affaires Ali Ziri et Wissam el-Yamni : mise en cause de la technique du “pliage”


article de la rubrique justice - police > violences policières
date de publication : jeudi 20 mars 2014
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La Cour de cassation a annulé, le 18 février 2014, une décision de la Cour d’appel de Versailles qui confirmait le non-lieu dans une affaire de violences policières : Ali Ziri, 69 ans, était décédé, asphyxié, le 11 juin 2009, deux jours après son interpellation par la police à Argenteuil.

En ce qui concerne le décès à Clermont-Ferrand de Wissam El-Yamni, cet homme de 30 ans interpellé lors de la Saint-Sylvestre 2011 et décédé 9 jours plus tard, deux policiers qui avaient participé au transport de Wissam jusqu’au commissariat ont été mis en examen pour “violence volontaire ayant entraîné la mort sans intention de la donner”.

Ces décisions de justice, obtenues après plusieurs années de mobilisation des proches des victimes, permettront – espérons-le – d’établir la vérité. Il n’est pas impossible que ces deux décès soient consécutifs à la mise en œuvre de techniques de contention non autorisées – voir cette page.

[Mis en ligne le 6 mars 2014, mis à jour le 20]



Argenteuil : non-lieu annulé dans l’affaire Ali Ziri

par M.G., LeParisien.fr, le 19 février 2014


Le collectif vérité et justice pour Ali Ziri se dit « satisfait » ce mercredi. Mardi, la cour de cassation a annulé l’arrêt de la cour d’Appel de Versailles qui confirmait le non-lieu prononcé le 15 octobre 2012 par le juge d’instruction de Pontoise. « Nous sommes mobilisés depuis cinq ans. La décision d’hier [mardi] est une avancée considérable », réagit un membre du collectif.

Ali Ziri, retraité algérien de 69 ans, vivait à Argenteuil. Il est mort le 11 juin 2009, deux jours après une interpellation par la police, à la suite d’un contrôle routier. Il se trouvait alors en voiture avec un ami. Les deux hommes, passablement éméchés, auraient tenté de résister, contraignant les policiers à faire usage de la force pour les maîtriser. Il avait été conduit à l’hôpital d’Argenteuil le soir même vers 22 heures.

Alors que la première autopsie avait conclu à une « fragilité cardiaque » et confirmé la « forte alcoolémie » du sexagénaire, une contre-expertise avait révélé la présence de 27 « hématomes de 12 à 17 cm » sur son corps. L’affaire relève désormais de la chambre d’instruction de la Cour d’appel de Rennes. Le collectif insiste : « Nous resterons mobilisés ».

« C’est une victoire, mais ça ne veut pas dire que c’est définitivement gagné », réagit ce mercredi matin l’avocat de la famille d’Ali Ziri, Stéphane Maugendre. « C’est un vrai camouflet au juge d’instruction [de Pontoise] et à la cour d’Appel de Versailles. La Cour de cassation leur reproche de ne pas avoir enquêté sur l’usage de la technique du pliage dans ce contexte, analyse le conseil. Deuxièmement, elle leur reproche de ne pas avoir instruit l’affaire sur l’attitude de la police au regard de l’état de Mr Ziri au moment de son interpellation. Il n’était visiblement pas bien et aurait dû être emmené tout de suite à l’hôpital ».

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Décès après une interpellation à Clermont-Ferrand :
un policier mis en examen

par Manuel Armand, Le Monde.fr, le 6 mars 2014


Quelque 500 à 600 personnes avaient défilé le 7 janvier 2012 à Clermont-Ferrand en soutien à Wissam El-Yamni, arrêté de façon "musclée" la nuit du réveillon, décédé après plusieurs jours de coma.

L’un des deux policiers visés par l’information judiciaire ouverte après la mort d’un jeune homme à Clermont-Ferrand, en janvier 2012, a été mis en examen pour coups mortels le 24 février dernier, a appris Le Monde, jeudi 6 mars, auprès du procureur de la République. Son collègue devrait être convoqué par les deux juges d’instruction chargés de l’affaire dans les jours qui viennent. « Enfin ! » s’est exclamé Me Jean-Louis Borie qui défend, avec son confrère Jean-François Canis, les intérêts de la famille de Wissam El-Yamni.

