie. Lancée en 2005 à l’occasion des trente ans de la loi du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de grossesse (loi Veil), cette manifestation a rassemblé dans ses éditions précédentes quelques milliers de personnes (de mille à cinq mille selon les sources).
L’organisateur, le collectif « 30 ans, ça suffit ! », regroupe plusieurs associations et mouvements hostiles au droit à l’IVG, dont SOS Tout-Petits, Laissez-les-vivre, Choisir la Vie, Renaissance catholique, la Trêve de Dieu… Cette année, la manifestation est soutenue par plusieurs évêques, ainsi que par la Confédération nationale des associations familiales catholiques.
L’analyse
Les militants du « droit à la vie » ont su s’adapter aux exigences communicationnelles de l’époque et ont appris, comme d’autres, à organiser des « événements » afin de mieux diffuser leur message. L’ampleur de ces rassemblements reste modeste en France. Plusieurs manifestations sont cependant organisées chaque année. On compte ainsi deux Marches pour la Vie : celle du collectif « 30 ans ça suffit », qui a lieu autour du 17 janvier (date d’entrée en vigueur de la loi Veil) et qui en est à sa troisième édition, et celle de l’association Renaissance catholique, qui se déroule à l’automne, elle aussi à Paris, depuis une quinzaine d’années. Ces deux marches ne sont pas concurrentes puisque Renaissance catholique, association catholique d’extrême droite, fait également partie du collectif « 30 ans ça suffit ». S’ajoute à ces deux manifestations très militantes la Life Parade, plus printanière, voire estivale, qui vise à « promouvoir la culture de vie » et dont les thématiques sont un peu plus variées que la question du droit à l’IVG (handicap, sexualité, fin de vie, etc.). Ce type de manifestations s’inspire, comme en témoigne leur nom, de la March for Life états-unienne qui, chaque année depuis 1974, rassemble autour du 23 janvier
[2] à Washington des dizaines de milliers de personnes qui communient dans les valeurs pro-life. Les dernières éditions ont d’ailleurs eu droit au soutien du born-again christian George W. Bush.
On imagine difficilement en France un homme ou une femme politique de haut rang au pouvoir soutenir publiquement la Marche pour la Vie du 21 janvier. Même les responsables religieux catholiques restent relativement discrets sur la question, alors que la doctrine officielle de l’Église catholique, répétée à l’envi au Vatican, considère l’avortement comme un meurtre.
Soutiens prudents
Parmi les quatre-vingt-treize évêques que les organisateurs de la Marche pour la Vie affirment avoir contactés, seuls deux semblent avoir répondu positivement et soutiendraient l’initiative : Guy Bagnard (évêque de Belley-Ars) et Raymond Centène (Vannes). Deux personnalités différentes, mais connues pour leur conservatisme total en matière de mœurs. La commission Bioéthique et Vie humaine de l’évêché de Toulon, qui a récemment fait parler d’elle à l’occasion du Téléthon, a également apporté son soutien, avec l’accord de Dominique Rey, l’évêque du lieu. Autre soutien : le métropolite grec-orthodoxe de France, Adamakis Emmanuel.
Ce faible répondant de la hiérarchie catholique s’explique sans doute par la prudence des responsables ecclésiaux, soucieux de garder une image de rassembleurs et inquiets d’une possible instrumentalisation par les franges les plus droitières du catholicisme, particulièrement en cette période de pré-campagne électorale. Car si les organisateurs de la Marche pour la Vie s’affirment apolitiques, il faut bien constater qu’entre SOS Tout-Petits et Renaissance catholique, on ne nage pas dans le gauchisme le plus outrancier, même si d’autres organisations pro-vie présentes essaient d’éviter de ne pas trop politiser leur combat. Une position néanmoins difficile à tenir quand on défile à côté d’élus MNR et FN présents en nombre…
Arguments décalés
Le style argumentatif des « pro-vie » peut aussi inquiéter : culpabilisation des femmes ayant eu recours à l’IVG, stigmatisation des défenseurs de la loi Veil présentés comme de véritables génocidaires, mise en avant sans nuances des conséquences psychologiques de l’IVG, création et propagation de rumeurs pseudo-scientifiques – l’avortement provoque le cancer du sein ! –, refus de toute politique de contraception…
Trop politisé pour ne pas être immédiatement suspect, folklorisé par certaines de ses composantes ultra-catholiques et complètement décalé sur les questions de mœurs par rapport à la grande majorité de la population, le mouvement « pro-vie » français demeure donc marginal malgré son activisme et fait davantage office de bannière identitaire que de véritable mouvement d’opinion ou de lobby digne de ce nom, comme c’est le cas dans d’autres pays.
