affaires Marchiani : de fortes odeurs d’argent


article de la rubrique justice - police > Jean-Charles Marchiani
date de publication : lundi 27 décembre 2004
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D’après un dossier de Fabrice Lhomme, publié dans Le Monde daté du 25 décembre 2004, Jean_Charles Marchiani, en prison depuis le 2 août pour le versement litigieux de treize millions d’euros sur des comptes bancaires suisses, aurait mis en cause Jacques Chirac et Charles Pasqua. Tandis que ses affirmations sont contestées, l’ancien préfet du Var rappelle qu’il a « effectué des tas de missions en Afrique et au Moyen-Orient », et il distingue devant les magistrats « l’argent personnellement gagné » et « celui qui était mis à sa disposition le cadre de ses activités pour l’Etat ».


L’ancien agent des services secrets, qui fut successivement préfet du Var de 1995 à 1997, secrétaire général de la zone de défense de Paris (1997-1999) puis député européen (1999-2004), est incarcéré depuis le 2 août 2004 dans le quartier "VIP" de la maison d’arrêt de la Santé.
 [1]

Les raisons qui ont poussé le juge d’instruction Philippe Courroye à demander cette mise à l’écart d’un haut fonctionnaire portent sur une apparente confusion des genres qui en dit long sur le sentiment d’impunité dont Jean-Charles Marchiani a joui.

Mis en examen par le juge d’instruction Philippe Courroye, pour trafic d’influence dans trois dossiers, l’ancien préfet du Var, proche de Charles Pasqua, a gagné la maison d’arrêt de la Santé, à Paris, tout en proclamant, par un communiqué rédigé à l’avance, avoir « respecté la loi et la morale ».

On a appris, ce mercredi 4 août, que Jean-Charles Marchiani avait été nommé préfet hors-cadre lors du conseil des ministres du 26 juillet dernier - voici le décret de nomination. Cette nomination prend effet au 20 juillet, jour à partir duquel Jean-Charles Marchiani n’était officiellement plus député européen puisqu’il n’avait pas été réélu au scrutin du 13 juin - ce qui lui a fait perdre l’immunité dont il bénéficiait depuis 1999.

Fin de règne ?

[éditorial du Monde, le 4 août 2004]

Voilà près de deux décennies que les magistrats français conduisent une opération "Mains propres" qui évoque l’opération "Mani pulite" de leurs collègues italiens. Après les chefs d’entreprise, les hommes politiques et les élus de la République sont sommés de rendre des comptes. Et l’opinion publique assiste à ce spectacle presque immuable : des personnalités soupçonnées qui contestent, nient avec véhémence les faits qui leur sont reprochés et des juges qui cherchent à leur opposer des documents, des comptes bancaires. L’éternel conflit entre l’honneur des uns, le soupçon des autres.

Mais avec l’incarcération à Paris, lundi soir 2 août, de Jean-Charles Marchiani, 61 ans, homme de confiance de Charles Pasqua, deux fois ministre de l’intérieur (1986-1988 et 1993-1995), la justice vient de franchir une frontière invisible. Le seul CV de M. Marchiani le laisse entrevoir : ce corsaire courageux aura été successivement et pêle-mêle agent des services secrets, homme d’affaires, deus ex machina dans l’affaire des otages au Liban, intermédiaire, préfet du Var, militant politique et parlementaire européen, versant souverainiste. Au sommet de l’Etat et en eaux troubles, comme ces héros sulfureux des grands romans du XIXe siècle.

Pour lui, cette incarcération signifie un retour à la case prison puisqu’il a déjà été détenu quelques mois au milieu des années 1980. Pour ses amis, cet emprisonnement annonce le pire : un assaut général contre la Maison Pasqua, ce système politique et clientéliste issu du gaullisme, aujourd’hui à bout de souffle. Car derrière Jean-Charles Marchiani, il y a bien sûr toujours la silhouette de ce terrible M. Pasqua. Et après ceux de M. Marchiani viendront les ennuis judiciaires de l’ancien premier flic de France.

