Draguignan : non-lieu pour un gendarme mis en examen pour “coups mortels”


article de la rubrique justice - police > Joseph Guerdner
date de publication : lundi 7 septembre 2009
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Une cinquantaine de personnes ont manifesté à Draguignan le 28 août 2009, pour protester contre le non-lieu accordé le 19 août à un gendarme qui avait abattu, en mai 2008, un homme menotté tentant de s’évader de la gendarmerie.

Les juges d’instruction ont conclu dans leur ordonnance que le gendarme avait ouvert le feu dans des conditions d’absolue nécessité.

[Première mise en ligne le 31 mai 2008, mise à jour le 7 septembre 2009]

Non-lieu pour le gendarme qui avait tué un fuyard à Draguignan

d’après Var Matin le 21 août 2009


Le gendarme de la brigade de recherches de Draguignan, qui avait, tiré à sept reprises, le soir du 23 mai 2008, abattant Joseph Guerdner, 27 ans, qui tentait de s’enfuir de sa garde à vue, a été blanchi des charges qui pesaient sur lui.

L’avocat de la mère de Joseph Guerdner, Me Jean-Claude Guidicelli, a aussitôt fait appel de cette ordonnance.

Le soir des faits, Joseph Guerdner se trouvait en garde à vue à la compagnie de gendarmerie de Draguignan, dans le cadre d’une affaire criminelle. Il avait été interpellé, la veille, dans les locaux de la gendarmerie de Brignoles. À cette occasion, les gendarmes avaient trouvé dans son véhicule un pistolet 11.43, approvisionné et armé.

Il avait sauté par la fenêtre

Au cours de son interrogatoire, Joseph Guerdner avait été autorisé lors d’une pause à fumer une cigarette dans un escalier, sous la surveillance d’un gendarme. Il en avait profité pour enjamber une fenêtre et, après un saut dans le vide de 4,60 m, atterrissant dans la cour, a réussi à s’enfuir.

Le gendarme avait alors ouvert le feu depuis la fenêtre, atteignant le fuyard à trois reprises. En dépit d’une balle qui lui avait traversé la poitrine et des menottes qu’il avait aux poignets, Joseph Guerdner avait trouvé l’énergie d’escalader un grillage pour se réfugier dans une propriété voisine, grimpant même dans un arbre pour se cacher. Il en était tombé quelques instants plus tard, épuisé, et avait succombé à ses blessures.

Absolue nécessité

Le procureur de Draguignan avait ouvert une information pour homicide volontaire. Mais, c’est finalement la qualification de coups mortels qui avait été retenue par les deux magistrats instructeurs pour la mise en examen du gendarme.

Toute la question qui se posait, quant à la responsabilité de celui-ci, était de savoir s’il avait ouvert le feu, dans des conditions légales. Dans un réquisitoire définitif rendu début juillet, le procureur adjoint a estimé que le gendarme se trouvait dans les conditions légales de l’irresponsabilité pénale : « On était dans le cadre légal d’une évasion. Le fuyard savait qu’il avait affaire à des gendarmes. Les sommations ont été faites. L’expertise balistique a montré qu’il avait été atteint par les trois derniers coups de feu, les premiers pouvant être considérés comme des coups de semonce. Le gendarme n’a fait qu’appliquer le texte de la gendarmerie. »

Les juges d’instruction ont partagé cette analyse, concluant dans leur ordonnance, datée de mardi dernier, que le gendarme avait ouvert le feu dans des conditions d’absolue nécessité, prévues par un décret du 20 mai 1903, parce qu’il n’y avait pas d’autre moyen d’empêcher l’évasion.

Marche silencieuse à la mémoire de Joseph Guerdner, à Draguignan, le 29 mai 2008. (AFP/STÉPHANE DANNA)

Draguignan, l’hommage de la communauté tzigane au défunt

par Paul Barelli, Le Monde du 31 mai 2008


"Les Gitans savent rester dignes et calmes, nous l’avons démontré." A 19 h 55, jeudi 29 mai, à Draguignan (Var), Véronique Labbe, dite "Abolita", présidente de l’association gitane Notre Route, est soulagée. Elle est venue de Gardanne, dans les Bouches-du-Rhône, pour participer à la marche silencieuse en mémoire de Joseph Guerdner, ce gitan de 27 ans tué par balles le 23 mai par un gendarme, alors qu’il tentait de s’évader de la brigade de Draguignan où il se trouvait en garde à vue et menotté.

