F.B. nous écrit, nous envoie des photos de la Côte ...
Le 3 août 2007
Depuis la fin de l’année 2006 une famille de Roumains, 3 couples et 2 enfants, a installé un baraquement sur un terrain situé à Juan les Pins (à coté du 55 avenue de Cannes) et appartenant au conseil général. Depuis un mois et demie une autre famille, aussi de 8 personnes c’est installée dans un autre coin de ce terrain à moitié en friche. Ce terrain doit accueillir un collège dont la construction est programmée pour 2010.
J’ai appris hier matin 2 août 2007, par un pur hasard, qu’un arrêté d’expulsion a été signé par Christian Estrosi il y a trois jours [1].
Expulsion mais pas de solution de remplacement pour ces gens
Il est plus agréable pour tous nos élus de se montrer dans les manifestations mondaines de la Côte d’Azur que de traiter les problèmes des gueux. Ils oublient trop souvent qu’il ont été élus par le peuple pour servir le peuple.
A Antibes-Juan les Pins, il y a des centaines de logements inoccupés onze mois sur douze et une tranche de plus trois cents est en construction à 50 m du bidonville installé par les Roumains. (Pour info certains bâtiments de cet ensemble immobilier de luxe est à moins de 150 m de la mer — qu’en est-il de la loi littorale à Antibes ?)
Je précise qu’habitant en mitoyenneté du terrain du Conseil général je vois la vie de ces Roumains. Ils possèdent des papiers, un des hommes a un numéro de sécurité sociale, ce même homme vient de signer un contrat de travail de trois mois, ils sont très corrects, toujours d’une grande propreté, très polis et discrets pour l’entourage.
Le plus grand des enfants (10 ans environ) va à l’école et est brillant. C’est grâce à la bonne volonté d’une voisine, qui a donné son adresse, que ce gamin est scolarisé.
Etant simple citoyen je m’adresse à vous [la LDH de Toulon], pour faire quelque chose rapidement en faveur de ces gens. Il vont être expulsé de ce terrain dans les jours qui viennent mais pour aller où ? On ne leur propose rien.
C‘est gens sont contents de leurs baraquements, c’est dire dans quelle misère ils étaient en Roumanie.
Je pense que le plus urgent est de faire annuler l’arrêté d’expulsion afin de trouver une solution viable et pérenne pour ces Roumains.
Le 18 janvier 2007, lors d’une réception en l’honneur de l’entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans l’Union européenne, M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, a déclaré [2] : « Nous tenions à souhaiter à nos Amis roumains et bulgares de France la bienvenue au sein de la famille européenne. [3] […] En étendant à de nouveaux partenaires les “solidarités de fait” nées de la construction européenne, l’élargissement renforce la paix, la stabilité et la prospérité sur le continent. » Des paroles, oui, mais les actes ?
Le 5 août 2007
Pour votre information, lundi 6 août au matin et suite à mon appel, M. Piel, élu municipal PCF et vice-président de PACA vient sur place à 9h. Une interprête et un ancien élu qui a déjà apporté son aide à ces Roumains seront également présents. Si quelqu’un de la LDH pouvait être présent, cela nous aiderait à faire reporter l’arrêt d’expulsion en septembre, le temps que nous aidions les Roumains à trouver une solution. Un mobil-home serait une amélioration certaine, d’autant qu’à partir de cette date M.Grégore, un des Roumains, pourra fournir un bulletin de salaire.
Le 10 août 2007
Tout d’abord je voudrais dire merci à toutes les personnes qui m’ont répondu à des titres divers.
Le 6 août vers 9 h, M. Piel est venu, ainsi qu’un journaliste de Nice Matin, accompagné d’un photographe. Très surpris par l’état d’organisation et de propreté du baraquement il a écrit un article reflétant parfaitement la force qu’a cette famille pour s’intégrer dans notre pays (voir Nice Matin du 8 août). Un article, plus court mais tout aussi révélateur, est paru dans l’hebdomadaire Le Patriote.
La police devait évacuer le terrain le soir même à partir de 17h.
L’intervention de Gérard Piel auprès du commissaire de police a permis de reculer l’échéance de 8 jours. Cela n’empêche pas la police de maintenir une pression journalière, à la limite du tolérable, sur la famille Gregore et les autres Roumains présents sur le terrain.
Le mari : j’ai un contrat de travail
On s’en fout
Mon fils et inscrit à l’école pour la rentrée
On s’en fout
Puis attrapant le mari par le maillot, un policier le secoue : fous le camp ! ...
Ce délai de 8 jours accordé par le commissaire donne un peu de temps à toutes les bonnes volontés pour trouver une solution pérenne pour ces Roumains.
