Var, terre de mission et de tradition(alistes)


article de la rubrique extrême droite > l’extrême droite catho
date de publication : mercredi 6 septembre 2006
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A Carqueiranne, l’aumônerie laïque a dû laisser la place à une institution traditionaliste contestée.

Après le point sur la situation à la date du 6 septembre, vous trouverez un article du 22 août de Jeff Sicurani (La Marseillaise), suivi d’un dossier de Lilian Renard (Var-Matin) publié le 29 août 2006.

[Première mise en ligne, le 30 août 2006 - mise à jour, le 6 septembre]


Voir en ligne : des compléments dans un article de notre site publié il y a deux ans

Carqueiranne : l’école controversée n’a pas fait sa rentrée

L’école Anne de Guigné, sujet d’une intense controverse à Carqueiranne, n’a toujours pas ouvert ses portes. Cette structure privée, hors contrat, décrite comme « traditionaliste » par ses détracteurs et qui doit accueillir 45 élèves, est toujours contestée par une partie des paroissiens qui s’opposent ouvertement à l’évêché.

Selon nos informations, plusieurs points bloquent encore les agréments espérés,
et demandés, par ces parents d’élèves qui ont choisi de se regrouper pour créer une école primaire. Tout d’abord, l’inspection d’académie a récemment demandé des compléments d’information, car « il manque des pièces au dossier » explique un responsable.

Le parquet de Toulon saisi

L’inspection doit notamment établir la qualification
des enseignants, souvent les parents d’élèves eux-mêmes, s’assurer de la conformité des locaux et du respect des programmes scolaires.

Par ailleurs, le permis de construire nécessaire pour la réhabilitation des locaux - déposé le 4 août dernier en mairie - est toujours en cours d’instruction.

Enfin, comme il se doit pour toute ouverture d’école, le parquet de Toulon a été saisi. Une enquête de police est en cours, afin de « déterminer et de s’assurer des conditions dans lesquelles ses responsables envisagent de créer l’école » indique un magistrat. À l’issue de l’enquête, le parquet peut « refuser l’autorisation si les initiateurs n’ont pas les capacités requises » ou que leur projet est « farfelu ».

« Principe de liberté pour les parents de choisir l’école de leurs enfants »

Dimanche dernier, veille de la rentrée scolaire, l’évêque
du diocèse avait dépêché à Carqueiranne son vicaire général, Dom Marc Aillet pour apporter des « éclaircissements » sur le projet, selon des propos rapportés par un paroissien.
Lors des messes dominicales, l’ecclésiastique a expliqué que ce projet « s’appuie sur le principe de liberté pour les parents de choisir l’école de leurs enfants ». Il a vivement contesté tout aspect « intégriste » dans cette démarche.

De son côté, le collectif de paroissiens déplore que des enfants risquent d’être déscolarisés. Ses responsables citent le cas de plusieurs familles qui, voyant le projet retardé, ont préféré inscrire leur enfant dans une école privée sous contrat. Or les effectifs étaient au complet.

Lilian Renard, Var-Matin le 6 sept. 2006

Carqueiranne : l’école intégriste indésirable

par Jeff Sicurani, La Marseillaise, le 22 août 2006

Installé depuis 2004 dans les sous-sols de l’église toulonnaise Saint-Pie X, le cours "traditionaliste" Anne de Guigné doit être transféré dès la rentrée prochaine sur la paroisse de Carqueiranne, au grand dam des défenseurs de la laïcité.

Une poignée d’élèves, venant de différentes communes varoises et un répétiteur pour seul enseignant : l’école privée Anne de Guigné ne se signale pas par ses fastes ou son manque de discrétion.

Elle a le don en revanche d’alimenter bien des polémiques, y compris au sein du clergé, en raison des valeurs traditionalistes qu’elle entend ouvertement promouvoir, valeurs équivalant pour beaucoup à des dérives intégristes.

Cet été, c’est son déménagement à Carqueiranne qui fait à nouveau parler d’elle. Le nouveau curé de la paroisse, strict sous sa soutane, avait pourtant laissé filtrer quelques signes avant-coureurs, à l’image de cette messe donnée il y a un mois environ à la mémoire de Marie-France Stirbois, défunte personnalité politique du Front national.

L’abbé Arnauld ? Un curé se sentant suffisamment proche de l’école pour signifier à l’aumônière de Carqueiranne, une laïque, que ses locaux seraient réquisitionnés afin d’accueillir pendant trois ans le huis-clos de ce petit cours privé d’un autre âge.

Dans le village, l’affaire fait grand bruit, au point que le vicaire général Don Marc Aillet a fait le voyage pour répondre aux question des uns et des autres lors d’une réunion publique le 25 juillet dernier. Il n’est pas parvenu à apaiser les craintes de la soixantaine de personnes présentes. Bon gré ou mal gré, le projet est bel et bien maintenu : l’école privée catholique veut ouvrir ses portes dès septembre.

« Nous avons tiré à boulets rouges sur le vicaire » se souvient Armand Conan, ancien maire de la bourgade. Réunis au sein d’un collectif sous la bannière de la République et de la laïcité, les opposants se tournent alors vers le maire sans plus de succès.

Cette fois, audience a été demandée auprès de l’Inspection académique. Au regard de la situation juridique de cette école hors contrat, l’education nationale ne peut se borner qu’au seul contrôle des conditions d’hygiène et de sécurité. Deux autres recours existent : le procureur de la République et le maire. C’est en direction de ce dernier que les appels convergent en ces derniers jours du mois d’août. Pour le collectif, en effet, le cours privé est une menace réelle pour la sérénité même du village.

par Jeff Sicurani
La maison paroissiale de Carqueiranne (les flèches blanches désignent les deux entrées).