Le cortège de 100 à 200 personnes, membres pour la plupart de la communauté tzigane, s’est dispersé sans incident. "Peut-être qu’on nous regardera différemment", soupire Mme Labbe. L’atmosphère, tant à Brignoles, l’après-midi lors de la cérémonie religieuse, qu’à Draguignan, le soir, a été empreinte de recueillement et de tension contenue. Quelque deux cents gendarmes et policiers avaient été déployés aux abords de la marche qui n’a pas semblé concerner la population.

Derrière une banderole "A la mémoire de Joseph, que justice soit faite", les manifestants ont descendu l’artère principale depuis le palais de justice jusqu’à la sous-préfecture, protégés par un vaste dispositif de sécurité. La sous-préfète de Draguignan, Françoise Souliman, a proposé de recevoir la famille mais la mère de la victime a refusé, tandis que des manifestants criaient "Assassins !". Un proche de Joseph Guerdner martelait : "Le gendarme a tiré sur Joseph comme un lapin."

Présenté comme un "multirécidiviste des cambriolages et vols", par une source proche de l’enquête, Joseph Guerdner était entendu dans le cadre d’une affaire d’enlèvement et de séquestration d’un chauffeur routier. "Nous avons été choqués par la libération du gendarme qui l’a tué", confie Sylvia, venue de Marseille soutenir ses "amis gitans". Mercredi, le maréchal des logis-chef, mis en examen pour "coups mortels" et incarcéré après la mort du fuyard, a été relâché et placé sous contrôle judiciaire.

Le cortège s’est dirigé vers la gendarmerie placée sous haute protection. La famille de Joseph Guerdner a franchi une haie de CRS pour se recueillir et déposer un bouquet de fleurs sur les lieux où est mort le jeune homme dans la cour de l’école privée qui jouxte la gendarmerie.

"Si la justice ne fait pas son travail, nous n’arriverons peut-être plus à tenir nos jeunes", confiait, de son côté, Alice Januel la présidente de l’Association nationale des gens du voyage catholiques.

Paul Barelli
Devant la sous-préfecture de Draguignan, des manifestants ont brandi leurs cartes d’électeurs. (Photo : C. Chavignaud/Var Matin)

Le ressentiment d’une communauté

Venus soutenir la famille Guerdner, des représentants des Tziganes et des gens du voyage n’ont pas hésité à franchir le pas : l’affaire de Draguignan serait, sinon une conséquence, du moins un révélateur du climat de « méfiance », voire de «  stigmatisation  » à l’encontre de leur communauté.

Outre André Luzy, président de la commission Tziganes et gens du voyage au MRAP, Alain Fourest, président de l’association
Rencontres tziganes tenait à donner son sentiment : « Le département du Var est caricatural et je ne suis pas loin de penser que c’est celui qui en fait le moins pour les gens du voyage. Que les forces de l’ordre fassent leur métier, d’accord, mais que le harcèlement soit constant, ce n’est pas normal. Cette population est la plus contrôlée, et l’on présente des arrestations comme des victoires en précisant bien la qualité de ces gens. J’ai interpellé le directeur général de la gendarmerie pour que cesse cette stigmatisation gravissime J’ai demandé un rendez-vous au préfet, j’attends toujours. De qui se moque-t-on ? »

Même ressentiment de la part d’Eugène Daumas, du collectif national des gens du voyage : «  On nous marginalise et on
nous enfonce davantage chaque jour, s’insurge l’homme, grutier de son état. On a des carnets de circulation qui nous interdisent d’aller à l’étranger, il y a un blocus sur les métiers et un génocide culturel. En fait, nous sommes les étrangers de l’intérieur. Tout cela est révoltant.
 »

Var Matin, 30 mai 2008

Communiqué de presse du collectif Draguignan à gauche

Le collectif « Draguignan à gauche » communique à propos de la mort du jeune homme à Draguignan :

  • au delà du « privilège » exorbitant qu’ont encore les gendarmes de pouvoir tirer après sommation (privilège dont il faut exiger l’abrogation)
  • quels que soient les motifs , de l’arrestation d’une personne, il est scandaleux que l’on puisse tirer sur un homme menotté et désarmé, même en cas d’évasion !

Cet acte nous semble le reflet d’une dérive sécuritaire qui sévit depuis plusieurs années et qui se renforce depuis quelque temps

Draguignan le 27/05/2008


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