Les faits remontent à plus de vingt-six mois. Pendant la nuit de la Saint-Sylvestre 2011, l’interpellation musclée de ce chauffeur de 30 ans, qui avait jeté une pierre sur une voiture de police avait mal tourné. Tombé dans le coma, il était décédé neuf jours plus tard. Le rapport de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) révélé par Le Monde avait avancé l’hypothèse que le coma ait été provoqué par un « pliage », une technique de contention non autorisée par les règles d’intervention de la police. Dans la voiture de la brigade canine qui emmenait Wissam El-Yamni vers le commissariat, le policier assis à l’arrière du véhicule l’avait maîtrisé en lui appuyant « de haut en bas sur la tête, la maintenant contre les genoux durant le transport », selon l’IGPN. C’est ce policier qui vient d’être mis en examen. L’autre policier mis en cause conduisait la voiture. Le « pliage » avait été mis en cause dès 2003 par la Commission nationale de déontologie de la sécurité après la mort de deux sans-papiers maintenus dans cette position sur leur siège d’avion à l’occasion de leur reconduite dans leurs pays d’origine.

ZONES D’OMBRE

« Le motif de la mise en examen est en cohérence avec les réquisitions du procureur qui mettaient en avant des coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner », note Me Borie. Les causes de la mort ne sont toutefois pas encore établies avec certitude. Une première autopsie avait suggéré une « compression des artères carotides internes […] lors du maintien de M. El-Yamni en hyper-flexion (tête entre les genoux) » comme cause du coma. Une expertise toxicologique avait de son côté mis en avant l’action toxique aiguë sur le cœur d’un mélange d’alcool et de cocaïne. Cette deuxième hypothèse est contestée par les avocats de la famille de Wissam El-Yamni qui ont produit une contre-expertise mettant en doute l’interprétation de l’analyse toxicologique. En janvier, les deux magistrats instructeurs ont accédé à la demande de Mes Borie et Canis de désigner un collège d’experts pour tenter d’y voir plus clair.

D’autres zones d’ombre subsistent sur les conditions de l’interpellation, qui s’est déroulée à la Gauthière, l’un des quartiers nord de la capitale auvergnate. Initialement, la police avait indiqué que trois véhicules avaient été envoyés sur les lieux. « En définitive, il y en avait neuf », affirme Me Jean-Louis Borie. Alors que le parquet avait demandé, après avoir été informé du coma, des contrôles d’alcoolémie pour tous les policiers présents, seuls trois équipages ont été contrôlés. Il serait bon d’éclaircir l’ambiance générale qui régnait ce soir-là. »

Affaire Wissam : deux policiers mis en examen pour coups mortels

La Montagne, le 18 mars 2014 - 19h03


Plus de deux ans après la mort lors d’un Clermontois de 30 ans lors d’une interpellation policière controversée, à Clermont-Ferrand, et quelques jours après la mise en examen du premier, le deuxième policier qui avait transporté le jeune garçon jusqu’au commissariat a été mis en examen pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ».

Cette étape marque un tournant dans une affaire qui avait secoué la capitale auvergnate il y a deux ans maintenant. Le 1er janvier 2012, vers 3 heures, Wissam El-Yamni avait été interpellé par la police sur un parking du quartier de la Gauthière, à Clermont-Ferrand. Neuf jours plus tard, le jeune homme succombait à l’hôpital. Juste après le décès de Wissam El-Yamni, le 9 janvier 2012, la justice avait ouvert une information judiciaire pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, par personne dépositaire de l’autorité publique ».

Le réquisitoire du procureur visait nommément les deux policiers qui avaient transporté Wissam jusqu’au commissariat. On aurait pensé que cette mise en examen serait intervenue dans les premiers jours de l’ouverture de l’information judiciaire. Il était plus que temps », avait réagi Me Jean-Louis Borie, l’un des deux avocats de la famille El-Yamni.

P.-S.

A noter la déclaration du procureur général Marc Robert à l’adresse à la famille, rapportée par La Montagne, le 14 janvier 2014, page 6 :

Hier, lors de l’audience solennelle de rentrée de la cour d’appel de Riom, Marc Robert, procureur général, s’est directement adressé aux parents de Wissam El Yamni. « C’est à cette famille que je m’adresse » a-t-il dit. « Une famille désemparée par la longueur des indispensables expertises pour déterminer les causes exactes de ce décès. Je connais les doutes qui l’assaillent mais je veux lui dire que la détermination de la justice, et notamment du ministère public, est totale pour parvenir à la manifestation de la vérité ».



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