Avec lui, c’est tout un pan de l’histoire du mouvement gaulliste qui peut se retrouver exhumé, jugé. Inutile de revenir aux sources : la Résistance, la fondation du RPF, le premier mouvement du général de Gaulle dans la France de l’après-guerre, le retour au pouvoir en 1958 et la naissance de la Ve République. Charles Pasqua fut de toutes ces aventures. Telle est la part glorieuse du gaullisme. Parlons plutôt de sa part d’ombre : la formation du Service d’action civique (SAC), une milice de gros bras dissoute en 1982 après la tuerie d’Auriol, les réseaux Foccart, du nom de Jacques Foccart (1913-1997), grand baron gaulliste des affaires africaines et des affaires spéciales, et cette propension à confondre les caisses de l’Etat avec les siennes, à obtenir des dérogations et des marchés juteux en faisant fi de la concurrence.

C’était le temps des "copains et des coquins", dénoncé alors par les giscardiens. C’était l’invention d’un système appelé à perdurer sous d’autres formes avec le chiraquisme. Il n’est pas impossible que l’histoire retienne un jour la date du 2 août 2004 comme celle marquant la fin d’un cycle inscrit dans la longue durée : celui d’un gaullisme puis d’un néo-gaullisme prédateur. A cette nuance près que le principal bénéficiaire de ce système en sort indemne, durablement protégé par nos institutions : n’est-ce pas Jacques Chirac que le préfet Marchiani a longtemps servi en servant Charles Pasqua ?
]] durant au moins deux décennies.
La justice le soupçonne en effet d’avoir perçu de juteuses commissions en marge de plusieurs contrats.

Interrogé par le juge d’instruction le 17 décembre 2004 à propos du versement litigieux de treize millions d’euros sur des comptes bancaires suisses, l’ancien préfet aurait déclaré avoir monté de telles “structures financières” avec l’accord de Jacques Chirac, et de l’ancien ministre de l’Intérieur Charles Pasqua. Tandis que tous les « hauts fonctionnaires et hommes politiques » contestent ses affirmations, J.-C. Marchiani rappelle « qu’entre 1993 et 1995, [il a] effectué des tas de missions en Afrique et au Moyen-Orient. » L’ancien préfet a toujours contesté tout enrichissement personnel.

Jean-Charles Marchiani et Charles Pasqua en 1999 à Toulon (Sipa)

Ci-dessous le dossier de Fabrice Lhomme publié dans Le Monde du 25 décembre 2004.

1 - Jean-Charles Marchiani met en cause MM. Chirac et Pasqua

Soupçonné d’avoir perçu plusieurs millions d’euros de commissions occultes, l’ancien préfet a déclaré au juge Courroye que les sommes touchées en Suisse l’avaient été avec l’accord de MM. Pasqua et Chirac. Il évoque aussi des fonds "réels ou supposés" détenus à l’étranger par les deux hommes.

Incarcéré à la maison d’arrêt de la Santé depuis le 2 août, Jean-Charles Marchiani, soupçonné d’avoir bénéficié de plusieurs millions d’euros de commissions occultes, a tenté, au cours de ses dernières auditions, d’impliquer Jacques Chirac, et l’ancien ministre de l’intérieur Charles Pasqua.

Questionné le 17 décembre par le juge Philippe Courroye sur l’alimentation de ses comptes suisses, M. Marchiani, notamment mis en examen pour "abus de biens sociaux" et "trafic d’influence", a une nouvelle fois démenti tout enrichissement personnel et évoqué "un dispositif financier" mis en place en 1986 afin de mener des opérations confidentielles à l’étranger.

Agent des services secrets jusqu’en 1970, date de son éviction du Sdece (ancêtre de la direction générale de la sécurité extérieure, DGSE), M. Marchiani avait continué d’entretenir ses "réseaux", et joué un rôle majeur dans la libération, en 1987 et 1988, des otages du Liban.

Le 17 décembre, il a précisé au juge : "Les mouvements de tous ces comptes étaient surveillés par une cellule spéciale de la DGSE dont c’était la vocation. Cette cellule, dirigée par un magistrat financier, était chargée de surveiller les avoirs financiers réels ou supposés de personnalités de droite dont M. Jacques Chirac et Charles Pasqua." "Le chef de poste de la DGSE avait fait des tas de notes de renseignements concernant ces comptes qui me concernaient", a ajouté l’ancien préfet du Var, qui a livré à M. Courroye le nom du magistrat financier alors détaché à la DGSE.

