Cuers : comment se débarrasser d’une association culturelle ...


article de la rubrique libertés > Cuers
date de publication : vendredi 5 septembre 2008
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La page 18 de l’édition du 5 septembre 2008 de Var-Matin nous fait part d’une bien triste nouvelle. A côté des avis d’obsèques, nous apprenons en effet que le maire de Cuers a fait remettre à la présidente de l’association Orphéon une lettre où il écrit : « Nous vous confirmons notre décision de suspendre jusqu’à nouvel ordre toutes les activités de votre association ». Le déroulement de la Saison de l’Abattoir se trouve de ce fait suspendu.

On ne sait s’il s’agit d’un coup de bluff ou d’une fuite en avant. Toujours est-il que Gilbert Perugini semble déterminé à obtenir la disparition de la plus ancienne association culturelle active à Cuers... Mais tous les coups ne sont pas permis !


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Dessin de Ben8 illustrant la double-page consacrée à « Cuers capitale de la censure », dans Le Ravi de septembre 2008.

L’histoire commence le 17 mars 2008, au lendemain des élections municipales qui ont vu, à Cuers, la victoire d’une équipe conduite par Gilbert Perugini sur une équipe de gauche (majorité sortante). Le nouveau maire déclare :

«  Notre prise de fonction marquera le terme définitif de la politique de la précédente municipalité... politique idéologique, totalitaire et anti-démocratique basée sur le copinage et le favoritisme, qui a privé les cuersois pendant de trop nombreuses années de la parole et des moyens de décider ensemble de leur avenir.  »

Dès le 29 mars 2008, scrutant d’un mauvais œil le travail de terrain d’Orphéon Théâtre Intérieur, résultant d’une convention signée avec la municipalité précédente, Gilbert Perugini trouve un bouc émissaire. Dans son spectacle “Kristin”, programmé par l’Orphéon, Caroline Amoros (compagnie Princesses Peluches) use de peinture temporaire pour marquer le bitume de phrases au doux parfum libertaire, telle « Je me révolte donc nous sommes ». N’ayant – étonnamment – pas appris à manier le Kärcher, Gilbert Perugini s’offusque, fait recouvrir les phrases au goudron, puis attaque la compagnie pour dégradation de la voie publique, incitation à la désobéissance et atteinte à la République (outrage à drapeau). Le 4 avril, la municipalité fait annuler la programmation d’Orphéon ; le 11, elle tente de poser des scellés sur la bibliothèque de théâtre Armand-Gatti qui abrite les locaux de la compagnie. Une pétition est aussitôt lancée, la profession se mobilise... [1]

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“Kristin” à Chalon dans la rue, en 2007.

Les caprices du maire

Vendredi 22 août, la troupe de Marcel Maréchal, Les Tréteaux de France, est à Cuers pour y jouer Les Caprices de Marianne d’Alfred de Musset, sous un chapiteau installé devant la mairie, sur le parking François Mitterrand. Beau spectacle !

Et belle addition : le spectacle a coûté 15 000 euros à la municipalité, pour 182 entrées payantes … ce qui laisse un déficit de 12 à 13 000 euros… [2]
C’est-à-dire une somme égale à la part qui revenait à la municipalité pour les 14 spectacles de la Saison 2007 de l’Abattoir (la subvention du Conseil général était en 2007 de 18 000 euros pour un budget total de 30 000 euros).

Qui va payer les “caprices” de Perugini ? se demandent les Cuersois(es). Un premier élément de réponse a été dévoilé lors de la réunion du conseil municipal du 28 août 2008.

Le conseil municipal se réunit

Compte-rendu du conseil municipal

par Corinne Prenat, Var-Matin, le 30 août 2008

Les élus cuersois ont fait leur rentrée jeudi soir. Après lecture des décisions du maire et le vote de subventions, la parole a été donnée à l’adjoint délégué à l’économie, Laurent Houdayer, chargé de présenter le projet de délibération sur la tarification d’occupation des salles communales.

