Une décision de justice reconnaît la primauté de la conscience individuelle


article de la rubrique démocratie > désobéissance & désobéissance civile
date de publication : 2000
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Une décision de justice reconnaît la primauté de la conscience individuelle sur le droit positif

[communiquée par Maître Jean-Jacques de Félice. ]

Le syndicat Alliance a poursuivi Albert Jacquard, en raison de propos qu’il avait tenus à la télévision (Antenne 2). En effet, commentant l’évacuation de l’Eglise Saint-Bernard par les forces de l’ordre, le 23 août 1996, Albert Jacquard avait notamment déclaré :

"Donc j’espère que Monsieur Xavier Emmanuelli démissionnera dans la journée et que d’autres ministres, tous ceux qui ont vraiment à coeur l’honneur de la France, démissionneront. Il faut leur rappeler ce qui s’est passé en 1943. En 43 aussi le gouvernement de Pétain appliquait la loi..."

"C’est mon devoir de Français et aujourd’hui c’est le devoir de tous les Français d’aller à Saint-Bernard pour dire non et c’est même le devoir des forces de l’ordre. Sinon elles vont avoir exactement la même attitude que les flics français quand ils sont allés au Vel. d’Hiv."

Le syndicat Alliance qui représente des fonctionnaires de police a exposé que le fait de comparer l’intervention des policiers chargés de l’évacuation de l’Eglise Saint-Bernard à la rafle du Vel d’Hiv est outrageant et infamant à leur égard et constitue une atteinte à leur dignité et à leur honneur.

Albert Jacquard a exposé que ses propos ne peuvent être considérés comme fautifs, s’agissant d’un appel au respect d’obligations inscrites dans la Déclaration des Droits de l’Homme, dans la Constitution ou dans la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

Le TGI de Paris, 1-ère chambre, 1-ére section, a, par un jugement rendu le 5 novembre 1997, débouté le syndicat Alliance de toutes ses demandes, avec les attendus suivants :

"en s’adressant aux forces de l’ordre public, en les appelant à la désobéissance et en comparant, au cas où il ne serait pas entendu, leur attitude à celle qu’ont eue les "flics" français quant ils sont allés au Vel d’Hiv, Albert Jacquard, dans une objurgation qui ne comporte en elle-même aucune connotation péjorative, ni termes de mépris ou d’injure à l’égard de leur fonction, et qui s’inscrit manifestement dans une critique des actes de l’autorité publique, les a invités, selon les convictions personnelles qui sont les siennes, à une prise de conscience qui lui paraissait conforme à ce qu’il estime devoir être l’ honneur de leur profession"

"quelqu’excessive que puisse être ressentie par ceux auxquels elle s’adresse la comparaison avec l’attitude de leurs prédécesseurs dans les mêmes fonctions durant la période de l’occupation, ces propos, se référant explicitement, dans un contexte politique, à un devoir qui, selon leur auteur, s’impose à tous lorsque les circonstances font apparaître une contradiction entre le droit positif et la conscience individuelle, ne sont pas de nature à porter atteinte à la dignité ou au respect des membres de la profession en cause".

La cour d’appel de Paris a, par un arrêt du 21 mai 1999, confirmé le jugement précédent, en y ajoutant une condamnation du syndicat Alliance à verser 7000F à Albert Jacquard, en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.


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