Ce magistrat a assuré au Monde, jeudi 23 décembre, que les déclarations de M. Marchiani étaient "délirantes et absurdes". M. Pasqua était, lui, "injoignable" jeudi 23 décembre, tandis que l’Elysée indiquait que les déclarations du préfet étaient "sans fondement".

Sibylline mais lourde de sous-entendus, la petite phrase lâchée par M. Marchiani fait écho à une polémique apparue en 2002, quand l’Elysée avait accusé le premier ministre Lionel Jospin d’avoir demandé à la DGSE et à la DST d’enquêter sur d’éventuelles "relations financières" de M. Chirac au Liban et au Japon (Le Monde du 26 juin 2002). L’affaire avait provoqué, après la réélection de M. Chirac en 2002, le limogeage des deux directeurs des services de renseignement.

Le 1er septembre, au cours d’une audition par le juge Courroye, M. Marchiani avait déjà cité les noms de MM. Chirac et Pasqua, déclarant qu’ils étaient parfaitement au courant qu’entre 1986 et 1988 - M. Chirac était premier ministre et M. Pasqua ministre de l’intérieur -, il avait perçu des fonds à l’étranger.

Ces sommes, selon M. Marchiani, étaient destinées à financer des opérations de renseignement, notamment pour obtenir la libération des otages français du Liban. "Mon rôle à l’étranger a toujours été de vérifier, conformément aux instructions gouvernementales données par le premier ministre de l’époque, le ministre de l’intérieur et un certain nombre de fonctionnaires, que les fonds ne devaient pas venir de sociétés françaises", a-t-il assuré.

"INSTRUCTIONS" DE M. PASQUA

M. Marchiani a affirmé avoir perçu ces sommes en vertu "d’instructions" qui lui auraient "été données par Charles Pasqua" et par "le directeur de cabinet du premier ministre - Jacques Chirac -, Maurice Ulrich". Au juge qui lui faisait observer qu’il avait continué à percevoir des fonds "à partir de 1991, à une époque où MM. Pasqua et Ulrich n’exerçaient aucune fonction gouvernementale", M. Marchiani a répondu : "M. Chirac m’a demandé le samedi qui a précédé l’élection présidentielle, le 6 ou 7 mai 1988, de continuer à m’occuper de ces questions et à faire fonctionner les réseaux."

Interrogé par Le Monde, l’avocat de M. Marchiani, Me Jacques Trémolet de Villers, a contesté que son client ait "la volonté de mettre en cause MM. Chirac et Pasqua". Assurant que M. Chirac avait bien demandé à son client, "le 7 mai 1988, en présence de M. Pasqua, de maintenir le dispositif financier mis en place en 1986", Me Trémolet de Villers confirme toutefois que M. Marchiani a décidé d’en dire plus qu’il ne l’avait fait jusque-là. "Mon client commence tout simplement à en avoir assez. Il estime que si l’exécutif ne prend pas ses responsabilités, il va être contraint de dire des choses qui devaient rester confidentielles. Et tant pis si cela met dans l’embarras des personnalités politiques", affirme l’avocat.

A plusieurs reprises en juin et juillet, M. Marchiani et ses proches ont multiplié les interventions auprès du chef de l’Etat et du ministre de la justice afin de lui éviter la prison. Plusieurs conversations téléphoniques, enregistrées par les enquêteurs - dont certaines ont été annulées par la cour d’appel - attestent la réalité de ces démarches.

Ainsi, le 9 juillet, M. Pasqua a téléphoné à M. Marchiani pour lui dire : "Bon alors, j’ai écrit à Chirac (...). Plusieurs lettres, dont une à votre sujet." Et l’ancien ministre d’ajouter : "Et je viens de m’entretenir avec Dominique Perben... A votre sujet (...). Et je l’ai trouvé... assez coopératif." (Le Monde du 5 octobre.) Las, le 2 août, M. Marchiani était placé en détention provisoire.