Carqueiranne : bataille autour d’une école traditionaliste

Nouveau signe des dissensions qui traversent l’église catholique varoise, la petite paroisse de Carqueiranne bouillonne depuis quelques semaines. En pleine langueur estivale, ses fidèles ont découvert par hasard que le diocèse projetait d’installer, « en catimini », une école traditionaliste au coeur du village.

À l’origine de ce schisme carqueirannais, on trouve l’arrivée attendue pour la rentrée de 45 enfants dans les locaux de la maison paroissiale. Ils devraient y suivre les cours Sainte-Anne de Guigné, un enseignement par correspondance, hors contrat, transmis dans le Var par un répétiteur et les parents à des élèves de 6 à 11 ans coupés de toute autre forme de vie scolaire.

Or, initialement, les fidèles n’en savaient rien. Fin juin, le père Arnauld, curé de la paroisse, a simplement demandé aux responsables de l’aumônerie de quitter l’ancien couvent.
« sous 24 heures », afin de laisser place à une « école catholique », rapporte Marie-Ange Michel, présidente du comité des paroissiens.

Déjà une polémique en 2004 à Toulon

Aussitôt, le doute s’est installé parmi les animateurs de l’aumônerie, rejoints par des enseignants du collège et des parents d’élèves, qui ont demandé des comptes à l’évêché.

Car cette école a déjà fait polémique lors de son ouverture à Toulon en 2004 et symbolise, pour certains, « l’installation, petit à petit dans le Var, d’un réseau intégriste », condamne Dominique Cras, animatrice de l’aumônerie. D’ailleurs, avant d’atterrir à Carqueiranne, les cours Anne de Guigné ont déjà été refusés par le conseil paroissial d’une église toulonnaise où devait emménager la classe.

Depuis, les fidèles ne décolèrent pas, ulcérés que les
fonds demandés pour la rénovation de l’ancien couvent servent finalement à créer cette école, déçus d’être dépossédés de leurs locaux, regrettant le bouleversement du paysage diocésain et la « fourberie » des instances ecclésiales.

Plus de 200 signatures en faveur des fidèles

« Ici, nous vivions dans un consensus parfait entre l’école publique et la paroisse, rappelle Danielle Montgobert, ancienne responsable de l’aumônerie, ce n’était pas sectaire ».

Tout l’été, un groupe d’une vingtaine de fidèles s’est ainsi mobilisé, recueillant plus de deux cents signatures sur une pétition et multipliant les courriers aux autorités.

Pour l’heure, le maire, Marc Giraud (UMP), semble surtout vouloir se tenir à l’écart du dossier : « Je n’ai pas d’avis, cela ne me regarde pas. Comme il se doit, j’ai tout simplement transmis » la demande aux services de l’inspection académique. Par ailleurs, un permis de construire déposé en mairie le 4 août « sera instruit au même titre qu’une autre habitation, selon les règles d’urbanisme », explique-til.

De son côté, l’inspection académique est « en train d’étudier ce cas particulier, pour savoir si, d’après les textes, cette école peut ouvrir », fait savoir le secrétaire général, Dominique Kleczec. S’il semble que ces cours par correspondance soient reconnus par le rectorat de Paris, il reste à déterminer si le regroupement d’enfants sous la responsabilité d’un répétiteur, donc la création d’une école primaire, peut être agréé.

« Réflexe communautariste »

C’est d’ailleurs aussi ce qui choque les paroissiens : « Si ces familles font le choix de l’enseignement familial, à distance, alors pourquoi se regrouper si ce n’est par réflexe communautariste », interroge l’un d’entre eux. Aussi sont-ils décidés à ne « pas lâcher », jusqu’à saisir l’archevêque de Marseille et invoquer le droit canon pour faire reconnaître « l’illégalité de cette école ».

Lilian Renard, Var-Matin, le 29 août 2006.

Evéché et archevêché : avis divergents

Pour l’évêché de Fréjus-Toulon, la fronde carqueirannaise, comme auparavant les critiques formulées contre l’orientation du diocèse, ne sont autres qu’une « grosse tempête dans un verre d’eau ».

C’est ainsi, du moins, que le père Jean-Yves Molinas, vicaire général, considère l’agitation varoise, fruit, selon lui, d’un « petit groupe de personnes dont la position est de tirer à boulets rouges sur tout ce qui paraît différer de leur manière de penser ».

Le représentant de l’évêque, Mgr Rey, estime ainsi que « qualifier cette école d’intégriste est diffamatoire ». D’après lui, il s’agit simplement de « parents qui désirent être impliqués dans
l’éducation de leurs enfants, cela n’a rien d’extraordinaire. Sous prétexte que certains le pointent du doigt avec des qualificatifs outranciers, on ne va pas renoncer à ce projet
 ».

Pourtant, l’archevêché de Marseille a récemment pris une tout autre position sur le sujet. Les instances ecclésiales ont en effet refusé l’implantation des cours Sainte-Anne de Guigné à Carnoux-en-Provence. Il s’agissait justement d’installer les élèves dans une maison paroissiale, ce qu’a « refusé l’archevêché », confirme la direction de l’enseignement catholique de Marseille, rappelant au passage que cette « école n’est pas sous contrat » et n’est pas reconnue.


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