Le projet stipule qu’à compter du 1er septembre, les associations, les syndicats ainsi que les partis politiques devront verser une contribution pour l’occupation des locaux publics. Sont concernées la salle de l’Oustaou per touti, la chapelle Authié et la salle Sainte-Thérèse.

Des dispositions particulières prévoient que la chapelle Authié sera mise à disposition des associations politiques et syndicales selon les modalités suivantes :

  • association politiques cuersoises issues de l’opposition élue : 2 heures gratuites par mois ;
  • associations politiques cuersoises non élues et syndicats : 50 euros par jour ;
  • associations politiques et syndicats non cuersois 100 euros par jour.

[…]

Les associations politiques cuersoises issues de la majorité étant absentes de cette liste, tout un chacun en a déduit qu’elles pourraient disposer du local sans frais.

Le groupe d’opposition de gauche de Gérard Cabri a vivement réagi : « Ce projet à caractère politique est discriminatoire et porte gravement atteinte à la liberté d’expression. Sur le plan juridique, vous n’avez pas le droit de proposer une telle délibération. Nous allons en aviser le préfet et, s’il le faut, saisir le tribunal administratif ». [3]

Après qu’ait été présentée la tarification proposée aux associations, et devant la levée de boucliers suscitée par l’ensemble du projet, le maire a décidé de retirer la délibération de l’ordre du jour du conseil, alors que la large majorité dont il y dispose lui aurait permis de la faire adopter sans difficulté.

Le maire tranche

Le maire de Cuers suspend les activités d’« Orphéon »

par V.L.P., Var-Matin, vendredi 5 septembre 2008
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Gilbert Perugini
(dessin de Pierre Begliomini)

En conflit ouvert avec les responsables d’« Orphéon », figure de proue du théâtre à Cuers depuis 25 ans, le maire Gilbert Perugini (UMP) a franchi un pas supplémentaire hier soir, en suspendant officiellement « et jusqu’à nouvel ordre », les activités de l’association.

« Etant donné l’absence de réponse de monsieur le Procureur de la République suite à la plainte déposée par nos soins, nous vous confirmons notre décision de suspendre jusqu’à nouvel ordre toutes les activités de votre association », écrit le maire dans un courrier remis hier par des policiers municipaux à la présidente Anne-Marie Trompette.

En mars dernier, l’association, liée par convention à la Ville, proposait trois spectacles gratuits à Cuers dans le cadre d’un festival financé par la commune et le conseil général. En prévision de l’un de ces spectacles, une artiste avait inscrit des phrases en plusieurs points de la ville, à l’aide d’une peinture qu’elle assurait « éphémère ». Contestant ce
fait, le nouveau maire avait fait recouvrir les inscriptions à la peinture noire, empêchant le bon déroulement du spectacle et s’attirant les
foudres d’associations et institutions culturelles, condamnant « un acte de censure ». Le maire avait également déclaré avoir porté plainte contre l’artiste Caroline Amoros et la présidente d’Orphéon « pour dégradation de la voix publique et outrage au drapeau ».

Il avait enfin, suspendu « jusqu’en octobre », la programmation des spectacles de la saison de l’Abattoir.

Aujourd’hui, ce sont donc ces plaintes, toujours pas instruites, qui justifient encore,selon le maire, la suspension des activités de l’association.

« Nous voilà considérés comme des coupables »

Cette dernière annonçait hier son intention de répliquer. « Nous allons annoncer cela aux partenaires, car notre convention semble
rompue et nos cours de théâtre supprimés. De même que la saison de l’Abattoir
 », a réagi hier soir Françoise Trompette metteur en scène de l’association.

« Nous aimerions trouver une réponse juridique. Une convention qui n’a pas été dénoncée ne peut être cassée de la sorte, alors que nous n’avons même pas reçu de plainte personnelle. Nous voilà considérés comme des coupables... C’est insupportable. »

Gilbert Perugini était injoignable hier soir.

V. L P.

A suivre ...

Notes

[1Texte librement adapté de l‘article « Mal au Cuers » publié dans le n° 9 de la revue Stradda (juillet 2008).

[3Var- Matin du 30 août 2008.


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