Meurtri de n’avoir reçu aucun signe du chef de l’Etat, M. Marchiani semble aussi prendre ses distances avec son mentor, M. Pasqua. Sans doute n’a-t-il guère apprécié les déclarations de ce dernier devant les policiers de la brigade financière.

Interrogé comme témoin le 1er septembre, M. Pasqua a affirmé, à propos des fonds touchés en Suisse par son ancien conseiller place Beauvau : "Je suis surpris de constater qu’alors qu’il occupait des fonctions au ministère de l’intérieur, M. Marchiani ait pu percevoir de telles sommes."

Fin de l’enquête sur les chars Leclerc

Le juge Philippe Courroye a clôturé, jeudi 23 décembre, l’enquête portant sur le contrat conclu entre une société allemande et le ministère de la défense pour l’équipement de chars Leclerc. Jean-Charles Marchiani est poursuivi, dans ce dossier, pour "recel d’abus de biens sociaux" et "trafic d’influence par personne dépositaire de l’autorité publique". Il a touché 2,4 millions de deutschemarks (1,23 million d’euros) sur un compte genevois entre 1994 et 1999. M. Marchiani, également mis en examen pour avoir perçu une commission occulte en marge d’un marché avec Aéroports de Paris, est poursuivi dans deux autres enquêtes : l’une porte sur les ventes d’armes à l’Angola, l’autre sur des largesses consenties par l’homme d’affaires Iskandar Safa.

2 - Hauts fonctionnaires et hommes politiques ont tous contesté les affirmations de l’ancien préfet

Interrogé comme témoin par le juge Philippe Courroye le 14 septembre, Maurice Ulrich, directeur du cabinet de Jacques Chirac à Matignon de 1986 à 1988, a vigoureusement contredit la version de Jean-Charles Marchiani. Ce dernier, selon M. Ulrich, "n’a jamais été mandaté par Jacques Chirac (...) ou par moi-même lorsque j’étais directeur de cabinet pour mettre au point un système de financement ou pour poursuivre une activité de renseignements après 1988, soit après le départ de Jacques Chirac de Matignon".

"Il est tout à fait faux de dire que je l’ai mandaté pour ce type de missions et que j’ai abordé avec lui la question des moyens. Je savais que Charles Pasqua l’avait utilisé pour la libération des otages du Liban. Je pense que cette opération a dû entraîner des frais et qu’ils ont été couverts par les fonds spéciaux du ministère de l’intérieur qui trouvaient tout à fait leur finalité dans le cadre de ce type d’opérations", a ajouté M. Ulrich, qui a précisé : "Il ne m’apparaît absolument pas crédible qu’un fonctionnaire puisse encaisser des commissions versées à l’étranger par des sociétés dans le cadre de marchés pour une quelconque mission de l’Etat."

"Cette idée selon laquelle Jean-Charles Marchiani aurait été mandaté pour monter un réseau de renseignements ou de financement qui traverserait les années et les gouvernements n’a jamais été exprimée", a précisé l’ex-sénateur (UMP) et actuel conseiller de M. Chirac à l’Elysée. "A partir d’un fait réel, qui est son intervention dans le dossier des otages du Liban, - M. Marchiani - cherche à prolonger une mission de renseignement et de financement qui n’a jamais existé et qui à ma connaissance ne lui a jamais été confiée par (...) Jacques Chirac", a-t-il conclu.

A la tête de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) de 1993 à 2000, Jacques Dewatre a également, devant le juge, affirmé qu’il n’y avait "jamais eu de solde de compte bancaire positif en Suisse dont un fonctionnaire serait l’ayant-droit économique". Directeurs du cabinet de M. Pasqua entre 1993 et 1995, Joël Thoraval et Edouard Lacroix ont aussi témoigné "n’avoir jamais été informés de la mise en œuvre de financement à l’étranger pour des missions de renseignements ou de lutte antiterroriste", selon une synthèse du juge.

