Hélène, 13h20 de garde à vue


article de la rubrique justice - police > gardes à vue
date de publication : mercredi 17 février 2010
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Brice Hortefeux serait, paraît-il, "tombé de sa chaise" quand il a découvert le nombre de gardes à vue en arrivant place Beauvau – 580 000 officiellement, plus de 800 000 en intégrant les délits routiers. Mais le ministre de l’Intérieur semble avoir repris ses esprits : il ne serait guère favorable à une réforme de la garde à vue dont il redoute qu’elle donne "plus de droits aux délinquants qu’aux victimes" (Le Monde du 17 février 2010).

Après la garde à vue en pyjama d’Anne, 14 ans, exposée par Me Eolas, voici celle de Hélène militante du RESF de Paris-Nord Ouest dont le seul crime était de gérer la liste des alertes rafles [1].


13h20 de garde à vue

Date : 15 février 2010 23:38
Objet : Hélène ; garde à vue

A 6H10, quatre hommes et une femme ont frappé à ma porte, ont dit que c’était la police. J’ai ouvert. Ils portaient des gilets pare-balles. Je ne me souviens plus si ils m’ont montré un papier dès leur arrivée. Je sais que j’en ai signé un après mais ne me rappelle plus quoi. Ils m’ont parlé des "mes engagements politiques de gauche". Tout ce moment reste très flou, j’étais surprise et je me demandais ce qu’il se passait. Au bout d’un moment ils m’ont dit chercher des bombes de peinture et m’ont parlé de destruction de DAB (distributeur automatique de billets). ils ont cherché de la « littérature subversive ». ils ont pris en photos des livres (le dernier de RESF, de la désobéissance civile...). ils ont fouillé partout.

Ils ont voulu voir les photos de mon appareil photos, m’ont demandé si j’avais des photos de manif. Ils ont photographié des notes sur l’occupation des sans-papiers grévistes. Ils ont emmené deux ou trois papiers qu’ils m’ont rendu. Ils ont embarqué mon CV. Ils ont voulu prendre mon ordi mais je leur ai expliqué que je n’avais plus Internet depuis deux ans. Ils l’ont fouillé quand même sans l’emporter. Ils m’ont demandé mon portable et mon chargeur, qu’ils ont emporté. Je ne les ai pas récupéré. Ils m’ont dit que je pourrais le récupérer demain. Dans l’appartement ils m’ont parlé du centre de rétention de vincennes. Ensuite nous sommes descendus dans ma cave. Ils y ont jeté un rapide coup d’œil. J’ai été emmené ensuite au 36 quai des orfèvre. J’y suis arrivée vers 8h. Là j’ai eu le droit aux photos anthropométrique, prises d’empreintes et ils m’ont fait me déshabiller, m’accroupir et tousser. J’ai des marques reconnaissables sur le corps qu’ils ont prises en photos. Je leur ai expliqué que c’était une maladie génétique. Ils ont fait des commentaires se demandant si ce n’était pas contagieux...

Ensuite, vers 11 h, j’ai été interrogée pour ce qu’ils appellent l’interrogatoire d’identité (je suis plus trop sûre du terme) par un commandant de police. Ils sont remontés de ma scolarité primaire à mon diplôme professionnel, m’ont interrogé sur mes voyages et ensuite sur mes opinions politiques. Ils m’ont questionné sur mes activités militantes. Je suis remontée en cellule. J’ai été ensuite changée de cellule car j’étouffais dans celle où j’étais (en gros 4 mètres carrés, pas d’aération pas d’ouverture). J’ai demandé à voir un médecin que j’ai vu une heure après environ. Il m’a été demandé de faire un test ADN. Avant, j’avais dit que j’avais le droit de refuser. Il m’a été répondu que je pouvais être jugé pour ça et que de le faire était le meilleur moyen de prouver mon innocence. Je l’ai donc fait. Vers 16h30 j’ai été vue à nouveau "pour les besoins de l’enquête". Mon téléphone portable a été évoqué à nouveau. Il m’a été dit qu’effectivement c’était pour cela que j’étais là. On m’a demandé si j’avais participé à des actes de violences, de destruction de DAB, investi la préfecture ou la CAF, m’ont interrogée sur mes connexions Internet, les sites que je visite, mes moyens d’informations et si je connaissais des gens qui avaient commis des actes de violence (ai répondu pas à ma connaissance) ou entendu parler d’actes de violence. Ils ont beaucoup insisté pour savoir ce que savais des banques qui dénoncent les sans-papiers, ce que j’en pensais et ce que je pensais des actes violents. La fin de ma garde à vue a été prononcée à 19h35.

Je suis sortie après 13h20 de garde à vue.

Hélène


Le contexte

Arrestations parmi des militants à Paris

par Marie Barbier, 17 février 2010, 08:00 [2]


Au moins cinq personnes étaient toujours en garde à vue hier dans le cadre d’une enquête portant sur une quarantaine de dégradation de distributeurs automatiques de billets à Paris. En décembre, ces dégradations avaient été attribuées à des militants de « l’ultra gauche ». Hier, le parquet de Paris confirmait que l’enquête avait été confiée à la section de lutte contre la criminalité organisée.

L’une des personnes mise en garde à vue, libérée lundi soir, a livré un témoignage édifiant. Militante au Réseau éducation sans frontières (RESF), elle a vu cinq policiers débarquer chez elle, à l’aube, en gilet pare-balles. [...]

Le seul crime d’Hélène est d’avoir la responsabilité du téléphone de veille du réseau, par lequel elle prévient les autres militants en cas de rafles de sans-papiers : « C’est juste une assistante sociale, gentille et non violente, qui n’a jamais fait plus que de crier dans une manif ». Et de craindre un « nouveau Tarnac ». Un rassemblement était prévu hier soir alors que les autres personnes interpellés étaient toujours en garde-à-vue.

P.-S.

Une fiche téléchargeable de la LDH sur la garde à vue : http://www.ldh-france.org/IMG/pdf/L....

Notes

[2Référence : le blog de marie Barbier.


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