Mercredi un couple, le plus âgé, est parti à Nice. Hier jeudi, les 8 derniers Roumains, arrivés il y deux mois sur le terrain, sont partis, toujours sous la pression de la police mais sans point de chute.
Je viens d’apprendre, ce vendredi 10 août, que M. Piel a réussi à obtenir une prolongation d’une dizaine de jours avant l’expulsion.
Ce délai supplémentaire permettra à toute l’équipe de bénévoles de résoudre de manière humaine et durable ce problème.
Le 11 août 2007
Nous avons une solution : nous avons trouvé un terrain, il est en cours d’aménagement. Nous avons besoin d’environ 1000 à 1200 € pour acheter une caravane (un mobil-home).
Nous sollicitons toutes les bonnes volontés qui voudront bien nous aider : prenez contact avec M. Baracco.
S’il restait un peu d’argent il sera remis à la famille Gregore pour faire face à la rentrée scolaire de leur fils. Ce dernier, arrivé en mars 2007 en France et ne connaissant rien de notre langue à fait d’énormes progrès, jouant déjà les traducteurs entre ses proches et nous. De plus son carnet scolaire est truffé de « très bien ».
à suivre ...
Vague d’expulsions sur la Côte d’Azur
Logement . Les familles monoparentales sont les premières victimes de la rapacité des bailleurs privés et des choix politiques de la droite locale.
par Philippe Jérôme, L’Humanité du 3 août 2007[Antibes (Alpes-Maritimes)] « Maman n’est pas là, elle est au travail, je suis seul avec mes deux frères… » « Bon, tu diras à ta maman qu’il faut faire vos valises, un serrurier viendra à la fin du mois. » La scène entre cet adolescent de quatorze ans et trois policiers ne se déroule pas dans un faubourg misérable, à l’époque de Zola, mais ce samedi matin de juillet 2007, à quelques encablures du « quai des milliardaires », dans la station balnéaire d’Antibes-Juan-les-Pins. « Le petit a été démoli par cette histoire et son aîné a dû être hospitalisé après un malaise », raconte Mme S., qui a arrêté de payer son loyer car le propriétaire de ce 30 m2 dans lequel elle « survit » avec ses trois enfants refuse de lui signer un bail tant qu’elle ne lui aura pas versé 2 500 euros !
À Menton, c’est un père de famille qui a appris sur son lit d’hôpital que sa femme et ses enfants se trouvaient dans un hôtel après avoir été virés de leur logement. Mme G., une jeune mère célibataire de quatre enfants, battue par un mari violent et alcoolique, a été expulsée de son deux-pièces à Grasse : « Depuis, mes enfants sont dans un foyer de la DDASS et moi je suis hébergée à droite et à gauche. » Quant à Mme G., autre fem- me seule avec trois enfants, elle fait partie de cette soixantaine de familles menacées d’expulsion imminente dans la seule ville d’Antibes-Juan-les-Pins : « Le propriétaire veut récupérer à tout prix mon logement, d’ailleurs insalubre, que j’occupe depuis neuf ans. Je suis dans une situation difficile car mon divorce s’est mal passé et la CAF met deux mois à reconnaître le non-versement d’une pension alimentaire. C’est pendant cette période que l’on commence à plonger et que l’on risque d’être séparées de nos enfants », s’inquiète-t-elle. À juste raison, hélas, car ce sont pour beaucoup les familles monoparentales qui sont les premières victimes de la vague d’expulsions locatives qui touche en ce moment la Côte d’Azur, neuf cas sur dix se produisant dans le secteur locatif privé.
Une situation qui révolte le vice-président (communiste) de la région PACA, élu à Antibes, Gérard Piel, lequel tente d’organiser un réseau d’alerte et de solidarité dans tout le département. « On mobilise des moyens humains et financiers considérables pour sauver un baleineau en Méditerranée ou réimplanter une espèce de marmotte dans la montagne, et tout le monde se fout de ces gosses qui se retrouvent à la DDASS parce que les parents ont des retards de quelques centaines d’euros de loyer ! », s’indigne-t-il, stigmatisant surtout les choix politiques de la droite azuréenne. Antibes, par exemple, ne compte que 5,8 % de logements sociaux alors que l’on continue à construire à tout-va dans le privé spéculatif. Son maire, Jean Léonetti, l’un des pontes de l’UMP, est donc hors la loi SRU. Mais que fait donc la police ?
Philippe Jérôme
[1] Il est vrai que Christian Estrosi, président du Conseil général des Alpes Maritimes et secrétaire d’Etat chargé de l’outre mer, n’a pas la réputation de beaucoup apprécier « ces gens-là ».
[2] Source : https://pastel.diplomatie.gouv.fr/e....
[3] En réalité, si la Bulgarie et la Roumanie sont entrées dans l’Europe, il n’en est pas de même pour les Bulgares et les Roumains.