Le malaise s’est durablement installé sur la commune de La Crau depuis que le système de surveillance mis en place par le “petit adjudant craurois” [1] a été révélé.
Dans son édition Hyères-Vallée du Gapeau du 31 janvier 2011, le quotidien local, Var-Matin, revient sur cette situation à l’occasion d’un article que nous reprenons ci-dessous. Le même journal nous apprend que la commune voisine de La Garde (26 000 habitants) vient de signer une convention « cellule de citoyenneté et de tranquillité publique » (CCTP), qui se situe dans l’esprit de la loi du 5 mars 2007 « relative à la prévention de la délinquance » et dont Bernard Reynès, député-maire de Châteaurenard, fait une promotion effrénée.
Ligue des droits de l’Homme et élus de l’opposition fustigent la nomination
secrète d’environ 200 Craurois censés faire remonter des informations à la mairie.
En avril 2010, le maire Christian Simon avait convié 200 Craurois dans la salle des mariages. pour leur demander de devenir des référents de quartier. Mais plus que des « voisins vigilants », censés alerter la gendarmerie ou la police s’ils constatent des comportements suspects, ces « yeux et oreilles » de la mairie sont invités à signaler des dysfonctionnements dans leur quartier, sans que la population connaisse leur identité.
« La sécurité contre les libertés »
La mise en place progressive de ces référents anonymes suscite de vives inquiétudes, notamment de la part de conseillers municipaux de l’opposition et de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) de Toulon, interpellée depuis plusieurs semaines par des particuliers, puis des élus. Déjà « très réticent » concernant le dispositif national des « voisins vigilants », Luc de Bernardo, président de la section toulonnaise de la LDH, s’inquiète, à plus d’un titre, de la
mise en place de ces nouveaux référents : « Les habitants ont raison
d’étre inquiets. Non seulement cela rappelle de sombres périodes de l’histoire, mais pose aussi la question de la véritable habilitation du maire à organiser une telle surveillance. Ce système de surveillance secrète oubliant les règles de la démocratie, illustre nos craintes de voir la sécurité privilégiée à tout prix, y compris au détriment des libertés. »
« Sans transparence »
De concert, les élus d’opposition Jean Codomier (groupe Ensemble pour La Crau) et Albert Roche (Cap sur l’avenir) s’insurgent contre une mesure « prise sans transparence, sans débat public et sans délibération du conseil municipal ».
Aujourd’hui, impossible de savoir si cette nouvelle mesure porte ses fruits, ni quels faits, éventuellement rapportés par des référents, ont retenu l’attention du maire. Depuis le début, le secret prévaut.
Les référents témoignent (sous X)
- « Très honnêtement, je suis allée à la réunion en mairie parce que j’étais invitée. J’ai accepté ?... oui et non. Disons que j’ai signé face à mon nom sur la liste qui m’était présentée. Mais franchement, depuis, je n’ai jamais fait remonter quoi que ce soit En revanche depuis que je suis référent, je reçois toutes les invitations en provenance de la mairie, je trouve ça bien. »
- « Je suis retraité, j’ai du temps. Je trouve cette fonction très agréable. Quand je promène mon chien, je suis plus vigilant maintenant, et je sais que je peux être utile. Et puis je suis satisfait si je peux aider le maire à faire son travail. »
- « On nous a expliqué que les référents pouvaient avoir un rôle pour le sécurité des quartiers. Pourquoi pas ? Mais moi j’aurais préféré que la liste soit connue. Au moins, les voisins auraient pu venir me rencontrer. Je n’aime pas le côté caché. »
Au nom de Christian Simon, Alexis Orillon, directeur adjoint du cabinet du maire, a accepté de répondre à nos questions.
Dans son programme, le maire avait inscrit son souhait d’avoir une vision directe de la ville et de rapprocher le pouvoir exécutif des quartiers. Les
« référents de quartier » entrent dans ce dispositif.
Nous connaissons les personnes actives dans la ville : personnes qui ont l’habitude d’écrire, ou téléphoner en mairie pour signaler des dysfonctionnements, voire se plaindre Nous avons pu aussi faire appel à des présidents de lotissements, des membres d’associations... Mme Boni, la
présidente du Comité d’intérêt local de La Crau, a également été intégrée à ce dispositif pour nous aider à trouver ces personnes, car le CIL avait déjà des relais dans les quartiers.