LES DÉNÉGATIONS DE M. JUPPÉ

Au cours d’un interrogatoire, le 17 décembre, le magistrat a fait observer à M. Marchiani que Jean-Marc Sauvé, directeur des libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l’intérieur jusqu’en 1994, et Jean-Paul Faugère, qui lui a succédé jusqu’en 1997, avaient aussi déclaré "n’avoir jamais été saisis du problème de la légalité de l’encaissement de commissions par vous-même après votre nomination - comme - préfet".

M. Courroye note également que les anciens premiers ministres Edouard Balladur (1993-1995) et Alain Juppé (1995-1997) ainsi que l’ex-ministre de la défense (1993-1995) François Léotard ont catégoriquement nié "avoir été informés de l’existence de tels systèmes de financement".

Malgré ces dénégations, M. Marchiani persiste. "Personne ne peut contester qu’en 1986 on m’a demandé de monter un dispositif de renseignement et d’action, entre autres pour libérer nos compatriotes au Liban. Jacques Chirac m’a publiquement félicité en mai 1988 après la libération des otages ainsi que mon équipe", a-t-il déclaré au juge, le 17 décembre.

"Il n’est pas contestable non plus qu’entre 1993 et 1995 j’ai effectué des tas de missions en Afrique et au Moyen-Orient. Il n’est pas contesté non plus que j’aie été obligé de m’occuper de l’exfiltration de Carlos (...) et de retrouver nos pilotes en Bosnie-Herzégovine - en 1995 -. Jacques Chirac m’a publiquement félicité à Villacoublay. Je vois mal comment Alain Juppé et Edouard Balladur peuvent dire qu’ils n’étaient pas au courant", a-t-il conclu.

3 - Pour le juge, les comptes suisses "revêtaient manifestement un caractère patrimonial privé"

Le 23 novembre , Jean-Charles Marchiani a été longuement interrogé sur les mouvements de fonds détectés sur la demi-douzaine de comptes qu’il détient en Suisse. S’appuyant sur les documents bancaires que la justice helvétique lui a récemment fait parvenir, M. Courroye a fait observer à l’ancien député européen que "les investigations - avaient - révélé que ces comptes revêtaient manifestement un caractère patrimonial privé". Selon le magistrat, M. Marchiani est "l’ayant-droit économique de la plupart des comptes", tandis que son épouse et leurs deux enfants "disposent d’une procuration"sur ces comptes, dont "aucun n’a été déclaré à l’administration fiscale française".

Ainsi, une fiche du 18 mars 1996 saisie au Crédit agricole de Genève indique que "la prochaine étape dans la relation avec le client sera la création d’une fondation de famille auprès de notre fiduciaire". Une autre note, du 6 février 2000, provenant de la Société générale Asset Management de Genève, comporte l’indication suivante : "La cliente - Mme Marchiani - vient avec son mari. Ils confirment que cet argent est prévu pour les enfants."

Des documents similaires ont été transmis par le Crédit suisse de Zurich ou encore l’UBS de Crans, où M. Marchiani avait également ouvert des comptes. Au total, entre 1993 et 2001, période au cours de laquelle il fut successivement préfet du Var (1995-1997), secrétaire général de la zone de défense de Paris (1997-1999) puis député européen (1999-2004), l’ancien espion a perçu l’équivalent de plusieurs millions d’euros.

Les investigations ont permis de découvrir l’origine d’une partie des fonds mis au jour en Suisse. Il s’agit notamment de commissions touchées, en tant qu’intermédiaire, à l’occasion d’un marché passé par l’entreprise Vanderlande avec Aéroports de Paris. M. Marchiani a perçu 9,7 millions de francs (1,478 million d’euros) en plusieurs virements, entre 1991 et 1994. Il a également perçu 2,4 millions de deutschemarks (1,23 million d’euros), entre 1994 et 1999, en marge du contrat conclu entre une société allemande, Renk, et le ministère de la défense pour l’équipement de chars d’assaut Leclerc.