Dix associations anti-avortement rassemblaient leurs troupes jeudi 4 janvier.
Simone Veil dans l’hémicycle en 1974 (Sipa)
A l’approche de sa troisième marche nationale, le 21 janvier à Paris, le collectif "30 ans ça suffit", qui réunit dix associations anti-avortement, a battu jeudi 4 janvier le rappel de ses troupes dans l’espoir de peser sur le débat présidentiel et de contribuer au "réveil de l’opinion".
Cette manifestation, à laquelle se joignent pour la première fois les Associations familiales catholiques (AFC), se donne pour objectif de "réveiller une opinion qui n’est pas majoritairement hostile au respect de la vie mais qui s’est endormie en s’habituant à la situation de fait issue du bouleversement légal de valeurs fondamentales", résume le collectif dans un communiqué.
Pas de consigne de vote
Ce "réveil" pourrait ainsi "entraîner celui des hommes politiques car il faut que leur sagesse et leur courage soient aidés pour entreprendre des réformes significatives", poursuit le collectif qui cite notamment la sanction des "pressions" exercées sur les femmes enceintes et la revalorisation des allocations familiales. Pour autant, aucune consigne de vote n’est donnée.
"Notre rôle n’est pas de désigner un candidat mais de faire prendre conscience aux hommes politiques de nos revendications pour l’accueil de la vie", a expliqué lors d’une conférence de presse Paul Ginoux de Fermon, vice-président de l’association Choisir la vie et porte-parole du collectif.
Aide aux familles
Au-delà de la prévention contre l’IVG et le "refus de la vie", le collectif plaide pour un meilleur accueil de la vie, qui passe selon lui par des mesures d’aide aux familles. A commencer par des mesures économiques, comme celles prises par la chancelière allemande Angela Merkel pour favoriser la natalité (aides financières aux familles nombreuses et salaire parental) "Si l’Allemagne le fait, la France peut le faire", a souligné Patrick Bray, président de l’association Rivage. "Aucun candidat ne parle de la prise en compte du quotient familial dans l’attribution de la prime pour l’emploi", a regretté Pierre Vouters de l’association Laissez-les vivre.
Reconnaissance constitutionnelle
Si l’abrogation de la loi Veil de 1974 sur l’IVG reste à terme l’objectif du collectif et de son alliée, l’Union pour la vie (UPV), créée en 1993 à l’initiative de la député UMP Christine Boutin, aujourd’hui conseillère de Nicolas Sarkozy, les associations pro-vie attendent une reconnaissance constitutionnelle du droit à la vie.
"L’introduction dans la Constitution de l’interdiction de la peine de mort voulue par le président de la République doit être assortie de la reconnaissance formelle du droit à la vie de tout être humain dès le commencement de sa vie", revendique "30 ans ça suffit", qui attend de la présidentielle 2007 une "volonté réelle de changement". (AP)
[1] Voir également l’éditorial du 23 février, sur le site de Golias : Le diocèse de Fréjus-Toulon contre la loi Veil
[2] Date anniversaire de l’arrêt Roe vs Wade de la Cour suprême états-unienne qui a permis en 1973 la reconnaissance du droit à l’IVG.