Toulon : la démocratie non-participative


article de la rubrique Toulon, le Var > Toulon
date de publication : jeudi 15 novembre 2012
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La gestion du dossier du futur transport en commun de l’agglomération toulonnaise – dont trois décisions de la communauté d’agglomération Toulon-Provence-Méditerranée (TPM) viennent d’être annulées par le Tribunal administratif – est un exemple de dérive de la démocratie locale.

Hubert Falco cumule depuis plus de dix ans les fonctions de maire de Toulon et de président de la communauté d’agglomération, tout en siégeant alternativement au Sénat ou au gouvernement.
Sa longue pratique de la vie politique lui a certes permis d’acquérir un indéniable savoir-faire. Il n’ignore pas, par exemple, que les subventions versées au Rugby Club Toulonnais procurent un « excellent retour sur investissement » – ce qui explique que le RCT est le club de rugby le plus subventionné de France [1].

Ce savoir-faire a sans doute contribué au score “soviétique” – 65 % des suffrages – avec lequel Hubert Falco a été réélu dès le premier tour des municipales en mars 2008. Mais cela ne lui donne aucune légitimité pour en prendre à son aise avec les procédures réglementaires ; en particulier l’abandon du tramway pour un “Bus à haut niveau de service” aurait dû faire l’objet d’un débat à l’assemblée communautaire et non pas d’une simple décision d’un bureau communautaire à la botte de son président.

Ci-dessous, un entretien donné à Var-Matin par Robert Alfonsi, actuel leader du parti socialiste à Toulon et bon connaisseur de la vie politique locale.


Hubert Falco

Robert Alfonsi : « Toulon a un problème de démocratie locale »

entretien publié dans Var-Matin le 13 novembre 2012


Vice-président du conseil régional, conseiller municipal d’opposition et leader du Parti socialiste toulonnais, Robert Alfonsi considère que la décision du tribunal administratif est révélatrice de la « vision verticale de la démocratie locale » d’Hubert Falco.

  • Quelles réflexions vous inspire la décision du tribunal administratif ?

Il y a surtout un problème de méthode d’Hubert Falco. D’abord le maire de Toulon nous fait délibérer en juin 2005 sur le tram et je l’ai félicité – et puis, un an après, il change d’avis. Il avait alors tous les moyens d’organiser légalement et démocratiquement la transformation de son projet, mais il a fait comme si les lois n’existaient pas. Et le tribunal administratif lui a rappelé le droit. Je l’avais mis en garde. Une déclaration d’utilité publique, on ne peut pas en changer l’objet d’un trait de plume.

  • Comment expliquez-vous que la préfecture ait laissé faire ?

Ça fait partie des problèmes quand il y a de grands élus et de petits préfets. Il y a parfois un déséquilibre des forces dans les territoires entre des élus très puissants, proches de tel ou tel pouvoir et les représentants de l’État, qui doivent faire respecter les règles. C’est à ça qu’on a assisté... Et pas que sur ce dossier, mais aussi sur la loi SRU (solidarité et renouvellement urbain, Ndlr), sur le plan des déchets, sur la loi Besson sur les aires d’accueil... Sur cette affaire-là, un simple contrôle de légalité aurait permis que le maire revoie sa copie et de faire avancer son BHNS.

  • Les juristes semblent assez unanimes pour estimer, en effet, que la décision du tribunal administratif n’est pas une surprise. Pourquoi, selon vous, l’équipe d’Hubert Falco n’a-t-elle pas devancé les choses ?

Moi je l’ai prévenu plusieurs fois, en effet, qu’ils allaient droit dans le mur. Un étudiant en première année de droit connaît toutes les règles rappelées par le tribunal administratif. J’appelle ça « l’impunité démocratique ». Quand on est élu de manière brillante, comme c’est le cas d’Hubert Falco, on en arrive à nier qu’aussi puissant soit-il, un élu évolue dans un contexte démocratique et réglementaire. Et qu’on ne peut pas tout faire. Heureusement qu’il y a des associations qui se mobilisent et des institutions indépendantes du pouvoir politique. La méthode du maire s’est heurtée à la simple règle de base de notre République : aussi puissant soit-il, un élu ne peut pas transgresser le droit. Et il l’a transgressé.

  • Hubert Falco accuse Valentin Gies, le porte-parole du collectif tramway, « d’avancer masqué », parce qu’il a aussi des responsabilités au Parti socialiste. Les associations qui ont attaqué TPM au tribunal sont-elles télécommandées par le PS ? [2]

Non. On ne téléguide personne. Ce n’est pas ma conception de la vie publique. Les associations jouent leur rôle, simplement. Et Valentin Gies est bien un membre du PS, mais n’a aucune responsabilité dans le parti. Il est vraiment passionné par le dossier tramway. Il n’y a pas un mélange des genres, parce que je n’ai missionné personne pour parler à ma place. Et puis ce type de dossier transcende les clivages politiques. Un tramway n’est ni de droite, ni de gauche.

  • Comment pensez-vous que Toulon va se sortir de ce dossier ?

Aujourd’hui, on n’a pas d’horizon lisible pour un transport en commun, que ce soit tram ou BHNS. Il pourrait y en avoir un si Hubert Falco revenait au tram. Mais il ne le fera pas.
Son changement d’avis reste d’ailleurs pour moi un mystère. Les arguments financiers ne tiennent pas. Après deux mandats d’Hubert Falco, on est la seule agglo de France qui n’aura pas de transport en commun en site propre en 2014.
La première conséquence, c’est pour la santé publique. On est la cinquième ville la plus polluée de France. C’est dramatique aussi pour l’attractivité du territoire, qui s’appuie sur trois éléments : la mobilité, la formation et on n’est pas très bon – et le logement – et là on est mauvais. Dans ces conditions, c’est clair, le territoire ne se développera pas. Un chef d’entreprise qui voit qu’il faut une heure pour traverser la ville, il ne vient pas. On n’a pas le droit, par une espèce d’entêtement, de mettre en cause ses propres projets.

  • Les actions des associations pour contrer les projets de TPM font-elles avancer Toulon ou lui font-elles perdre du temps ?

Ceux qui doivent faire avancer Toulon, ce sont les élus. Les associations, en démocratie, ce sont des contre-pouvoirs. Elles font leur boulot. Celui qui fait perdre du temps, c’est le maire. Même sur le projet BHNS, il avait tout le temps de se donner les moyens de le faire, mais il ne fallait pas qu’il veuille passer outre ces associations microscopiques et ces élus d’oppositions minoritaires. Le fait d’être élu ne donne pas raison sur tout.

  • Le transport public, c’est un thème sur lequel vous comptez construire la prochaine campagne municipale ?

En partie, mais le dossier qui est sous-jacent au tramway, c’est la démocratie locale. Toulon a un problème de démocratie locale. Si le maire n’avait pas cette conception très verticale de la vie publique, peut-être qu’il aurait écouté ceux qui lui disaient, dans le monde associatif ou parmi ses proches, qu’il y avait un problème. Et on n’en serait pas là. Il y a une dérive autocratique. Dans la démocratie locale, la façon d’écouter l’opposition et les associations, c’est important.

Propos recueillis par P.-H. C.


Notes

[1Le RCT recevrait plus de 4 millions d’euros de subvention – voir : http://www.blog-rct.com/?p=61585 – pour un budget annuel dépassant les 20 millions d’euros – voir http://www.blog-rct.com/?p=58718.

[2Voir la note n° 2 de cette page.


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