alcool et drogues : circonstances aggravantes en cas de délit


article de la rubrique libertés > drogues
date de publication : mardi 12 septembre 2006
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L’arsenal répressif ("la prévention de la délinquance") gagne une nouvelle fois le terrain de la santé publique : toute une série de mesures annoncées par le ministre de la justice, Pascal Clément, vise à alourdir la pénalisation de comportements "déviants" comme la prise d’alcool ou de drogues.

Cette politique du "bâton" est dénoncée par le syndicat de la magistrature qui, comme la LDH, réclame la dépénalisation de l’usage de stupéfiants.


Pascal Clément veut durcir la loi

par Angélique Négroni, Le Figaro, 28 juillet 2006

Le ministre de la justice a annoncé hier une batterie de propositions destinées à faire chuter le nombre des toxicomanes et des usagers d’alcool en France. Pascal Clément compte étendre la « circonstance aggravante » de consommation de drogue ou d’alcool - aujourd’hui réservée aux seuls délits routiers - aux infractions de violence et de violences sexuelles. Autre nouveauté qu’il souhaite voir adopter : l’autorisation pour les forces de l’ordre de procéder à des contrôles d’usage de stupéfiants dans les entreprises de transports.

Présentées au cours d’une visite du ministre au service des injonctions thérapeutiques du tribunal de Paris, ces propositions seront débattues dès la rentrée prochaine. Elles seront soumises le 13 septembre aux sénateurs, à l’occasion de discussions portant sur le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.

Avec l’annonce de ces mesures, Pascal Clément révèle son intention de combattre la toxicomanie en France et de durcir le ton. « Cent mille interpellations ont lieu chaque année pour des infractions liées aux stupéfiants, dont 90% pour l’usage de cannabis. Seules 4 057 condamnations ont été prononcées par les tribunaux en 2004. La répression n’existe pas », a-t-il estimé lors d’une réunion rassemblant des professionnels du droit et de la santé, avant de revenir sur les mauvais chiffres de la France. Après avoir indiqué que la consommation de la cocaïne et de l’ecstasy augmentait « tout en se banalisant », il a rappelé que « la France est le premier pays européen pour la consommation de cannabis chez les mineurs ».

Stages de sensibilisation

Les autres propositions révélées hier visent à diversifier les réponses pénales et à les systématiser. Parmi elles, la possibilité pour un magistrat de sanctionner l’usager de drogue, notamment de lui infliger une amende, sans qu’il soit besoin de tenir une audience. Calqués sur le modèle de ce qui existe déjà en matière de sécurité routière, des stages de sensibilisation sur les dangers de la drogue - payés par l’auteur de l’infraction - pourraient également voir le jour. Enfin, autre mesure annoncée : le recours plus systématique à l’injonction thérapeutique et l’intervention de « médecins relais » chargés d’être en relation avec l’institution judiciaire, notamment le parquet.

Ces mesures ont d’ores et déjà été diversement appréciées. Les représentants des centres de soins spécialisés pour toxicomanes (CSST), en particulier, s’inquiètent du rôle dévolu aux médecins. « Nous sommes soucieux de préserver le secret médical », met en garde le psychiatre Claude Guionnet, chef adjoint du CSST Pierre-Nicole de la Croix-Rouge. À l’inverse, le projet qui ferait de la consommation d’alcool une circonstance aggravante a été favorablement accueilli. « Cette mesure donnera les moyens aux magistrats de faire davantage pression sur la personne pour qu’elle se soigne », explique un magistrat. Si elle est adoptée, cette circonstance aggravante entraînera en effet des condamnations plus lourdes.

Communiqué du syndicat de la magistrature (28 juillet 2006)

Luttes contre les conduites addictives :
La politique du bâton

En visite au service des injonctions thérapeutiques du tribunal de grande instance de Paris, le ministre de la justice a repris à son compte une série de dispositions aggravant la répression de la consommation d’alcool et de stupéfiants figurant dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance rédigé par son homologue de l’intérieur.

Il est notamment question de faire de la consommation d’alcool ou de stupéfiant une circonstance aggravante de certaines d’infractions de violences ou d’aggraver les peines encourues pour certains délits. Consommer des stupéfiants pendant le service pour une personne dépositaire de l’autorité publique ou de certains salariés d’entreprises de transport public serait sanctionnée de 5 ans d’emprisonnement au lieu d’un (outre les sanctions disciplinaires prévisibles). Provoquer à l’usage de stupéfiants aux abords d’un établissement scolaire serait puni de 10 ans d’emprisonnement (soit la peine maximale en matière de délit).

Le gouvernement fait ainsi le choix d’afficher une répression aussi excessive qu’inutile, particulièrement dans la mesure où les tribunaux tiennent régulièrement compte de l’usage d’alcool ou de stupéfiants lorsqu’il accompagne la commission d’une infraction, non pour atténuer la responsabilité qui en découle, mais souvent pour soumettre la personne poursuivie à des obligations de soins.

Surtout, il accentue encore une politique sans nuance de tolérance zéro en matière d’usage de stupéfiants, illustrée par sa circulaire du 8 avril 2005 préconisant une "réponse pénale systématique", notamment en ce qui concerne l’usage de cannabis [1].

Cette approche contaste avec la faiblesse des moyens de prévention déployées, notamment en direction des jeunes. Elle va de pair avec des pratiques de contrôles d’identité policiers accompagnés de fouilles corporelles à la légalité douteuse dirigées principalement vers les jeunes, qui participent au durcissement des relations entre police et jeunesse.

Le Syndicat de la magistrature rappelle qu’il préconise une dépénalisation de l’usage de stupéfiant et la dépénalisation ou la contraventionnalisation de certains actes liés à cet usage (détention, acquisition, cultures de faibles quantités de stupéfiants). Le traitement judiciaire ne doit pas constituer la voie normale de prise en compte du problème de santé publique que constituent les addictions.

Notes

[1Voir sur cette idée fixe, notre article Obsession anti-cannabique à la MILDT [Note LDH-Toulon]


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