"EN BON PÈRE DE FAMILLE"

En revanche, la provenance d’autres sommes reste un mystère pour la justice suisse. Ainsi, deux virements de 10 et 11 millions de francs, effectués le 18 juillet et le 18 octobre 1995 au profit du compte "Stef" ouvert par M. Marchiani au Crédit agricole de Genève, restent inexpliqués. Devant le juge, M. Marchiani a assuré que "ces 21 millions de francs - avaient - trait à deux événements : la libération et l’exfiltration de deux journalistes dans la nuit du 27 novembre 1987 au Liban, Roger Auques et Jean-Louis Normandin -...- et une deuxième opération intervenue plusieurs années après, à savoir l’exfiltration par les services secrets d’un haut responsable militaire et politique, le général Aoun, son installation et sa protection en France."

Il a affirmé que ces fonds, qui correspondraient au remboursement des frais qu’il avait engagés pour ces deux opérations, provenaient "d’un responsable militaire des phalanges chrétiennes". "Il s’agit de Nabil Traboulsi, a-t-il précisé. Mais cette affaire est classée secret défense."

Au cours de son audition, M. Marchiani a tenu à distinguer "l’argent - qu’il avait - gagné personnellement comme conseiller du commerce extérieur" et celui "qui était mis à - sa - disposition par l’Angola, le Congo, des organisations ou des particuliers dans le cadre de - ses - activités pour l’Etat". "Cet argent était certes géré en bon père de famille mais il n’a été utilisé que pour les missions", a ajouté M. Marchiani, précisant : "Je ne pense pas qu’il était nécessaire d’ouvrir des comptes distincts entre mes activités personnelles et mes missions confiées par le gouvernement".

P.-S.

Marchiani maintenu en détention [AFP - 27.12.04]

Le juge des libertés et de la détention (JLD), saisi la semaine dernière d’une demande de mise en liberté de Jean-Charles Marchiani, a rendu jeudi 23 décembre à Paris une ordonnance de maintien en détention du préfet, a-t-on appris lundi 27 décembre de source judiciaire.
Suivant les réquisitions du parquet, le JLD rejette dans son ordonnance la demande de Jean-Charles Marchiani en invoquant des risques "de pression et de concertation" avec des témoins dans l’enquête sur un contrat conclu par la société allemande Renk pour l’équipement du char français Leclerc dans les années 1990. Il est sous mandat de dépôt dans cette enquête.

Jean-Charles Marchiani a été mis en examen le 2 août dernier pour "recel d’abus de biens sociaux" et "trafic d’influence". Il est en détention provisoire depuis cette date. Redevenu préfet alors qu’il se trouvait en prison, il est poursuivi notamment dans trois dossiers, dans lesquels il est soupçonné d’avoir perçu des commissions occultes versées sur des comptes en Suisse.

Notes

[1Voici la
situation au 19 juillet 2004” de Jean-Charles Marchiani telle qu’elle apparaissait sur le site du Parlement européen à la fin décembre 2004

Jean-Charles MARCHIANI,
né le 6 août 1943 à Bastia,
Rassemblement pour la France

membre du Groupe Union pour l’Europe des nations au
Parlement européen,
membre de la Commission des affaires étrangères, des droits de l’homme, de la sécurité commune et de la politique de défense,
membre suppléant de la Commission des libertés et des droits des citoyens, de la justice et des affaires intérieures,
membre de la Délégation pour les relations avec les pays du Maghreb et l’Union du Maghreb arabe.

Licence ès lettres et diplôme d’études politiques (1966). Diplôme d’études supérieures de droit public (1967). Diplôme d’études approfondies d’administration publique (1974). Fonctions de direction dans différentes entreprises (1970-1985).

Délégué au Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (1967-1970). Auditeur à l’Institut des hautes études de défense nationale (1986-1987). Chargé de mission au cabinet de M. Pasqua (1986-1988) et collaborateur de M. Pasqua (1993-1995). Conseiller du commerce extérieur de la France (depuis 1989). Préfet chargé d’une mission de service public relevant du gouvernement (1993) ; préfet hors cadre (1995) ; préfet du Var (1995-1997) ; préfet, secrétaire général de la zone de défense de Paris (1997).

Chevalier de la Légion d’honneur. Officier des Palmes académiques. Commandeur de l’ordre national du Lion (Sénégal). Commandeur de l’ordre national du Mérite de la Côte-d’Ivoire.


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