Nous avons établi une liste de toutes ces personnes. Il y en avait 200 environ, que nous avons invitées à une réunion, en avril 2010 en mairie, pour leur proposer une collaboration instaurée. Aucune n’a refusé. En revanche, il y a eu unanimité pour demander à conserver l’anonymat. Raison pour laquelle nous ne divulguerons pas cette liste.
Rien de particulier simplement de signaler auprès de notre service « Allô mairie ». qui est un numéro vert gratuit, tout dysfonctionnement de quelque ordre que ce soit, en évitant bien entendu les sujets d’ordre privé. En revanche, nous avons bien précisé que si nous avons recruté des personnes dans chaque quartier, aucun secteur ne leur est réellement affecté, Elles sont invitées à faire remonter ce qui se passe sur le territoire de la ville.
Il n’y a vraiment pas lieu de s’inquiéter. Il est simplement question d’être plus réactif et de renforcer la sécurité sur la ville, qui a la particularité d’être très étendue.
Le CIL continue à fonctionner comme il le souhaite. La mairie n’a pas pouvoir à s’immiscer dans une association.
La gendarmerie voulait mettre en place le dispositif « voisin vigilant » et avait eu des contacts avec le maire à cet effet. Le maire a pensé que l’on pouvait associer les deux. D’ailleurs, nous savons que certains de nos référents préfèrent contacter directement la gendarmerie. Cette dernière nous appelle si le sujet est de notre ressort et vice-versa.
Non nous ne la publierons pas. Car le maire s’y est engagé et les référents sont plus à l’aise s’ils sont anonymes.
La ville de La Garde a signé la convention « Cellule de citoyenneté et de tranquillité publique »
par C. Remond, Var Matin, 31 janvier 2011
Jeudi, salle du conseil municipal, le maire, Jean-Louis Masson, avec Jean Pierre Haslin, adjoint à la sécurité et organisateur de la réunion, Marc Cimamonti, procureur de la République, François-Xavier Lauch, sous-préfet, Jean-Michel Lopez, directeur départemental de la sécurité publique (DDSP) et René Pierre Haller, inspecteur d’académie adjoint, ont signé la convention « Cellule de citoyenneté et de tranquillité publique », qui formalise officiellement un travail de partenariat existant entre tous les acteurs du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD). Le premier magistrat qui, pour la première fois accueillait le représentant de l’État, lui a relaté en quelques mots le suivi gardéen de ce dispositif, qui engage le maire dans de nouvelles prérogatives en matière de la prévention de la délinquance.
« C’est gagnant-gagnant »
Aux dires du DDSP, « c’est un pas en avant et pour nous c’est gagnant-gagnant ». Le procureur a confié : « Ce qui m’intéresse, dans la loi 2007, c’est rentrer dans un processus nominatif pour trouver des solutions diversifiées. Chacun d’entre nous a des capacités, des pouvoirs. Le parquet sera très présent dans ce dispositif et je participerai aux réunions de cellules (toutes les quatre à six semaines). »
Le mot de la fin est revenu au sous-préfet Fauch, qui a félicité et encouragé ce CLSPD « extrêmement dynamique, qui fonctionne. Il fallait être capable de mettre de bons acteurs autour de la table et vous pouvez faire confiance aux services de l’État aux services des forces de police. Cette signature est un nouvel étage de la fusée qui se déploie. Nous traitons une forme de délinquance, d’incivilité et les maires peuvent avoir une utilité fondamentale. »
Les grands axes du projet
Cette cellule de citoyenneté et de tranquillité publique a déjà été mise en place sur quarante communes du Var et des Bouches-du-Rhône, deux départements pilotes pour cette mise en place.
La Garde a défini plusieurs grands axes qui consistent à l’accompagnement éducatif et l’autorité parentale sur lesquels le maire va exercer ses nouvelles compétences :
l’amélioration et la sécurisation entre les riverains, les commerçants et les étudiants de la citée universitaire, des deux collèges (Cousteau et Bosco) et le lycée de la Grande Tourrache ;
traiter la petite délinquance, ainsi que le gros volet sur la prévention dans le secteur de Romain-Rolland ;
amélioration de la sécurité des équipements publics et sportifs ;
rappel des règlements de la sécurité routière.
[1] C’est ainsi que Serge Quadruppani, natif de la commune, désigne le maire de La Crau :
http://quadruppani.blogspot.com/2011/01/le-petits-adjudants-craurois.html