Égypte : 529 condamnations à mort pour l’exemple


article de la rubrique peine de mort
date de publication : samedi 29 mars 2014
version imprimable : imprimer


529 partisans du président islamiste Mohamed Morsi ont été condamnés à mort en première instance le 24 mars 2014 par un tribunal égyptien, pour la mort d’un officier de police dans la province d’Al-Minya, en Moyenne-Egypte. Ces faits avaient eu lieu lors des événements sanglants qui ont entouré la dispersion en août 2013 des sit-in des Frères musulmans protestant contre la destitution par l’armée du président issu de la confrérie.

Ce verdict ridicule et injustifié intervient alors qu’Amnesty International publie son rapport annuel sur les condamnations et exécutions 2013. En 2013, au moins 778 personnes ont été exécutées dans le monde ; près de 80 % des exécutions ont eu lieu en Iran, Irak et Arabie Saoudite, suivis des États Unis. Ces chiffres ne tiennent pas compte de la Chine qui a pratiqué des milliers d’exécutions (le nombre exact est un secret d’État) soit plus que tous les autres pays réunis. [1]


La peine de mort en Egypte

Le Monde.fr, le 27 mars 2014


La condamnation à mort de 529 partisans des Frères musulmans, lors d’un procès expéditif dans la ville de Minieh, en Moyenne-Egypte, a suscité la consternation au sein des organisations de défense des droits de l’homme et de la communauté internationale.

L’Egypte applique-t-elle la peine de mort ?

Dans son rapport annuel sur la peine de mort dans le monde, Amnesty International (AI) a pu établir le nombre de condamnations à la peine capitale, mais n’a pas été en mesure d’établir le nombre de sentences effectivement exécutées. Ces chiffres ne sont pas publiés par les autorités égyptiennes. « Ils sont d’autant plus difficiles à obtenir du fait de l’instabilité de la situation et des changements continuels de gouvernement », précise Anne Denis, responsable de la commission sur l’abolition de la peine de mort chez AI.

Les tribunaux égyptiens ont prononcé au moins 109 sentences capitales en 2013 ; 91 en 2012 et 123 en 2011, selon Amnesty international. La dernière exécution connue de l’organisation a eu lieu en octobre 2011. Il s’agissait de la pendaison d’un homme condamné pour avoir tué six coptes et un policier lors d’une fusillade en janvier 2010. « L’Egypte condamne à mort depuis de très nombreuses années. C’est une tendance déjà prérévolutionnaire et le pays continue à le faire. L’opinion publique est favorable à la peine de mort », commente Mme Denis.

L’Egypte et ses voisins régionaux

Pour l’année 2013, l’Egypte figure en tête du nombre de sentences à la peine capitale prononcées dans les pays de la région Moyen-Orient/Afrique du Nord, selon AI : Algérie (au moins 40), Arabie saoudite (au moins 6), Autorité palestinienne (au moins 14 ; 13 à Gaza ; 1 en Cisjordanie), Egypte (au moins 109), Emirats arabes unis (au moins 16), Irak (au moins 35), Iran (au moins 91), Jordanie (au moins 7), Koweït (au moins 6), Liban (au moins 7), Libye (au moins 18), Maroc et Sahara occidental (10), Qatar (6), Tunisie (au moins 5) et Yémen (au moins 3).

Dans quel contexte la peine capitale a-t-elle été prononcée ?

« Au cours de la dernière année, la peine capitale a été prononcée en Egypte dans le cadre de manifestations violentes, de réactions aux décisions politiques, ayant conduit à des meurtres », indique Mme Denis.

L’organisation alerte sur le non-respect de procédures équitables dans nombre des procès ayant conduit à des condamnations à mort. Le 9 mars 2013, un tribunal pénal du Caire a ainsi prononcé 21 condamnations à mort dans le cadre de l’affaire des violences liées à une rencontre de football à Port Saïd en 2012, qui s’étaient soldées par la mort de 74 personnes. L’enquête menée par Amnesty International sur les faits survenus et le procès qui a suivi ont montré que certaines personnes avaient avoué sous la torture ou après avoir subi des mauvais traitements.

« Les procès sont loin d’être équitables en Egypte. Il y a notamment le problème spécifique des procès inéquitables de civils devant les tribunaux militaires », poursuit la responsable d’Amnesty International. Amnesty International est opposée aux procès de civils devant des tribunaux militaires, qui sont foncièrement iniques et violent un certain nombre de garanties d’équité. En 2012, au moins 17 des 123 personnes condamnées à mort ont été jugées devant un tribunal militaire, et deux l’ont été en 2013. L’Assemblée constituante a approuvé le 1er décembre une nouvelle Constitution pour remplacer celle adoptée sous le gouvernement de Mohamed Morsi en 2012. Le texte, entre autres dispositions, autorise toujours le jugement de civils par des tribunaux militaires.

Le cas « exemplaire » de la condamnation de 529 partisans des Frères musulmans à la peine de mort

Un tribunal égyptien a condamné à mort, lundi 24 mars, en première instance, 529 partisans du président islamiste Mohamed Morsi pour la mort d’un officier de police dans la province de Minyeh, en Moyenne-Egypte. Ces faits ont eu lieu lors des événements sanglants qui ont entouré la dispersion en août 2013 des sit-in des Frères musulmans protestant contre la destitution par l’armée du président issu de la confrérie. « Condamner 529 personnes à la peine de mort à l’issue d’une seule audience ne peut pas être pris en compte comme étant de la justice. C’est un déni de justice », commente Anne Denis.

Le verdict du procès de Minieh a été jugé contraire au droit international par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies. Selon le droit international, la peine de mort ne peut être prononcée qu’après un procès équitable et dans le respect des procédures. « Le nombre stupéfiant de personnes condamnées à mort dans cette affaire est sans précédent dans l’histoire récente. L’imposition en masse de la peine de mort après un procès qui a été marqué par des irrégularités de procédure est une violation du droit international des droits de l’homme », a déclaré un porte-parole du Haut-Commissariat, Rupert Colville.

Au nombre des atteintes aux exigences les plus fondamentales d’un procès équitable figurent : un verdict rendu au terme de deux audiences ; l’absence de la majorité des accusés aux audiences ; l’absence de lecture des charges contre les accusés lors de l’audience ; l’accès restreint des avocats à leurs clients.

L’Egypte pourrait-elle modifier l’application de la peine capitale ?

Amnesty International a eu connaissance d’avant-projets rédigés par les autorités au pouvoir en Egypte, prévoyant l’adoption de nouvelles dispositions de lutte contre le terrorisme, qui étendraient le champ d’application de la peine de mort. Ces avant-projets prévoient l’imposition de la peine capitale pour un large éventail d’infractions, notamment pour la constitution d’une « organisation terroriste », la participation à des « actes terroristes » entraînant la mort ou le fait d’être à la tête d’une « bande » qui s’en prend aux forces de sécurité. En décembre 2013, les autorités ont officiellement déclaré « organisation terroriste » le mouvement des Frères musulmans.

D’après l’ONU, la peine de mort ne peut être appliquée que lorsqu’il s’agit des crimes les plus graves, ce qui n’est pas le cas de l’appartenance à un groupe politique illégal ou la participation à des manifestations.

Notes

[1Ce rapport, Condamnations et exécutions en 2013, est téléchargeable : http://www.amnesty.org/fr/library/i....


Suivre la vie du site  RSS 2.0 | le site national de la LDH | SPIP